Un 24x65 (et plus...) abordable
par Bernard ARDAUD
Introduction
L’amateur de prises de vues est souvent confronté
à l’interrogation classique. « Quel appareil emporter, quel format,
pour quel usage, dans quel but ? »
Combien de fois s’est-on surpris à penser « Telle vue serait plus
intéressante en format panoramique ? »
Certes, il est toujours possible d’effectuer un recadrage à partir
d’un format plus grand mais raisonner en format panoramique oblige
souvent à des choix originaux.
En voyage lointain, le problème se complique car il est des pays où
la discrétion et la rapidité d’exécution sont de mise pour éviter
les attroupements de curiosité joviale (Inde, Asie) ou plus
franchement réprobateurs (Terres d’Islam).
L’abondance de matériel constitue un frein à cette « cueillette de
l’instant décisif. »
D’où l’idée de disposer d’un format panoramique 24 X 65 mm assez
complet qui vient en complément d’un moyen format sans alourdir
inutilement le bagage de notre collectionneur d’images.
Les boitiers qui répondent aux critères sont au
nombre de deux : le X PAN HASSELBLAD et le FUJI TX1.
Tous deux électroniques qui, un jour, ne seront plus réparables,
malgré leur qualité, leur prix élevé, bien souvent inaccessibles
pour le simple amateur.
Je propose ici une adaptation à partir d’un
boitier existant pour obtenir un appareil panoramique de format
24X65 mm que l’on va équiper d’une optique moderne et de grande
qualité.
L’appareil de base

Fabriqué en Allemagne pour BELL & HOWELL et
destiné au marché US, l’appareil stéréo STÉRÉO COLORIST connut son
heure de gloire autour des années 60. Il délivrait deux images
24 X 24 mm espacées de 48 mm.
On le trouve assez facilement sur le web, en bon état, pour un prix
raisonnable.

Réalisé en alliage aluminium, le boitier est très bien conçu,
robuste, et le mécanisme d’avancement du film 35 mm, très simple,
est déporté sur la droite, disposition essentielle pour les
modifications à venir.
Le but de la transformation est de supprimer la séparation des deux
logettes afin d’obtenir un seul espace qui autorise un format
théorique de 24 mm X 94 mm soit 40% plus large qu’un X PAN !
Préparation
Après avoir retiré les deux boutons d’avancée du
film et du rembobinage, démonter le capot supérieur, fixé par deux
vis latérales.
Le mécanisme est très simple, basique même.
Démonter les éléments superflus pour ne garder que l’essentiel
(viseur, déclencheur, œilleton…).

Démonter la semelle n’apporte rien de plus.
Dévisser le frein du dos tenu par une simple vis afin de pouvoir
ouvrir le dos à 180°.

Démontage du capot avant tenu par quatre vis
d’angle. Le bloc des deux optiques apparaît alors, fixé au boitier
par quatre vis bien visibles au fond. Section du fil de flash.

On libère assez facilement le bloc optique qui
dévoile alors les trois logettes qui vont faire l’objet de toute
notre attention.

La partie délicate commence maintenant.
Il faut sectionner les deux cloisons verticales en alu, sans abimer
les rails de guidage du film dans le couloir de défilement.

Un peu de délicatesse est requise pour cette
étape.
Régularisation des berges sectionnées à la lime à
fines dents.

Une fois les deux cloisons sectionnées, la fenêtre
ainsi libérée mesure 24 mm X 94 mm rapport 1 : 3,9. Pour mémoire, le
X PAN autorise 24 mm X 65 mm rapport 1 : 2,7. Cette large fenêtre
permet à chacun de choisir le format qu’il affectionne et permet des
possibilités créatrices pour des formats peu courants qui autorisent
des effets esthétiques inhabituels.
Pour ma part, j’ai choisi un format 24 mm X 60 mm
rapport 1 : 2,5 que je trouve, personnellement, plus équilibré.
« A vouloir trop montrer, on ne montre plus grand-chose. »
Adaptation
Une fois les cloisons sectionnées, régularisées,
après aspiration des poussières, nettoyage, la mise en place des
séparations adaptées au format sélectionné repose sur l’utilisation
d’aluminium, de plastique opaque, voire de carton d’encadrement ou
de carton pour maquette facile à travailler, à coller, à peindre.
L’épaisseur du boitier mesurée entre le plan de défilement du film
et le bord antérieur plan du boitier est de 44,5 mm. Il faut choisir
une optique qui couvre le format prévu et dont le tirage mécanique (flange
focal distance) est supérieur à 45 mm.
J’ai choisi le SUPER ANGULON 5,6/47 mm NON XL dont
la flange focal distance donné par SCHNEIDER est de 52,2 mm.
De ce fait, montage en FIX FOCUS, car une bague de mise au point est
épaisse de 22 mm et ne peut pas s’intercaler.
L’objectif sera monté sur une plaque réalisée en
impression 3D d’épaisseur 6 mm percée en son centre d’un orifice
diamètre 34 mm pour recevoir l’obturateur COPAL 0.
Colmatage des orifices du capot supérieur qui doit
être étanche à la lumière.
Montage
Il n’est pas raisonnable de fixer un objectif de
prix par les quatre vis de 2 mm qui fixaient le capot original.
Les parties latérales de la grande fenêtre ovale, inutilisées car en
dehors de la chambre de
passage des rayons lumineux, vont être utilisées pour la fixation
des deux pattes de fixation réalisées dans une cornière alu et
collées à l’armature à l’aide de la colle époxy.
Ces colles à deux composants sont la providence des bricoleurs….
Deux boulons de diamètre 4 mm collés en arrière sur cette fixation,
recevront la plaque porte-objectif et vont faciliter le calage fin
de l’optique en adaptant les intercalaires nécessaires en fonction
de la mise au point souhaitée.

Etalonnage de l’avancée du film
En fonction du format choisi, il faudra étalonner l’avancée du film,
étape un peu délicate mais nécessaire car dorénavant l’avancement
n’est plus calibré.
Cette étape devra se faire avant le montage de l’objectif à l’aide
d’un vieux film 135 sacrifié.
Pour avancer jusqu’à la première vue depuis la bande amorce, compter
TROIS TOURS complets du bouton droit, à condition que la bande
amorce soit bien engagée dans l’axe rehaussé de sa petite flèche
blanche.
A titre d’exemple, pour un format 24 X 60 mm UN TOUR TROIS QUARTS
permet d’avancer jusqu’à la vue suivante avec un petit espace libre
entre les vues.
Un tour complet du bouton d’avancement déplace le film d’environ 40
mm.
Cette étape et cette limitation constituent le principal obstacle de
cette adaptation-transformation.
Le rembobinage est simplissime. Tenir enfoncé le petit index rouge
et rembobiner le bouton de gauche en suivant le sens de la flèche.
Finition
Appareil sur pied, horizontal, le calage de
l’optique va se faire avec un dépoli fixé sur le plan du film avec
l’aide d’une loupe de mise au point.
La formule de Newton(1) nous permet de calculer
l’avancée de l’objectif en fonction de la distance choisie de la
mise au point par rapport à la position de netteté pour un sujet
visé à l’infini.
Objectif 47 mm, mise au point choisie 2 m, déplacement vers l’avant
de 1,1 mm. Flange focal distance 52,2 mm donc choisir 53,3 mm.
Pour mémoire à F : 11 le 47 mm permet une profondeur de champ de
1,2m à 5 m pour une mise au point sur 2 m et à F : 16 de 1,10 à
l’infini.
Contrôle sur dépoli.

Adaptation d’un viseur additionnel extérieur et
étalonnage.
Vérification de la qualité de la peinture antireflet noire mate dans
la partie traversée par les rayons lumineux.
Au prix de quelques heures de bricolage, d’un peu
de soin, on dispose d’un boitier panoramique, entièrement mécanique,
autorisant les formats de 24 X 60 jusqu’à 24 X 94 mm.
La simplicité du boitier, la large fenêtre, permettraient
d’envisager un système multi format par changement des cloisons
disposées au niveau du plan de défilement du film.
Ceci constituera peut-être une piste pour l’avenir…
A l’arrivée, le boitier mesure 175 mm de long, 85 mm de hauteur et
90 mm de profondeur, avec
le 5,6 / 47 mm et pèse 700 grammes sans le film ni le viseur.
Bonnes photos panoramiques !
Notes
(1) Formule de Newton permettant
de calculer le déplacement d'un objectif entre la mise au point sur
l'infini et la mise au point sur un sujet déterminé (on rappelle
que, par définition, la focale exprime la distance entre l'objectif
et la pellicule pour que le sujet, placé à l'infini, soit net sur la
pellicule ; ex. : un objectif de 150mm, placé à 150mm de la
pellicule, assure sur cette dernière la netteté des sujets à
l'infini)
Δ=f²/D
où :
Δ : déplacement depuis l'infini
f : focale exprimée en mm
D : distance du sujet visé en mm
exemple pour un objectif de 150mm, avec un sujet à
1m
Δ = 150²/1000 = 22,5 mm
Il faut augmenter de 22,5 mm les 150mm de départ (sujet net à
l'infini) pour assurer la netteté d'un sujet à 1m.
dernière mise à jour : février 2023
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