Construire une chambre légère
pour la montagne
par Bernard ARDAUD
ski de randonnée dans les Pyrénées par -18° ; format 6x12 © Bernard
Ardaud
Pourquoi fabriquer une chambre photographique légère ?
De nombreux modèles existent, le marché de l’occasion est
dynamique mais la réponse est simple : pour avoir ce qui n’existe
pas.
Une 6 x 12 fabriquée pèse 1.2 kg, une 6 x 17 …1.8 kg, qui dit
mieux ?
La légèreté me permet de les transporter et de photographier
partout, quelquefois à main levée. La qualité incomparable du grand
format et la mobilité combinées pour une vision différente.
Vous ne trouverez pas de plan-type avec des mesures précises à
respecter. Je vous invite à créer vous-même votre appareil dont les
dimensions finales dépendront du format, du matériel de récupération
utilisé, des procédés de fabrication et de votre imagination pour
résoudre le dilemme solidité/légèreté en fonction de votre
utilisation.
Un chambre photographique à votre image, en somme !
La philosophie de ma démarche est d’utiliser du matériel existant à
qui on va redonner vie dans une démarche de recyclage, d’adaptation,
de métissage pour une création actuelle.
Matériel nécessaire
Matériel de bricolage de base, les deux « machines
indispensables » sont : une perceuse et une ponceuse – contre plaqué
5 mm - cornières alu - serres joints – boîte à onglet d’encadreur –
établi – étau – scie à métaux – limes – colle époxy (Araldite) –
paille d’acier fine 000.
S’il est possible de tout fabriquer dans une chambre, il est tout
de même plus facile de « partir de quelque chose ». L’idéal est de
trouver en brocante un folding 6 x 6 ou 6 x 9 utilisant le film 120,
en sélectionnant un boîtier dont le mécanisme d’avancement du film
est métallique, interdisant l’inversion de sens de rotation de la
bobine et robuste (vieux modèles Agfa).
L’objectif doit retenir toute votre attention, couverture de
format, angle de vue, qualité, poids, état mécanique de l’obturateur
et prix.
Les chambres n’ont pas de soufflet, la mise au point se fait par
rampe hélicoïdale adaptée à la focale de l’objectif. Sans rampe
hélicoïdale, la mise au point fixe sur l’hyperfocale est possible,
la souplesse d’utilisation d’une rampe est bien agréable1.
Si aucune rampe n’est disponible pour certains objectifs, la
fabrication d’une rampe complexe sort du cadre de cet article, mais
il possible de récupérer sur de vieux objectifs 24 x 36 un mécanisme
de mise au point bricolé et adapté aux dimensions au prix de
quelques heures supplémentaires.
Méthode
1ère étape : adapter le passe film
Après avoir démonté l’appareil de base, conserver toutes les vis,
ressorts, on ne jette rien, tout peut servir…
Sectionner la fenêtre de film 6 x 6 verticalement par le milieu
en utilisant des cales en bois pour que les bords de coupe restent
bien droits.
Vous disposez ainsi d’une partie bobine débitrice et la demi
fenêtre plus le petit axe de guidage du film d’une main et la bobine
réceptrice plus le mécanisme d’avancement de l’autre.
Deux cornières alu en L de même longueur vous permettent
d’allonger au format voulu, fixation en haut et en bas par
boulons-écrous plus colle époxy (Araldite) en veillant à la planéité
parfaite du passe film déposé à l’envers sur une plaque de verre
épais.
A ce stade, une fois séché, vous disposez d’un plan film assez
rigide, léger mais qu’il faut renforcer :
Deux morceaux de cornière de plus petite épaisseur 1.5 mm vont
constituer les rails de glissement du film. Leur préparation demande
un peu de minutie. Le côté large vient sous la berge supérieure de
la fenêtre, le côté étroit sera vertical face à vous supportant le
film :
Un morceau régulier de 1.5 à 2 mm taillé à la longueur permet
d’obtenir la même épaisseur tout le long, finir à la ponceuse et à
la paille d’acier.
Un coup de scie aux extrémités permet de glisser les rails sous
le rebord des demi fenêtres en les bloquant. Limer pour obtenir une
pente douce afin de permettre un passage du film sans difficultés,
ni déchirure.
Coller les rails en veillant à bien essuyer les traces de colle.
Finition à la paille d’acier 000.
Le plus difficile est fait avec un investissement de départ de
quelques dizaines d’euros, pour l’achat du folding, de cornière alu,
de colle et de patience.
2ème étape : le corps
Tasseau de bois épaisseur 8 mm, largeur de l’épaisseur de votre
passe film. On va découper à la boîte à onglet un cadre en bois qui
va doubler à l’extérieur le passe film pour le rendre rigide et
adapter le reste. Prévoir quelques millimètres de plus afin de
pouvoir caler le passe film parfaitement parallèle aux bords,
prévoir le passage du mécanisme d’entraînement. Personnellement, je
colle d’abord le cadre en bois en veillant à avoir des angles
droits, serres joints, ou ficelle d’encadreur et blocage des angles
avec des bouchons évidés à angle droit :
Une fois sec, caler le passe-film avec carton dense ou
contreplaqué fin en contrôlant bien le parallélisme, rails de
transport du film et bords du cadre en bois.
3e étape : le dos
Mesurer la largeur et surtout la longueur du corps de l’appareil,
ajouter l’épaisseur de la charnière plus 1 ou 2 mm pour faciliter
l’ouverture. La charnière à piano, facile à trouver dans les
magasins de bricolage, une fois fermée mesure entre 3 et 4 mm
d’épaisseur. Tenir compte éventuellement de l’épaisseur des têtes de
vis qui seront utilisées pour maintenir cadre alu – charnière –
boîtier.
Pour des raisons de commodité, je place la charnière sur le côté
gauche du dos autorisant une ouverture du dos à 180°. Cornière alu
dans laquelle on trace les triangles des angles à découper pour
constituer un cadre d’une seule pièce se réunissant bout à bout au
milieu du bord inférieur :
Rectangle de contreplaqué collé à la colle époxy dans son cadre,
presse – serre joints pour garantir une planéité parfaite. Bien
essuyer les traces de colle. Une astuce est de bien poncer le bois
avant de le coller, vous seriez gêné par le rebord du cadre alu…
4ème étape : le capot avant
Même principe que le dos en reprenant les mesures qui doivent
être légèrement plus petites car, une fois en place, il devra être
étanche à la lumière. Prévoir une fenêtre qui va accepter le cône
support d’objectif. Bien poncer le bois qui sera face au sujet, vous
pouvez le décorer, le recouvrir, le peindre…
A ce stade, il faut déjà penser au décentrement éventuel de
l’objectif. Si le corps de l’appareil est étroit il convient
d’évider un peu le bord inférieur du cadre alu pour permettre de
loger le cône support d’objectif.
5ème étape :
Le presse film
Tôle d’alu 0.5 mm d’épaisseur, découpée aux dimensions du format
plus 1 cm environ de chaque côté pour loger la charnière inférieure
à distance du rail inférieur et permettre de remonter les bords pour
rigidifier l’ensemble. Pour plier les bords, bien penser à bloquer
la plaque plane entre deux planches bien parallèles pour conserver
une planéité optimale.
Poncer et finir à la paille d’acier, le doigt éprouve une
sensation de miroir, de soyeux en passant sur la face en contact
avec le papier de roll film…
La fenêtre de localisation du film
A l’aide d’un vieux film voilé ou d’une bande papier, charger votre
appareil, faire dérouler pour que la bande adhésive dépasse le bord
droit de la fenêtre du film de 5 mm environ. La fenêtre de
localisation sera en face le n°1 pour un 6 x 12 et le n°2 pour un 6
x 17. Repérer sur le passe film et percer en regard un orifice
d’environ 12/15 mm de diamètre.
Charnière inférieure
Un fil d’acier ou de trombone conformé en U et introduit dans un
trou réalisé dans le passe film est largement suffisant. En prévoir
deux avec un peu de liberté dans les mouvements latéraux. Coller les
parties au contact du passe film.
A ce stade, il convient de faire fonctionner le déroulement du film,
du chargement/déchargement des rouleaux, contrôler la planéité du
film, le parallélisme avec le cadre bois, bords antérieurs,
supérieurs et inférieurs. Le passe film doit reposer sur tout la
surface, être facile à ouvrir, se positionner, bref tout doit être
opérationnel.
6ème étape : cône support d’objectif
Vous allez devoir connaître avec précision le tirage optique de
votre précieux objectif. FLANGE FOCAL DISTANCE.
Les sites
http://www.schneideroptics.com/
et
http://www.largeformatphotography.info/lenses list
vous seront utiles et vous permettront de connaître les valeurs de
cercle d’image nette et les tirages de pratiquement tous les
objectifs existants.
Il est aussi amusant de les vérifier. Deux boîtes à chaussures,
découpées pour coulisser l’une dans l’autre, un orifice pour fixer
l’objectif, à l’autre bout un verre dépoli, un sujet à l’infini, une
réglette gradu��e, un drap noir… Vous aurez une mesure exacte au ½
mm…
Connaissant le tirage optique, l’épaisseur de votre appareil, de
la rampe hélicoïdale, vous calculez la hauteur du cône nécessaire
que vous allez prévoir 1 mm plus court pour pouvoir régler à la fin
le tirage optimal, car il sera plus facile d’allonger que de
raccourcir. Pour une fois !
Tout peut faire l’affaire, cône SINAR, planchette rentrante
disposée à l’envers, pièce plastique de récupération. Je trouve plus
esthétique de réaliser un trapézoïde en bois de même matière que le
reste de l’appareil.
Mieux vaut réaliser un modèle en carton d’encadrement qui
permettra de contrôler les mesures, les angles et de prendre
conscience de quelques détails.
La planchette avant pourra être collée à demeure ou amovible par
4 écrous fixés et collés dans le cône à l’époxy pour pouvoir
évoluer. Dans ce dernier cas, le réglage du tirage se fait par
l’adjonction de feuillets de papier, plus ou moins épais, disposés
entre la partie avant du cône et la planchette boulonnée.
Positionner le cône qui doit reposer à plat sur le capot avant,
sans laisser d’espace, tenir compte du décentrement éventuel,
vérifier le parallélisme entre planchette/avant-plan du film, en
mesurant tout autour de l’orifice réalisé à la dimension de
l’objectif. Le bois autorise le ponçage fin et donc le contrôle des
mesures très facilement.
Coller le cône sur le capot avant, planchette et cône. Lorsque
vous êtes certain du calage optique, coller le capot sur le corps de
l’appareil.
7ème étape : charnière dos
Charnière à piano en inox, fixée par 2 écrous ou rivetés sur le
cadre alu et le cadre bois, en décalant les orifices pour éviter les
surépaisseurs. Les fermetures sont fixées sur le bord droit en
pression légère.
En mercerie : ruban noir de velours de largeur variable, bien
pratique pour assurer l’étanchéité à la lumière, collé sur le bois
du dos.
Pour assurer l’étanchéité du corps et du cône, fil de laine noire
enfoncé dans les interstices, velours noir collé, feutre adhésif
(Vénilia), autocollant peint. Tout peut faire l’affaire. Peindre en
noir mat les surfaces exposées à la lumière interne pour éviter les
reflets parasites.
8ème étape : réglages
A l’aide d’un verre dépoli au contact du passe-film, objectif sur
l’infini à pleine ouverture, régler le tirage optique (cf. Supra).
Vérifier le cadrage obtenu avec le viseur extérieur et ses
masques éventuels. Il est utile quelquefois de fixer le viseur au
bord supérieur avec une légère angulation vers l’avant pour tenir
compte du décentrement de l’objectif.
Niveaux à bulle facultatifs, mais bien utiles.
Ecrou de pied
Finitions diverses.
Discussion
. Ces chambres panoramiques sont légères : 1.2 kg pour le 6 x 12
avec son Super-Angulon 5,6 / 75 et son viseur, 1.8 kg pour le 6 x 17
avec un Super-Angulon 8/121 et le viseur.
. Décentrement de 7 mm l’objectif. Pas de bascule mais on peut,
lors de la construction, prévoir un petit Scheimpflug.
. Rigides, rustiques, elles prennent place dans mon sac à dos en
toute saison, partout sans arrière-pensée.
. Le viseur extérieur permet la visée et la composition de
l’image sans avoir à sortir l’appareil.
. L’investissement réside dans l’objectif et sa rampe de mise au
point.
. Mieux vaut savoir un peu bricoler, mais il n’est pas nécessaire
de disposer d’un atelier ou d’outillage complexe. Un peu de patience
et de minutie suffisent.
pic d'Anie © Bernard Ardaud
Conclusion
Vous allez rapidement attirer les curieux ! Quant aux curieuses,
elles vous demanderont en quelle essence est le bois utilisé. Cela
permet quelquefois d’engager la conversation…
Bibliographie
Revue Cyclope Mai-Août 1997, p. 64-65 PANOPROTOS Thierry REBOURS
La saga des sténopés (et autres appareils à bricoler soi-même)
John EVANS Ed. EYROLLES
http://www.schneideroptics.com/
http://www.largeformatphotography.info/
Je souhaite remercier M. DALCIN, ADAFLEX,
tel : 05 53 67 06 39, qui peut fournir des rampes hélicoïdales à des
prix raisonnables
Je remercie l’équipe de Galerie-Photo pour la qualité des
rubriques présentées.
dernière mise à jour : février 2006
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