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A propos d'une image d'Edouard de Blay

Galerie-Photo : "Edouard, comment se fait une photographie comme celle-ci ?"

E.-B. : pour commencer, je ne travaille pas seul. J'ai une petite équipe, composée d'un maquilleur, d'un coiffeur et de deux stylistes, Janela Nunez et Jean-Louis Pinabel. 
L'élaboration commence par un meeting entre le styliste et moi. Je lui dis ce que je recherche, le style de la photo que je vais faire et il se charge de la conception, des vêtements, du choix des accessoires.
La recherche du modèle se fait souvent à deux. Nous passons une heure sur le net à visualiser le book des filles. Il m'arrive aussi de flasher sur une personne et de lui demander une séance. Pour la photo de Julie Voisin, je l'ai rencontrée au festival de la télévision et lui ai demandé une séance, mais qui serait différente des autres. Une comédienne a l'habitude des séances mais très classiques, c'est-à-dire de venir avec ses vêtements, deux parapluies et bouge comme tu peux. Cette fois-ci je lui ai proposé un challenge, une photo dans laquelle elle ne se reconnaîtra pas. Elle sera bichonnée, maquillée, coiffée. Ca l'a excitée parce que ce n'était pas l'habitude. Nous avons pris rendez vous chez un de mes stylistes-créateurs pour voir les nouveautés mais aussi ce qui lui irait. C'est à ce moment que je visualise la photo, le profil etc. Je prends rendez-vous avec le make-up-coiffeur pour étudier les couleurs, la forme. Je leur explique la dominante de la couleur (verte dans ce cas précis) pour éviter de se planter en maquillage. J'ai fait une école de maquillage pendant 1 an, je connais donc les problèmes. 

 

 l'auteur

Edouard de Blay
né le 16 juin1966 a Paris
1987 armée de l'air
au centre d'exploitation photographique
 à Metz puis Nouméa
pendant 2 ans
1989-1990 Afrique du sud
photographie animalière
1990-1993 : EFAP image
1992 stage à l'agence Magnum
1994-95 USIU Sandiego California
1996-99  agence Explorer
homme à tout faire
2000-2002 photographe
pour Stills-Omedia
2002-2003 Harcourt
2003 agence Starface et Gamma

  
photo : Guillaume de Fenouyl

Edouard de Blay
148 bis rue de longchamp
 75016 Paris
 06 61 70 90 93
  edeblay@gmail.com
http://artp.ca/
 

 

 

Julie Voisin © Edouard de Blay -2004

G.-P. : la peinture vous intéresse ?

E.-B. : La peinture est une base très importante dans la photo, on dit même que les photographes sont des peintres refoulés (il n'y a qu'à voir Cartier-Bresson). Je ne suis pas peintre mais il est vrai que j'observe les peintures avec en prime les commentaires, pour mieux comprendre. A ce propos je crois que le musée n'est pas une place pour les jeunes enfants qui n'y voient qu'un cimetière d'œuvres d'art. Il faut un minimum. 
Comme tout le monde j'ai mes références, mes préférés, mais je crois qu'il serait présomptueux de dire que je me base sur ces chefs d'œuvres (les photos de F.Horvat sont de vrais tableaux, il peut le dire, lui). Cela étant dit, j'aime beaucoup Greuze avec sa cruche cassée ou bien Watteau avec son pierrot. Les portraits de Perroneau sont d'excellentes bases pour la posture, le cadrage la lumière. Pour ce qui est de le refaire, ça c'est une autre histoire.

G.-P. : quelle lumière employez-vous ?

E.-B. : Pour le moment, je travaille avec des lumières artificielles, non pas par choix mais par nécessité. Je suis dans un studio sans fenêtre, je n'ai donc pas le choix. Si je l'avais ? je me prendrais un studio de peintre du côté de la Fourche à Paris. Les ateliers sont face au cimetière, nord/sud donc pas de lumière directe. Je préfère la lumière naturelle... on fait ce qu'on peut, pas ce qu'on veut. En attendant je travaille avec la lumière artificielle et tous les accessoires des flashs. Le polaroid a une sensibilité de 80 iso ; une mandarine fait 800W, je suis donc dans des temps de pose de1/2 à 1 s, la lumière est rarement directe. Actuellement je me fais un parapluie qui fait 1m50 de diamètre. Pour cela, je prends un octobox et je le reconstruis en parapluie.
Mes lumières sont soit des mandarines, soit des flashs (quand je travaille au rz). Il m'arrive d'utiliser les flashs en lumière continue : je les cale pour la seconde d'où un mélange de lumière (et forcément une ouverture plus fermée). C'est le cas de la photo de Stéphanie. J'ai aussi un cremer de 1kw et des lumiphotos (larges bols blancs avec grosse ampoule). Lorsque j'ai commencé le 20*25, j'appréhendais la correction d'exposition avec le soufflet, mais j'ai appris une formule aux USA qui fait qu'en moins de 5 sec je peux dire le nouveau diaph selon le tirage et cela a toujours marché. Si jamais j'ai un oubli, ce qui peut toujours arriver (n'utilisant que très peu le plan film, il m'arrive d'oublier le sens d'insertion du néga), je regarde sur ce site dans la rubrique technique et hop ça revient.

G.-P. : pourquoi le grand format ?

E.-B. : J'ai une vieille Sinar (l'arrière ne bascule pas), je l'ai achetée car que je n'étais pas certain du format : le coût, la continuité des pola etc. Maintenant que cela représente 80 % de mes photos, j'envisage d'acheter une folding 20*25 pour la beauté de l'engin. Une Wista ne coûte pas trop cher, beaucoup moins que l'Ebony. Au début je travaillais au Leica R, très piqué contraste superbe, mais le Grand format c'est autre chose. On fait la PHOTO. La philosophie est totalement différente, d'abord l'ambiance : la musique classique, obligée avec la vitesse lente, le prix du pola, le cadrage font que l'on réfléchit davantage. Je dis souvent aux stagiaires : en numérique on fait 200 photos, en argentique 100, en moyen format une petite centaine, voire 50, et en grand format la première doit être bonne, les 5 autres sont juste là pour les différentes poses, mais pas plus. En 20*25,on ne shoote pas, on déclenche. L'avantage de la 20*25 (idem pour le 4x5) est la profondeur de champ. En numérique tout est net sauf avec des capteurs de haute voltige... mais qui en a les moyens ? le format assez large (presque carré) correspond bien au format magazine (un 24*36 doit être recadré), de plus la photo respire mieux, il y a de la marge... il n'y a pas beaucoup de tableaux au rapport de format 24*36. 
Le grand format nécessite une approche plus personnelle avec le modèle, on est a côté du boîtier, on la dirige et on déclenche. Nous ne sommes pas constamment derrière un oeilleton, il y a une meilleure complicité. Les modèles appréhendent davantage le grand format, il ne doit pas y avoir d'erreur. Sauf à être chevronné, le modèle se demandera si elle sera à la hauteur d'où le fait de la guider à côté de l'objectif. Cela rassure. 
Il m'arrive de travailler au RZ, pour des affiches électorales essentiellement ou certain travaux personnels, avec des modèles, mais c'est un autre rendu, un travail totalement différent. Je suis assez bien équipé puisque j'ai un canon 10D pour les pièces de théâtre, les concerts et les plateaux télés, puis un RZ (avec dos pola) un polaroid tout bête, un polaroid a soufflet (180 je crois), une Linhof que j'adore et la 20*25 dont je raffole. 

G.-P. : vous avez travaillé chez Harcourt, qu'est-ce que cela vous a apporté ?

E.-B. : J 'ai travaillé un an chez Harcourt... c'est toujours un fantasme la technique Harcourt. On y apprend l'éclairage bien sûr mais aussi une certaine discipline, la façon de voir le bon profil, le fameux triangle de Rembrandt, s'asseoir sur un tabouret, comment bien mettre une veste afin d'éviter les plis, rassurer le client. Les gens ont véritablement la frousse de s'asseoir sur le même tabouret que Johnny Halliday ou P.Bruel. Les lumières de cinéma et les tirages de 2 mètres, Edith Piaf pour la musique font que cela crée une ambiance qui impressionne ENORMEMENT. 
Il y a une chose que l'on n'y apprend pas, c'est la communication. Un jour un photographe de mode m'a dit : "la photo c'est 25% de lumière, 25% de technique et 50¨% de communication". Avec Harcourt, j'ai appris à travailler vite,1h30-2h pour 3 portraits différents. Maintenant il me faut 20 mn.

G.-P. : Beaucoup de jeunes femmes, beaucoup moins de jeunes hommes, pas de personnes âgées dans votre série ; en même temps l'invocation du passé est souvent présente, pas tant d'une façon qui menacerait cette jeunesse mais plutôt comme une manière d'habillement, comme une sorte d'attribut de raffinement... comment voyez-vous l'empreinte du passé : c'est un accessoire ? un élément principal dans votre travail ?

E.-B. : Mes photos ont un point commun, les modèles sont assez jeunes. Ma technique d'éclairage fait que les acteurs n'ont pas la patience, Il y a donc 2 sortes de photos chez moi : la couleur en polaroid 20*25 et le noir et blanc au rz. 
Le rz est pour les acteurs, il faut travailler vite avec eux, quelque fois lorsque j'ai la journée je suis au pola, mais c'est rare.
La couleur est plus pour la mode donc les modèles ont 20 ans en moyenne.

Je vis dans le passé, ce qui est un tort, et j'ai été élevé dans un milieu aristocratique. Il y a une façon de vivre le vouvoiement des parents, une certaine tenue chez le grand- père, une façon de parler sans crier, les choses calmes, la musique classique au lieu de la techno, ça marque. Je suis le premier de ma famille a être un "artiste", il n'y a donc pas de repère vis a vis de quelqu'un.
Un conseil ? on ne peut pas t'aider, ce n'est pas notre domaine, alors on cherche, on change de milieu pour aller là où ils sont. L'important ce n'est pas d'être le dernier maillon de la chaîne, mais le premier. Aujourd'hui, je suis le premier maillon de la famille dans le domaine artistique, on vient me voir pour des conseils, des stages, pour l'assistanat, enfin il y a de la reconnaissance, on reconnaît. Depuis 10 jours j'ai un agent artistique, cela fait 10 ans que je l'espérais, c'est rassurant pour soi. La mode, c'est le doute perpétuel, suis-je à la hauteur ? L'agent est là pour le dire et remettre à sa place si besoin. 

Lorsqu'un jeune vient me voir pour avoir des conseils, je lui dis toujours de faire les beaux-arts ou d'étudier les tableaux. Décortiquer un tableau, connaître les lignes de fuites, la signification d'une ligne verticale, oblique ou horizontale est pour moi très important. Il faut connaître les choses pour pouvoir ne plus y penser et les faire naturellement, comme lorsqu'on conduit une voiture. De toute façon la création d'une image se fait avec une image en tête donc déjà existante. Les peintres nous montrent une image dont nous nous inspirons consciemment ou non. Je ne pense pas qu'il y ait de la création pure. Il y a toujours une base, un point de départ, d'où l'importance de connaître le passé. Plus on en connaît sur le passé et plus on aura un éventail d'inspiration. 

G.-P. : Quelles sont les auteurs que vous aimez en photographie ?

E.-B. : Mes photographes préférés sont Paolo Roversi, Sarah Moon, Richard Avedon et Mapplethorpe, cela ne veut pas dire que je n'ai pas de livre de Bettina Rheims, bien au contraire, j'ai du Nigel Parry, Lindberg, Sieff, Annie Leibovitz etc. chaque photographe m'apporte quelque chose, il faut être ouvert, accepter la manière de regarder de chacun. On peut ne pas aimer, mais on peut se dire "tiens, je n'y avais pas pensé". C'est pour cela, encore une fois, que je regarde les oeuvres de chacun, photo ou tableau.


Edouard au travail. Le dispositif lumineux est généralement constitué d'une mandarine dans une grande boîte à lumière ; les ombres sont débouchées par un réflecteur ou une lumière directe plus faible.

 

 

dernière modification de cet article : 2004

 

 

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