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le photographe
Yves LEBLANC
né en 1957
©Jeremy Soudant
Sténopés, tirages
cyanotype
et Van Dyke
Code et captation numérique, dessin
Vit et travaille à Paris
Tél : + 33 6 70 32 48
00
leblanc.yves@yahoo.fr
www.yleblanc.net
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interview par
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Yves Leblanc :
Photo et dessin
© Yves Leblanc
Comment êtes-vous venu à la photographie?
Par le dessin. Cela faisait un moment
que je voulais garder une trace mécanique de ce que j’essayais de
retranscrire avec mes crayons. Quand je dis « mécanique », je veux
dire « la trace que laisse un photon sur une surface photo-sensible
» . L’idée était de confronter l’écart de ma perception avec un constat
optique dépassionné. Mais la photo me gênait car elle constituait un
résumé instantané brutal. Par contre, le fait de mettre juste une
boîte avec un petit trou et une surface photo-sensible pour capter
ce qui se passe le temps du dessin me satisfaisait. Une sorte de
témoignage temporel en quelque sorte. Alors j’ai construit un
sténopé, 18 minutes de temps de pose, le temps de plusieurs dessins
sous des angles différents pendant que le sténopé faisait son
travail depuis son propre point de vue.
© Yves Leblanc Vous avez
toujours beaucoup dessiné. Pourquoi l'amour du dessin ?
Dessiner, c’est vivre les choses, s’en repaître, prendre le temps de
les analyser, de les retranscrire et de les comprendre. C’est une
question de temps. Un plaisir à voir et un plaisir à vivre. J’espère
que mes amis photographes me pardonneront mais j’ai souvent eu la
sensation que le fait d’appuyer sur le déclencheur me permettait de
me libérer des choses comme si je transmettais à la mémoire de
l’appareil ma propre mémoire alors que le dessin me fait l’effet
l’inverse : il m’oblige à creuser ma relation avec l’espace ou avec
les autres.
© Yves Leblanc
Dans une pratique mixte, dessin et photographie,
on a l'air de dire que ce qu'on cherche est à la fois au-delà de
l'un et de l'autre des deux medium. Que cherchez-vous au-delà ?
Je veux capter le monde qui m’entoure
mais je veux aussi le fixer. Je veux m’accrocher à du tangible, du
brut, de la réalité concrète… ça, c’est le photon : il suit sa
route, imperturbable, jusqu’au support. Cependant, toute une partie
de mon travail consiste à trouver des solutions pour piéger ces
photons afin qu’ils nous donnent la même sensation de vécu que le
dessin, c’est la recherche formelle du sténopé. Il y a aussi la
partie numérique de la photo ; là, le code me permet de travailler
le rendu en « live » d’une manière plus empirique que le
déclenchement, un peu comme le peintre avec sa palette. En fait, je
ne cherche pas un au-delà, j’essaie de repenser la photo pour lui
communiquer l’empathie du dessin ou de la peinture. Parfois je les
associe pour leur complémentarité afin de mieux rendre compte du
monde dans lequel je suis immergé.
© Yves Leblanc
Quels sont les références artistiques qui
comptent pour vous et pourquoi ?
Je ne me lasse pas de la qualité des
surfaces de Titien, Goya, Rembrandt, Rubens, Vélasquez ou Fragonard.
La peau de la peinture est comme la peau des gens que l’on côtoie,
c’est une surface visible avec quelque chose d’inaccessible qui se
passe au delà de cette limite. C’est ce que je veux atteindre mais
c’est plus une question technique que esthétique, intellectuelle ou
thématique. Mes goûts artistiques sont d’un tout autre ordre. Je
suis fasciné par le travail de quelques chorégraphes (Schechter,
Preljocaj…) Je suis aussi friand de romans graphiques (Chris Ware,
Nicolas Presl...) Ces artistes arrivent à fixer le temps qui passe
d’une façon qui me touche. Par ailleurs, je fréquente plus souvent
les conférences scientifiques que les expositions temporaires et je
m’en nourris volontiers pour mon travail.
© Yves Leblanc
Il y a beaucoup de modèles en pose dans votre
travail. Cela vient-il des circonstances dans lesquelles vous êtes
ou d'un intérêt pour une certaine forme de classicisme dans la
représentation humaine ?
Les premiers sténopés que j’utilisais
m’obligeaient à des temps de pose de 18 minutes. D’où les poses
allongées. Puis, le travail de Lomig Perrotin sur les films Washi et
la possibilité de travailler les films panchromatiques m’a permis de
descendre à des temps de pose de moins de 1 minute. Donc j’ai pu envisager
des poses debout… mais toujours statiques. Parallèlement, le
travail sur le code numérique et la succession temporelle des images
me permettait de fixer le mouvement. Le temps de pose est essentiel
dans mon travail. Le temps nous coule entre les doigts mais c’est
aussi le temps du mouvement. Le travail avec les sténopés m’a permis
de fixer l’un et le code m’a permis de fixer l’autre. Je pense que
l’aspect classique est dû à la préparation du studio photo de prise
de vue, au fait que j’isole le modèle de son contexte.
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Diriez-vous que vous courez après une
image intérieure ?
Une image intérieure est
vraisemblablement informelle, incrustée dans un faisceau de neurones
et dépendante d’un processus chimique. Je ne sais pas à quoi elle
ressemble, mais ce que je sais, c’est qu’elle n’est pas plate,
qu’elle n’est pas frontale, qu’elle n’a pas une définition précise,
qu’elle n’a pas de bords, pas de pixels. Tout le contraire d’un demi-millénaire d’apprentissage. Si l’image intérieure est une idée, oui,
je cours après une idée. Une idée de l’autre. Une idée de l’espace ;
c’est le principe de gravité, d’attirance entre deux corps.
© Yves Leblanc
Qu'est-ce pour vous qu'une belle photographie ?
Pour moi, en tant que spectateur, une
photo est belle quand elle me fait basculer dans un univers auquel
je ne m’attendais pas. J’aurais tendance à parler d’une belle photo
comme on parle d’un beau discours ou d’une belle personne parce que
cela renvoie à un contenu, à une profondeur. Je précise « en tant
que spectateur » car en tant qu’acteur, si la beauté était
l’objectif final, on ne pourrait atteindre autre-chose qu’un
résultat superficiel. La photographie est un terrain de jeu nouveau
pour moi. Je ne suis pas un photographe. En photo, je me débats avec
l’image à coups de lignes de code et d’hypothèses de
retranscription, j’en suis au B-A BA de cet apprentissage. J’essaie
pour le moment d’apprivoiser les photons.
© Yves Leblanc
Et, pour vous, qu'est-ce qu'un beau dessin ?
La même chose qu’une belle photo :
quand le dessinateur arrive à transmettre quelque chose d’indicible.
Cependant, dans ma pratique, photo et dessin sont associés à des
objectifs vraiment différents : je dessine comme on prend des notes
pour la simple et bonne raison que le dessin me permet de dire des
choses que je ne sais pas exprimer verbalement, ni même définir
intellectuellement. Quand je tombe sur un de mes dessins fait la
veille ou il y a 10 ans, les sensations que j’ai éprouvées au moment
de le faire remontent à la surface avec force détails, odeurs et
sensations.
© Yves Leblanc
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