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l'auteur
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Wilee
Wilee, comment êtes-vous arrivé à la photographie ?Complètement par hasard. Au tout départ, moi c’était le cinéma et, surtout, la réalisation qui me faisait rêver. Je suis avant tout un cinéphile ; d’ailleurs j’ai une culture photographique assez limitée. Donc après deux ans d’assistanat dans le milieu du cinéma, je rencontre un jeune réalisateur qui est photographe et qui cherche un assistant photo. Je me propose tout en lui précisant que je ne connais rien mais que j’apprends vite. Bref, deux ans s’écoulent, sans pour autant que je m’intéresse de prés à ce médium, bien que le photographe m’ait prêté un boîtier pour me familiariser avec l’objet et la technique… en vain : moi, ce que je voulais faire c’était du cinéma. Un jour à l’occasion d’un voyage, je prends l‘appareil et voilà que je me mets à faire des photos. Et là, la révélation : je ne suis pas un grand littéraire, je m’aperçois vite que cet outil va me permettre de m’exprimer de façon beaucoup plus précise et surtout plus compréhensible.
Du coup je me jette dans les livres de techniques. Ensuite, je me retrouve dans une boîte de photographie scolaire familiale, où le patron avait un studio équipé en Balcar. Durant tous mes week-ends, j’utilise son studio pour me familiariser à la technique de la lumière au flash. Peu de temps après, je me mets à faire des photos de concert. Deux ans après je me lance tout seul comme photographe auprès de diverses revues de musiques spécialisées, tout en faisant de l’assistanat dans divers milieux, du plus prestigieux au plus incongru. Et c’est de même pour mon expérience personnelle : je fais aussi bien du scolaire, du mariage, de la photo de live, de la pub, etc. Je me suis jamais véritablement mis de barrière, chaque expérience est enrichissante , et me sert à chaque fois que je travaille. Et surtout, je sais que je ne sais rien... chaque situation amène son lot d’imprévus et de problèmes qui sont à résoudre au moment T, sans tomber dans le stress. Maintenant cela fait à peu près 16 ans que je fais de la photo.
Vos photographies ont souvent l'allure de photographies d'agence mais déportées vers la satire sociale, jouant avec les normes et les conventions. Le fait social vous intéresse ?Oui, en fait j’ai toujours pris la photo comme un moyen de m’exprimer, un médium pour ce que je voulais dire ou raconter, comme j’aurais pris le cinéma. Faire des images pour montrer la beauté d’un paysage, ou d’une ethnie, ou de quoique ce soit, cela n’a jamais été vraiment ma démarche. Du coup, il est clair, que j’y mets toujours mon point de vue, quelque soit le sujet. Il est tellement difficile pour un auteur de pouvoir s’exprimer… ce qui fait d’ailleurs sa qualité d’auteur, et raison de plus pour un photographe, que l’on prend de plus en plus pour un technicien exécutant… que j’essaye au maximum, toujours, d’incorporer ma vision, qu’elle soit pertinente ou non, d’ailleurs. Mais ce regard que je porte sur le monde, n’est pas totalement ironique, ou sarcastique. La preuve est la série que j’ai fait pour un magazine de sport sur des athlètes d’handisport, que j’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser, et dont je suis extrêmement fier. J’en suis fier à cause des remerciements des athlètes qui trouvent que j’ai donné un coup de phare sur eux, sans chercher à faire du misérabilisme de mauvais goût, et d’autre part parce que j’ai eu des réactions de personnes qui ont vu cette série et qui s’en rappellent.
Je ne suis pas quelqu’un de politisé, et encore moins de religieux, mais j’estime qu’en tant que photographe, il faut toujours essayer de placer une vision, et pas forcément une vision idyllique ou contemplative du monde qui nous entoure. Personnellement, moi, ce qui me motive à faire des images, c’est de créer une réaction, positive ou négative sur le sujet, mais en tout cas que l’image provoque, même des fois gratuitement. Au moins, on se dit que cela va, les gens ne sont pas encore totalement abrutis par le tube cathodique, et la société de consommation qui les dirigent, ils réagissent...
Vous associez souvent élégance du style et impersonnalité et violence du sujet. C'est un choix conscient ?Oui tout à fait, car tout d’abord j’aime faire de belles images, avec une lumière travaillée, un cadre composé. Je précise d’ailleurs que je ne recadre jamais mes images, ce qui d’ailleurs me met dans des situations de conflits avec des pseudos Directeurs Artistiques, qui se permettent de les recadrer, pour une pertinence qui leur est personnelle. J’estime qu’en tant quez photographe… si vous ne savez pas faire un cadre directement sur votre négatif… laissez tomber la photo, sincèrement… Il n’y a pas plus important que la composition de votre image… bien sûr il y a la lumière, mais si votre image est bancale, vous pourrez faire la plus belle lumière du monde ce sera toujours bancal ; alors bien sûr vous pourrez toujours recadrer, mais alors qu’est ce qui reste qui ferait de vous un photographe ? Pas grand chose.
Donc pour revenir à la question, oui j’aime faire ma lumière, même si c’est pour réaliser une image violente ou glauque… c’est ce qui me caractérise : essayer de rendre beau, ou attrayant, ce qui ne l’est pas par définition. Par contre, je n’essaye pas d’avoir mon propre style d’éclairage ou de mise en scène. Au contraire chaque image ou chaque sujet doit posséder sa propre identité, c’est une des raisons pour laquelle je ne fais jamais la même lumière, une ambiance par sujet. Une fois un rédacteur en chef me faisait remarquer que je ne possède pas de style propre, ou marqué, mais par contre que je suis capable de m’adapter quelque soit le sujet ; j’étais d’accord et je lui ai dit qu’il avait raison, que je ne voulais pas tomber dans le travers des photographes de mode, que l’on emploie pour un « gimmick » qu’ils répètent à chaque fois qu’ils ont une série à faire. Ce qui m’intéresse c’est que ce soit moi qui m’adapte au sujet, et non pas l’inverse. Mais cela ne m'empêche pas de donner ma vision de la chose.
Il n'y a pas beaucoup de modèles qui sourient sur les photos. Les sujets se prennent au sérieux et tentent souvent d'impressionner le spectateur. Il y a une raison ?Non pas spécialement, mais ils n’ont pas spécialement une raison de sourire. Et puis c’est peut être du à mes années de photographie scolaire… inconsciemment j’en ai peut être assez de faire sourire les gens… ;-) Mais, aussi, c’est surtout que je dirige très peu mes modèles… en tout cas je ne suis pas le type de photographe très directif, et qui a une idée super précise de ce qu’il veut. Je laisse une part très importante à l’imprévu. C’est dû à mon expérience de photographe de presse, ou de toute façon vous n’avez que 10 à 15 minutes, dans un endroit donné, avec une lumière donnée, et un artiste avec son humeur donnée. Donc vous pouvez prévoir tout ce que vous voulez dans les moindres détails, il y a toujours un grain de sable qui fait gripper votre belle imagination. Après il est vrai que j’ai pas mal travaillé dans le milieu du rap Français et international… c’est le genre de milieu où le but du truc est d’impressionner ! Donc... Et puis, je ne suis pas très fan des images des gens heureux, en fin de compte...ce n’est pas l’image que je me fais des gens au premier abord… ils ne sont pas non plus totalement méchants ou malheureux. On sait très bien en tant que photographe que faire sourire une personne lors d’une prise de vue est totalement factice ; la personne sourit parce que vous lui demandez de sourire. Par contre, ne lui dites rien et vous verrez que, quelque soit la personne, elle va se mettre en position d’être à son avantage, ce qui sous entend qu’elle va essayer de vous impressionner part un moyen quelconque : un regard, une position, une attitude, etc. Moi, la plupart du temps, je les laisse faire.
Dans la plupart des photographies il y a un sujet principal placé vers le centre de l'image. Pourquoi ? Vous définiriez-vous comme un portraitiste?Exactement ! je suis un portraitiste, à part entière. D’ailleurs dès que j’ai commencé à photographier, c’était tout de suite des gens que je mettais devant mon objectif : des amis ou des connaissances. Je n’ai jamais eu l’âme du photographe « vagabond » dans Paris, qui prend des clichés ici et là. Tout au contraire, la photo est pour moi tout un rituel. Je n’ai jamais un appareil sur moi, excepté quand je travaille. Là, par contre, je suis totalement dévoué à la création de mon ou mes visuels, et je prend les appareils qu’il faut pour concrétiser tout ça ! Le fait que le sujet soit souvent au centre est du à cette approche de portraitiste, qui est de placer le personnage au centre, pour concentrer le regard du spectateur sur le sujet ; cela ne m’interdit pas de jouer avec l’ensemble de l’image, et d’y insérer d’autres éléments. Mais il est vrai que la plupart du temps je me concentre sur mon sujet, d’ou la raison de sa place centrale dans l’image.
Quelles sont vos habitudes en matière d'éclairage ?Le Flash ! Je travaille très rarement avec la lumière naturelle. Je mélange la plupart du temps le flash avec l’ambiance de la scène, que ce soit en extérieur ou en intérieur. Je possède un Flash Norman 400B (flash sur batterie), dont le constructeur n’existe plus. Ce flash a déclenché des dizaines de milliers d’éclairs sans jamais faillir une seule fois. Sur la dizaine d’années passée, j’ai changé seulement une fois une ampoule... et pourtant on ne peut pas dire qu’il n’a jamais bourlingué… Sinon je travaille en studio avec du matériel Profoto, pour la qualité de la lumière et surtout pour les accessoires, que je connais par cœur, qui me permettent d’imaginer exactement la lumière que je veux réaliser pour chaque sujet. Même s’il est très rare que je fasse la même lumière à chaque prise de vue, j’utilise souvent les mêmes accessoires.
Quels appareils utilisez-vous en moyen et grand format ?J’ai découvert l’Hasselblad lors de mon passage à l’école Estienne à Paris ; j’étais l’assistant du professeur de photo. A ce moment, je me suis offert un 500CM d’occasion avec un 150mm. Puis petit à petit je me suis équipé de divers accessoires. Jusqu’au jour, ou fort d’un budget assez conséquent dû à un travail pour une pub, je me suis payé un 503 CW tout neuf, avec un 60 mm. J’ai toujours mon 500 CM qui fonctionne impeccablement, même après des milliers et des milliers de déclenchement. Je me sens très à l’aise avec le format 6X6, même si je dois me battre au sein des rédactions pour garder le cadrage initial de mes images. Concernant les objectifs, je suis équipé d’un 50mm CF, d’un 60 mm CF et d’un 150 mmCF. Je possède aussi un Polaroïd 600 SE avec, bien sûr, le 127 mm, et aussi le75 mm. L’appareil est équipé d’un dos Mamiya 6X9, en plus du dos Polaroïd. Récemment je viens d’acquérir un Mamiya Press Super 23, tout équipé. Ce qui est pour moi une alternative par rapport à l’achat d’une Chambre 4X5 folding, pour laquelle je n’ai vraiment pas les moyens financiers. Et puis surtout cela me sort de mon côté « carré »… Pour ce qui est du grand format, en général je loue ou on me prête les chambres. De façon générale j’utilise des SINAR P1 ou P2. Mais les contraintes économiques font que de plus en plus ce type de format devient difficile à faire accepter dans un budget. Les rares fois que je m'y attelle, c’est surtout pour un plaisir totalement personnel. De toute façon, ils veulent tous du numérique maintenant.
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dernière modification de cet article : 2007
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