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Analyse esthétique
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l'auteur de la photographie
l'auteur de l'analyse
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Circulation dans l'imageLe premier sentiment que peut donner cette image varie forcément un peu suivant la culture du spectateur qui la regarde. Néanmoins la façon dont l'œil entre dans l'image est toujours gouvernée par l'appréhension des contrastes de tonalité maximum qui lui sont présentés.
Sur cette image, le contraste maximum est visible à plusieurs endroits autour du bras. C'est au niveau de la pince terminale que le contraste est le plus sensible et le plus étendu ; d'autres points très contrastés lui font concurrence, l'un au niveau du coude et l'autre sous le bras. Le spectateur est donc conduit à entrer dans l'image par l'appel d'un geste à l'allure humaine souligné par la force des contrastes de tonalités. La découverte immédiate de la moitié du tronc et de la table vient donner, juste après l'entrée de l'œil par le bras, le sentiment de l'amputation ou de la prothèse, l'idée qu'on a affaire à un fragment de corps. Opposition de mondesL'entrée dans l'image pose dans la
première perception une opposition entre deux mondes : La perception clinique peut avoir une nuance médicale qui invite à revenir instantanément au premier des deux mondes. Par ricochet, le monde du corps humain s'en trouve nuancé par une interprétation de désordre organique et d'amputation (corps malade). En d'autres termes, il y a des chances pour qu'on ne voie pas cette image comme si la scène avait lieu dans un bureau ou dans une usine, mais comme si elle avait lieu dans un hôpital. Le schéma ci-dessous résume l'opposition de monde décelée en premier regard.
Mais très rapidement évidemment, la pince à la place de la main autant que les fils sortant du bras - qui ne font pas longtemps penser à un écorché - insistent sur le fait que l'organique, dans la partie la plus organique de l'image, est peu présent. Un deuxième couple représentant quasiment la même opposition se substitue immédiatement au premier tandis que le spectateur oublie l'environnement clinique pour scruter exclusivement le fragment de corps présenté sur la table roulante : il s'agit bien d'une partie de robot qui n'a d'humaine que l'apparence.
A l'intérieur même du sujet principal de l'image, nous avons une
opposition entre deux mondes, très proche de la première, entre :
Même si l'humain est très affaibli dans ce couple, il persiste. Il se rappelle à nous non seulement par le geste mais aussi par le point de vue de l'observateur, dont la hauteur des yeux placés sur la ligne d'horizon peut être découverte en prolongeant les lignes de fuite de deux parallèles calquées sur les plinthes.
On se rend compte que la tête de l'observateur est placée rigoureusement à la hauteur de celle que pourrait porter ce fragment de corps, s'il en avait une ; cette correspondance établit une complicité fraternelle entre le buste mécanique et l'observateur. Nous sommes donc finalement nettement invités à nous projeter dans ce fragment de machine comme si elle était notre égale et que nous pouvions être à sa place ; en même temps la tête est absente, ce qui nous renvoie de nouveau fortement à notre premier sentiment d'amputation. L'opposition entre deux mondes se confirme et se précise donc. L'image met en correspondance le monde de l'homme et sa gestuelle au monde du robot, sa froideur et son aspect clinique. Reste à mieux comprendre comment joue l'idée d'amputation.
En réalité, il semble qu'autour de l'idée d'amputation se joue,
peut-être, une deuxième opposition de mondes : on peut hésiter en
effet sur le fait de savoir si ce qui nous est montré est un être
amputé (pas de tête, pas de jambes, une moitié de corps) ou un être
entier... plaident dans ce deuxième sens les arguments suivants : On peut donc lire dans cette photographie non seulement l'opposition du robot froid et clinique à l'être humain et sa gestuelle, mais aussi l'opposition de l'entier à l'amputé.
Pour prolonger ce qui vient d'être dit sur les roulettes, il est raisonnable enfin d'analyser qu'un troisième couple traverse cette image : le mur qui part de l'avant-plan et sort du champ à l'arrière partage l'image entre ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, et le sujet principal de l'image est placé exactement à la limite des deux, une roulette étant déjà dans la zone d'invisibilité :
ConclusionCette image place donc le spectateur aux limites d'une triple indétermination :
Le spectateur étant placé au niveau du robot, comme en égalité, sentira jouer en lui des sentiments confus liés au jeu de ces 3 couples. L'amputé semble être le robot mais ce pourrait aussi être lui, le spectateur... cette mécanique n'est-elle pas là pour le remplacer, lui ou une de ses fonctions ? Qui sera l'amputé au bout du compte ? Pourquoi ce robot part-il vers un endroit qui n'est pas visible ? Pourquoi ce salut ? Et la disparition du robot n'amputera-t-elle pas dans un instant le regard même du spectateur ? La triple frontière sur laquelle le spectateur est abandonné le laisse désemparé dans un univers qui a perdu son sens et ne cesse d'instant en instant de se recomposer. C'est ce qui fait la valeur esthétique de cette image. Elle ne milite pas pour un sens. Elle place le spectateur à un endroit où plusieurs sens sont possibles.
Nous venons dans un premier temps d'analyser le plus froidement possible cette première image de Vincent Fournier. Nous allons tenter de voir à présent si l'on retrouve dans d'autres images des éléments déterminés au cours de cette analyse, ou si l'analyse complémentaire d'autres images peut révéler un point de vue particulier de l'auteur sur ce qu'il décrit. Nos analyses seront cette fois plus rapides. Nous cherchons moins à présent à prendre un exemple illustrant une méthode d'analyse que nous ne lâcherons rapidement la méthode d'analyse sur d'autres images. Nous ne sommes plus au dressage du chien. Nous allons à présent à la chasse. Compléments rapides
Il nous semble que nous pouvons appliquer un regard Freudien à cette
image. L'intimité de la jeune femme avec le phallus est sur l'image en compétition avec l'intimité que son regard tourné crée avec le spectateur. Le spectateur peut avoir le sentiment qu'il a surpris une scène qu'il n'avait pas le droit de voir. Le visage fermé et plein de retenue de la jeune fille n'en dit pas plus. Elle a reconnu notre présence, mais est encore, dans la position de son corps, tourné vers l'autre présence, celle du Phallus. En combinant cette observation avec l'analyse de la première image, force est de reconnaître que la confusion entre le robot et l'homme prend une tournure ici assez précise. La jeune femme établit avec la beauté virile de la technologie triomphante un lien d'admiration devant lequel le spectateur peut se sentir mis en compétition : le point de vue de l'observateur est ici très haut, la ligne d'horizon semblant passer au milieu du phallus et dominant largement la jeune femme. L'autre nous-mêmes, ici, est le phallus. En même temps, cette intimité de la jeune femme avec la virilité technologique est quelque-chose de caché qui a été surpris. Tâchons de préciser un peu plus cette analyse avec une autre image.
Dans cette image nous avons des personnages nettement coupés. C'est rare en photographie et donc notable. La hauteur du point de vue semble être grosso modo au niveau de la barre devant la fenêtre. L'œil du spectateur est donc au niveau du sexe des 2 personnages tronqués. Autrement dit, pour ces personnages, le milieu du corps nous intéresse vivement, vivement au point que leur tête ne nous intéresse plus... Par ailleurs les 3 personnages féminins sont bien habillés et propres. Ils sont lisses et propres comme la technologie. Les gestes du personnage de droite sont parfaitement élégants et posés. Si le point de vue choisi a quelque accointance sexuelle et si le cadrage tronqué inhabituel présente une nette violence, la scène offerte est toute en douceur et en raffinement. (opposition cadrage sexuel et violent - scène soft et contrôlée). Le personnage principal, ce robot cycliste, est tout petit et faible. Les grandes filles l'aident à faire du vélo. Le cycliste semble asexué. C'est plus ici une poupée pour les filles ou un enfant aux mains de ses parents. Le message clairement envoyé par cette photographie est que ces jeunes femmes aiment la technologie comme un enfant... or, dans l'image précédente, elles aimaient aussi la technologie en tant qu'homme, et dans une relation sexuelle cachée. Enfin, dans la première image tournait un parfum de confusion entre l'homme et le robot et un sombre pressentiment d'amputation. Il faut en avoir le cœur net : sous le regard complice de la femme, la technologie est-elle une menace pour la puissance du mâle ? Vite ! une autre image !
La réponse semble sans appel. Le mâle n'est pas à la hauteur ; l'image oppose son délabrement à la technologie sophistiquée du vêtement. On voit que le mâle en action n'est pas meilleur que le mâle au repos :
Placé devant les portes fermées de la technologie il divague (trajectoire bleue hésitante opposée à la trajectoire rouge rectiligne) là où il devrait aller droit comme sait si bien le faire le petit robot cycliste il est vrai bien aidé par les jeunes femmes. En fait l'homme, en tant que mâle, est devenu trop faible pour toute cette affaire. Il doit à présent compter sur la machine pour lui donner les forces qui lui manquent... en témoignent les 2 images suivantes où l'on voit Vincent Fournier proposer une image d'homme abandonné à une technologie sophistiquée dans un lieu délabré, d'abord sous l'aspect d'un vieillard...
... ensuite sous l'aspect d'un enfant.
Vision tragique donc où la jeune femme fascinée s'occupe d'une technologie jeune, belle, puissante et sexuée et abandonne l'homme privé de ses soins maternels ou conjugaux à la consolation d'une technologie prothèse... Une dernière image confronte enfin l'homme et le robot hors du regard des jeunes femmes. Le robot debout semble libre et ivre de joie tandis qu'à l'opposé les personnages assis qui le fixent semble bien empruntés et songeurs. La confusion entre la machine et le vivant n'a jamais été si flagrante... et le robot si dominant !
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dernière modification de cet article : 2012
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