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l'auteur
Todd Stewart

Todd Stewart a commencé sa carrière comme photographe travaillant pour
la publicité et le graphisme à Columbus, Ohio et à Atlanta, Géorgie.
En 2004, il obtient une maîtrise en beaux-arts de l'Université de
l'Indiana.
Depuis, il est professeur adjoint de photographie et d'image numérique à
l'Université de l'Oklahoma.
Pendant de nombreuses années les préoccupations de Stewart en tant
qu'artiste ont porté sur les relations entre l'histoire, les mythes et
la culture.
Ce travail a déterminé une exploration croissante du paysage américain et un
examen continu de la question: est-ce que les lieux portent la mémoire?
Stewart est l'auteur de deux livres

Placing Memory: A Photographic Exploration of Japanese American Internment
et, à paraître, Picher, Oklahoma: Catastrophe, Memory, Trauma
Les photographies de Stewart ont été largement exposées à travers les
États-Unis; elles figurent dans les collections
du Whitney Museum
of American Art, du Museum of Photographic
Arts, Santa Diego;
Stewart a obtenu de nombreuses publications
en particulier dans Aperture ou le New York Times Magazine.
http://toddstewartphotography.net
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interview
Version originale, en anglais
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Une interview de Todd Stewart autour de
Twentysix Gasoline Stations d'Edward Ruscha
Comment
présenteriez-vous le livre Twentysix Gasoline Stations, de Edward
Ruscha, publié en 1963, à un jeune photographe d'aujourd'hui qui ne
le connaîtrait pas ?
Le photographe baigne aujourd'hui dans
une culture visuelle complètement différente de celle d'il y a 50
ans. Nous sommes inondés d'images tous les jours, qui toutes se
battent pour retenir notre attention et sont digérées trop
rapidement pour laisser la moindre place à la subtilité ou à la
complexité. Pour comprendre la signification des Twentysix Gasoline
Stations d'Ed Ruscha il est important de comprendre le contexte dans
lequel elles ont été publiées pour la première fois, et à quel point
ce travail était différent de tout ce qui existait auparavant.
J'ai eu connaissance de ce livre à la
fin des années 1980. Je venais de découvrir les images d'Ansel Adams
et de Lewis Baltz et je cherchais à comprendre ce qui faisait que
leur travail était à ce point convaincant. J'étais un jeune
photographe à l'époque, et pour moi leurs photographies ne
ressemblaient en rien aux paysages que j'avais pu voir et apprécier
avant. Leurs images étaient banales, des vues figées de sujets que
je n'avais jamais réellement considéré comme des sujets "valant" une
photographie. Et pourtant ces photographies me semblaient
importantes.
William Jenkins citait dans le
catalogue de l'exposition New Topographics de 1975 les livres
de Ruscha comme ayant été les précurseurs influents des travaux de Adams, de Baltz et d'autres ; et quand j'ai vu les
Twentysix Gasoline Stations pour la première fois, j'ai compris
ce qu'il voulait dire. Ce que j'apprécie le plus et la façon dont ce
petit livre sévère et simple peut être à ce point dense d'un point
de vue critique.
Quel est l'intérêt
pour vous de ce livre ? En quoi l'approche de Ruscha vous
semble-t-elle actuelle ?
Je comprends l'importance de l'ouvrage
pour à la fois le pop art et l'art conceptuel mais, pour moi, en
tant que personne obsédée par l'image photographique, son importance
réside ailleurs. Comme je l'ai dit plus tôt, ce travail était très
différent de celui d'autres travaux que je connaissais à l'époque.
Comme beaucoup de photographes de ma génération, le début de ma
carrière était plus éclairée par Ansel Adams que par Robert Adams.
Cela conduisait à penser que le grand travail était caractérisé par
l'élégance et des démonstrations de virtuosité technique formelle.
Robert Adams, Baltz, et surtout Ruscha m'ont amené à considérer les
choses autrement. Grâce à leur travail, j'ai compris que les photos
pouvaient être des idées. Les considérations techniques et formelles
sont importantes, mais elles sont des choix à faire au service de
ces idées et non pas des fins en soi. Grâce à leur travail, j'ai
commencé à apprécier des photographies qui révèlent leur sens
lentement. J'ai commencé à comprendre comment une image radicalement
sévère dans sa simplicité pouvait souvent communiquer beaucoup plus
qu'une belle photographie conventionnelle.
Alors oui, je crois que cette approche
est toujours d'actualité; mais trouver un public dans une culture
visuelle centrée sur la gratification instantanée est problématique.
Pensez-vous que la
photographie soit avant tout documentaire ?
Une photographie est un
objet culturel
extrêmement complexe et sa grande puissance
vient de
ses connexions à
la fois avec le temps et
avec le réel -
deux signifiants très importants dans le
document. Mais,
pour moi, la photographie
est un langage hautement
adaptatif et sa pratique
est autant littéraire
qu'autre
chose. Pour ces
raisons, c'est un medium très efficace
pour décrire, interpréter et
comprendre le monde
autour de nous.
Pensez-vous que le
livre soit la présentation la plus adaptée de la photographie ?
Je crois qu'il y a de
nombreuses façons efficaces de présenter
les photographies,
mais le livre est certainement
l'une des meilleures -
surtout pour quelqu'un
comme moi qui voit
sa
pratique comme essentiellement
littéraire.
Des photographies
choisies pour leur banalité et leur absence de qualité : cette
tendance issue du pop'art et résolument anti peinture a largement
révolutionné l'art…qui fait aujourd'hui couramment de nouvelles
valeurs artistiques de ces antivaleurs sociales. Pensez-vous qu'une
nouvelle révolution du regard, basé sur la densité et la qualité de
l'œuvre elle-même pourrait à présent avoir lieu ?
Si je comprends bien
votre question comme une question de
pratique, (au
sens de : est-ce qu'il peut
apparaître une nouvelle façon de faire des images
en retenant les enseignements de Ruscha, mais
indépendantes de son
style?), La réponse est oui, absolument.
En fait, je crois que
que quelques uns des meilleurs
photographes
contemporains font juste cela
- ils reviennent à l'esthétique
tout en restant fermement
ancrés dans
la recherche
critique et conceptuelle.
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