Test d’objectifs grand
angle
Rodenstock Apo Sironar Digital / HR
Introduction
J’ai
testé deux objectifs :
en
conditions réelles sur une Arca SWISS Monolith 4x5 équipée d’un dos
digital PhaseOne P20 sur FlexAdaptor.
Ce
test n’a pas la prétention d’être exhaustif, je souhaitais répondre
simplement à deux interrogations :
-
L’utilisation de ces objectifs est elle possible dans une telle
configuration ?
-
Quelle est la qualité des résultats, notamment en ce qui concerne le
niveau de détail atteignable.
Ce
n’est donc qu’un partage d’expérience.
Les Objectifs
Rodenstock Apo Sironar Digital HR 4.0 / 35mm
Les
objectifs Digital HR sont conçus pour être utilisés avec des dos
numériques avec des pixels de 5x5 microns jusqu’à 12x12 microns. Les dos
39MP actuels ont des pixels de 6.8x6.8 microns. La plupart des dos
22MP & 16MP présentent des pixels de 9x9 microns. Donc les Digital HR
peuvent être utilisés avec tous les dos actuels.
Ils
sont optimisés pour s’approcher le plus possible des résolutions
théoriques limitées par la diffraction, et pour limiter les aberrations
chromatiques.
Le
revers de la médaille : un cercle d’image des plus limités, avec pour
recommandation le format 37x49 mm au maximum, ce qui correspond aux plus
grands capteurs actuels. Ainsi que des décentrements d’au maximum 6 mm
sur avec un 37x49 mm et 11 mm avec un 37x37 mm.
Autre
conséquence négative : il est impossible de faire du stitching.
Rodenstock Apo Sironar
Digital 4.5 / 45mm
Les
objectifs Apo Sironar Digital sont optimisés pour des dos numériques
avec des pixels de l’ordre de 10x10 microns. Leur résolution est
inférieure aux Digital HR mais en contrepartie, ils acceptent des
capteurs autrement plus grand (jusqu’à 72x96 mm) avec des décentrements
plus généreux : de 36mm pour les capteurs 37x49mm à 41 mm pour les
capteurs 37x37 mm.
En
d’autres termes, les stitchings horizontal et vertical sont possible.
Prise en main
Objectifs
Tous
mes objectifs sont montés sur planchettes d’objectifs 110x110m, ayant un
adaptateur pour mon cadre 4x5.
Les
deux Rodenstock étaient montées sur des planchettes rentrantes. Ca ne
facilite vraiment pas leur utilisation (choix de la vitesse et du
diaphragme, etc.), et plus les doigts sont gros moins c’est facile.
J’imagine que c’est l’un des rares avantages d’avoir des planchettes
171mm.
D’autre part, on a besoin d’un déclencheur très petit. Même le plus
petit que j’ai trouvé est difficile à visser et dévisser, car il touche
la paroi de la planchette. Afin d’éviter leur usure, le mieux est
probablement de les laisser montés en permanence sur l’objectif, et d’en
avoir autant que d’objectifs grand angle.
FlexAdaptor
Le
FlexAdaptor est un dos coulissant sur lequel on fixe un dos digital. Il
est composé d’un dépoli de visée sur lequel on peut utiliser un viseur
coulissant agrandissant, d’une plaque de fixation pour différentes
chambres (Sinar, Arca-Swiss…) ainsi que d’une plaque adaptatrice pour
dos (montures Hasselblad, Mamiya…).
Le FlexAdaptor offre les avantages suivant :
- Inutile de passer son temps à monter et démonter un dos à lentille de
Fresnel et un une plaque avec le dos digital: il suffit de faire
coulisser le Flexadaptor. On économise non seulement du temps, mais on
minimise énormément les risques de faire tomber le dos digital ou autre.
- En position de visée, le dos est à l’abri des poussières.
- Stitching automatique 2 ou 3 images. Grâce à un sélecteur de position
codé couleur (au choix position normale/pas de stitching, stitching deux
images, stitching trois images), c’est un jeu d’enfant de faire
coulisser le dos dans les bonnes positions. Le logiciel CaptureOne
assemble les photos automatiquement. Cela permet non seulement d’obtenir
des fichiers encore plus détaillés, mais aussi d’éviter de travailler
avec des ultra grand angles, puisqu’on augmente l’angle de prise de vue
par stitching.
- A noter que sur une Monolith, il est facile de faire 3 séries
verticales de stitching horizontal pour une image finale composée de 6 à
9 prises de vues. Je vous laisse calculer la résolution finale. L’angle
de vue serait quasiment identique à celui d’un film 4x5.
Câble PhaseOne One Shot
Ce
câble est relié d’un coté au dos digital, et de l’autre à la prise de
synchronisation flash de l’objectif.
Auparavant, il fallait armer l’objectif puis appuyer sur le déclencheur
(réveil du dos) puis réarmer l’objectif et ré appuyer sur le déclencheur
(prise effective de la photo). C’était très pénible, notamment
dans les poses longues, et le risque de bougé en était augmenté.
Le
câble One Shot a un petit bouton qui réveille le dos. Ainsi, on arme
l’objectif, on appuie sur le bouton puis on appuie sur le déclencheur
une seule fois, comme avec du film normal.
OneShot Cable Release Kapture Group
Je n’ai malheureusement pas reçu ce câble à temps pour le test. Avec ce
câble, le déclenchement est strictement identique à l’utilisation avec
un plan film. L’avantage par rapport au câble One Shot de
PhaseOne, c’est qu’on n’a besoin que d’une seule main. Le désavantage,
c’est qu’il est onéreux. Pour une utilisation régulière de la chambre,
c’est vraiment utile. En revanche, je ne suis pas sûr que j’aurais pu
l’utiliser avec les planchettes rentrantes 110mm.
Dos PhaseOne P20
Sur le marché depuis plusieurs années, c’est une
valeur sûre. Equipé d’un capteur 16 MP d’une taille de 37x37 mm et avec
des pixels de 9x9 microns. Il est utilisable tant de manière autonome
(cartes CF) que relié à un ordinateur. Les dos de la série P étaient les
premiers dos offrant des fichiers RAW avec compression sans perte.
Batteries de Test
Prises de vue
Les
photos ont été prises au deuxième étage d’un centre commercial à Zürich,
Sihlcity.
Les
conditions de lumières ne sont pas idéales : températures de lumières
diverses, dynamique étendue qui nécessiterait un filtre gradué ND ou la
prises de plusieurs photos et assemblage en fonction de leur luminosité,
etc.
Seuls
comptaient les objectifs du test et il n’a pas été tenté d’améliorer les
photographies.
Mise au point
Pour
faire la mise au point, plusieurs possibilités s’offrent au photographe.
-
Utilisation du dépoli. C’est jouable, même si clairement c’est
moins facile qu’en format 4x5 plein.
- Utilisation du viseur avec
loupe. Cela facilite grandement la mise au point, un peu à la manière
d’un viseur binoculaire Arca SWISS.
- Contrôle sur écran du dos digital. La nouvelle série P+ de PhaseOne
ainsi que les dos Leaf et Sinar récents permettent le « Live View. »
Pour les dos moins récents tels que mon P20, on peut quand même agrandir
les photos à 100% et examiner la mise au point sur le petit écran LCD.
- Contrôle sur ordinateur portable. C’est le plus agréable quand c’est
possible. Dans mon cas j’ai oublié le câble FireWire donc je n’ai pas pu
l’utiliser pendant le test.
- La distance de mise au point sur rail est tellement courte que du
doigté s’impose, et la Monolith à l’encombrement et au poids gênants
devient du coup à nouveau intéressante.
Ouvertures
Rodenstock recommande d’utiliser les ouvertures 8 à 11 pour une
utilisation optimale.
Les
tests ont néanmoins été faits à des ouvertures 4 à 16.
Conclusions
Pouvoir résolvant
Le
pouvoir résolvant des optiques Digital – et même des Digital non HR, est
extrême, pour ne pas dire incroyable, et ce dès la pleine ouverture.
Exemple 1 : 45mm à F4,5, grossissement 100%
sans aucune accentuation.
Ici on
voit par une fenêtre qui est à environ 30-40m de la chambre. Sur la vue
générale, il s’agit des fenêtres au centre, à l’étage du dessous :
Devant
le centre commercial il y a une grande place. On distingue nettement le
sapin de noël avec les cadeaux. Et on peut lire les lettres : « OOD
PA ». Ca m’a intrigué alors je suis allé vérifier. Il s’agit du
Restaurant Hong-Kong, de l’autre côté de la place qui mesure bien 20m de
profondeur. Ce restaurant a l’accroche publicitaire « FOOD
PARADISE ».
La
hauteur des lettres étant environ 10 pixels, il s’agit de 1 / 401ème de
la résolution du capteur. L’équivalent sur un 4x5 serait environ un
détail d’un quart de millimètre sur le film.
Si on
observe bien, il semble qu’il y a comme des stries devant les fenêtres.
Je me suis demandé si c’était une erreur JPG ou autre. Alors je suis
allé vérifier à nouveau et voila la raison :
Il y a
une sorte de store devant la fenêtre !
Profondeur de champ &
mise au point
La
profondeur de champ est très importante, notamment à f16. En effet en
dépit des recommandations de Rodenstock de ne pas dépasser f11, la
diffraction ne semble pas diminuer la qualité de l’image à f16.
Nous
avons vu précédemment une vue à 100% de l’arrière plan, situé à environ
50m de la chambre. Voyons maintenant un exemple d’avant plan et de plan
medium :
Exemple 2: 45mm à f16, grossissement 100% sans aucune
accentuation.
On
peut clairement lire « Ochsner Sport » bien que les lettres ne dépassent
pas 4 pixels de large, soit 1 / 1000ème
de la résolution du capteur, soit sur un plan film 4x5 un équivalent de
1/10ème de millimètre.
Encore
une fois, il n’y a pas d’accentuation. PhaseOne est connue pour son
rendu doux, qui peut être accentué de façon logicielle si nécessaire,
contrairement à certain de ses concurrents qui accentuent d’office.
Exemple 3 : 45mm à f16, grossissement 100% sans aucune
accentuation.
Ici,
j’ai juste un peu éclairci la photo. On peut très bien voir les stries
de l’escalator.
Donc,
de l’avant plan à l’arrière plan, on a une très grande profondeur de
champ.
Exemple 4 : 35mm HR à f8, grossissement 100% sans aucune
accentuation
Ici
aussi, le ‘i’ d’une largeur de 2 pixels est parfaitement reproduit.
Mise
au point
A
noter que j’ai rapidement fait la mise au point directement sur le
viseur du FlexAdaptor. J’aurais encore pu améliorer la précision en
vérifiant sur le dos avec zoom 100% ou mieux encore sur un écran
d’ordinateur portable.
Extension de la
profondeur de champ
Une
autre stratégie est de prendre plusieurs photographies en variant de la
manière la plus petite possible la mise au point sur le monorail. Après,
un logiciel tel qu’Helicon Focus assemble les plans nets de toutes les
images. Les résultats sont stupéfiants. Dans le cas présent, il faudrait
consacrer environ 30 à 60 minutes de post processing, car Helicon Focus
s’accommode mal des lumières directes telles que les guirlandes de noël
et toutes les lampes incrustées dans les bords elliptiques (quand elles
sont floues, elles ont un grand halo lumineux).
Aberration
chromatique
Avec
ces deux objectifs, il n’y a aucune aberration chromatique. C’est
vraiment un avantage conséquent.
Ainsi,
si le 35mm du Mamiya 645 AFD II est vraiment très bon (ceux qui ont vu
mes panoramiques de 200 cm à Montreux pourront en témoigner), il
provoque de l’aberration chromatique sur les détails ultrafins. N’ayant
pas trouvé de logiciel vraiment efficace contre, la retouche est à la
main, et quoi que sans difficulté, nécessite beaucoup de temps.
Décentrements
Les
données de Rodenstock ont pu être vérifiées sur les deux objectifs. 11mm
sur le 35mm HR c’est vraiment peu.
Résultats du Rodenstock Apo Sironar Digital HR 4.0 / 35mm
Ils sont tout aussi excellents que ceux du
Rodenstock Apo Sironar Digital 4.5 / 45mm. Clairement pour vraiment
évaluer pleinement sa valeur ajoutée, il faudrait le tester avec un dos
39 MP et des pixels de 6.8 microns.
Digital ou Digital HR ?
Pour
mon dos le choix est clair, la gamme Digital s’impose car elle tire déjà
la quintessence du capteur, et elle permet le stitching.
Les
propiétaires de dos 39 MP préfèreront sans doute les Digital HR.
Néanmoins, leur durée de vie est comptée. De source inofficielle mais
très crédible, PhaseOne va lancer des dos quasi plein format 6x4.5 cm
avec des résolutions de 50-80 MP. Au plus tard en 2009 et probablement
en 2008.
Les
Digital HR, avec leur limitation 37x49mm ne seront plus utilisables, ou
bien utilisables mais sans aucune possibilité de décentrement.
Limites du test et
prochain projet
Pour
bien faire, il faudrait comparer à d’autres objectifs 35mm avec le même
dos, ainsi qu’avec un objectif classique sur 4x5 avec le même angle de
prise de vue sur un bon film. Si j’ai le temps, j’irai photographier le
même sujet avec le même dos P20, mais sur Mamiya avec 35mm, ainsi
qu’avec un Grandagon N Apo sur Provia 100F.
Néanmoins j’avais déjà constaté à ma grande surprise lors de la prise de
vue d’œuvres d’arts de David Roux-Fouillet, que les fichiers issus du
P20 sur Monolith 4x5 et Rodenstock Apo Sironar Digital Macro 120mm
étaient plus détaillés que les plan films Provia 100F scannés sur Imacon
X5. Je me hasarderais à supposer que c’est toujours vrai avec les autres
digital et digital HR.
D’autre part, il serait intéressant de comparer l’ergonomie et la
qualité des différents systèmes tels que la R3dm d’Arca-Swiss et la
Cambo Wide DS et autres Alpa. C’est ce qui aurait du se produire au
dernier congrès de l’image haute résolution à Montreux, malheureusement
le lundi d’après étant férié, le démonstrateur de Profot a fait le
pont. Une piste pour le prochain congrès ?
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Tout le catalogue est en ligne sur
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dernière modification de cet article :
2007 |