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l'auteur
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Sébastien ARRIGHI
Sébastien, comment en êtes-vous venu à la photographie ? Plus jeune je dessinais… Pour développer cette pratique j’ai suivi des cours d'arts plastiques au lycée, j’y ai découvert l’histoire de l’art et plus particulièrement le travail photographique de Man Ray avec un portrait de Lee Miller. L’image en question avait subi une solarisation, j’ai eu l’impression d’observer un dessin. Ce coup de cœur m’a amené à me rendre à Paris pour découvrir cette photographie en vrai ; elle faisait l’affiche de l’exposition la Subversion des Images au Centre Pompidou. J’avais 18 ans, mon désir de faire de la photographie venait de naître.
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Vous avez une formation d'Ecole des Beaux-Arts. Qu'est-ce que cette
formation vous a apporté pour la photographie ? J’ai d’abord débuté mes études supérieures dans une école de design. Filière que j’ai rapidement délaissée pour intégrer une école d’art. Au-delà d’un apprentissage pratique et théorique, j’y ai acquis une ouverture d’esprit dans l’utilisation du médium photographique. L’échange constant avec les différents ateliers de l’école et ses diverses pratiques ont considérablement nourri ma manière de penser et de fabriquer une image, jusqu’à sa destination.
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Un de mes premiers projets a été de photographier l’Ouest américain sans m’y rendre, en réalisant des captures d’écrans via un jeu vidéo imitant ces paysages. Je faisais une exploration virtuelle menée en usant de mon protocole habituel grâce à l’avatar : la marche, le repérage de lieux, être contraint à rester ou à revenir, le tout sans avoir les cheveux au vent. |
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Qu'est-ce qui vous motive ? Le sens de la trace, les notions d'ordre
et de désordre ? Une sorte de fascination pour l'arbitraire ? Je suis né et j’ai grandi en Corse, un territoire qui présente différents échantillons du monde et de multiples façons de l’habiter. J’ai pu y observer des mutations importantes, des sites ont disparu, d’autres sont apparus. En somme, tout ce qui se passe ailleurs dans le monde. À la seule différence qu’ici, j’ai eu l’impression de voir ces changements s’appliquer à un corps, à un être d’un genre particulier, comme s’il s’agissait d’un ami. Cette expérience avec le paysage m'a orienté vers le relevé de projets humains, m'a rendu attentif aux traces et décisions qui participent à la réalité synthétique qui émane des territoires, partout où je me rends.
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Diriez-vous que votre photographie a un caractère social ? Mes photographies n’ont pas pour ambition de rallier des gens à une cause commune, à un sens commun. Mais elles essaient de traduire par des signaux discrets certaines relations que nous entretenons avec le monde. Sans aller jusqu'à porter une charge documentaire ou à la dénonciation, le fait de photographier quelque chose implique que nous nous y intéressons, que nous cherchons à comprendre cette chose. La présence modérée de la figure humaine dans mon travail, quand elle n’en est pas même absente, vient justement révéler l'Homme dans ses aspirations, qui souvent ne tiennent compte d’aucune forme de sociabilité entre les êtres et l’environnement. |
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Quelle part faites-vous à l'intuition dans votre travail ? J’ai débuté la photographie avec un reflex puis un appareil télémétrique ; je suis plutôt lent à la prise de vues, j’ai donc progressivement glissé vers le moyen format et la chambre photographique. Je ne suis pas à la recherche de l’image qui résume tout, ni dans l’attitude du chasseur sur le qui-vive. Je suis plus comme le chien de chasse, qui, par l’accumulation d’indices et de détails, trouve ce qu’il convoite. La plupart du temps je délimite un territoire en amont de la prise de vue, après des recherches précises, ou à partir de souvenirs. Mais la rencontre hasardeuse d’une scène intéressante m'émerveille. Il y a aussi le moment du cadrage où j’ai souvent pensé qu’il fallait arriver à tout peser. Pourtant une forme de lâcher prise, où le regard dépasse l’intellect, permet de voir des éléments qui semblaient inintéressants auparavant. Sébastien Arrighi© |
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Pourriez-vous dire que la photographie vous intéresse en tant que
medium silencieux ? J’aime beaucoup cette notion de silence. Il m’est difficile de photographier lorsque je me trouve dans un environnement très fréquenté. La sensation d’être observé lorsque je plante le trépied dans le décor est pénible. J’ai l’impression de déranger, de voler l’image. C’est donc à la fois la sorte de méditation dans laquelle je rentre, qui conditionne le regard et la recherche du sentiment de liberté qui me poussent à éviter les grandes villes par exemple. Aussi, loin de ces zones de vie surchargées, le monde semble plus lisible, avec une forme de vernaculaire qui jaillit de la terre et des objets fatigués qui la peuplent. Les nouvelles conditions matérielles, économiques et sociales lissent et uniformisent au contraire la texture des paysages. Enfin, ce protocole participe à l’esthétique de mes photographies, qui présentent les traces de chocs, sons et dépenses d’énergie qu’auraient subis mes sujets. |
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Sébastien Arrighi© |
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Pour vous qu'est-ce qu'une belle photographie ? Une belle photographie, et
cela peut paraître évident, peut se suffire
à elle-même. Mais une véritable
belle photographie est chargée d’une
histoire, de préoccupations intimes, de
passion, d’angoisses… Elle dévoile discrètement l’envers du décor, une découpe du réel portée par la force du cadre, le choix de la couleur ou du noir et blanc, de la profondeur de champ ou de l’emplacement précis de la mise au point. Elle convoque la même patience, la même énergie qu'un homme dépense pour une femme qu’il convoite et dont le cœur est difficile à prendre. Une belle photographie doit être rêvée, désirée par son auteur, avant même qu’il s’investisse physiquement à son égard. |
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dernière modification de cet article : octobre 2019
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