Traitement RAW des captures APN haute résolution
en conditions de haute sensibilité
(Essai comparé de traitement avec 3 logiciels leaders)
par Pierre Movila
Le traitement RAW : un choix incontournable
Les boitiers reflex numériques haute résolution se succèdent à un
rythme élevé et présentent aujourd’hui des caractéristiques
impensables il y a seulement quelques mois. Pour exploiter au mieux
le potentiel de ces appareils sophistiqués, il faut le temps de la
pratique qui procure l’expérience et le recul nécessaires pour
pouvoir juger les capacités techniques en situation réelle. Ce temps
se compte en mois, voire en semestres (et encore, pour les
photographes très pratiquants…).
D’autant qu’entre le matériel et la forme finale des images acquises
s’est introduit un nouveau facteur : le logiciel. La maitrise de la
chaine numérique en photographie passe à la fois par le domptage de
l’appareil de prise de vue (avec ses nouveaux paramètres
spécifiquement « numériques » qui doivent maintenant être gérés) et
par l’acquisition d’une compétence en traitement informatique des
données image.
Bref : c’est devenu bien compliqué, et surtout très différent (ce
qui participe sans doute en grande partie à la sensation de
complication : même les plus expérimentés en argentique sont
redevenus des débutants en numérique…).
Pour qui recherche l’excellence de qualité des images, au sens de la
meilleure précision, de la richesse des couleurs et de la dynamique,
la quête se répartit en deux grandes tâches : trouver le
meilleur matériel (capteur, boitier, objectifs…), et le coupler avec
le meilleur logiciel de traitement des données pour obtenir, in
fine, la meilleure image possible.
Le photographe expert sait qu’il ne peut pas se contenter des
fichiers calculés automatiquement par son boitier : les JPEG que
l’on peut comparer aux clichés de « lecture » d’autrefois. Il vaut
mieux traiter soi-même et sous contrôle visuel les fichiers natifs
produits par l’appareil. Cette étape communément appelé traitement
des fichiers RAW (= bruts, tels qu’obtenus en sortie de capteur,
avant tout traitement de rehaussement et autres filtres) évoque avec
de nombreuses similitudes le traitement de laboratoire argentique :
on « développe » numériquement ses clichés pour obtenir le meilleur
« négatif » possible avant l’étape de « tirage » qui est maintenant
devenue une impression numérique.
Il existe plusieurs logiciels de traitement des fichiers RAW
disponibles sur le marché, mais finalement seuls quelques leaders se
distinguent vraiment du lot pour une utilisation experte. Il est
généralement considéré que, comme ces logiciels ont tous beaucoup
évolué en quelques années, ils sont maintenant matures et donnent
des résultats assez similaires quand ils sont bien manipulés. Le
choix entre les différentes solutions proposées revient le plus
souvent à un choix d’ergonomie ou de conception du flux de
production.
S’il est vrai que l’expérience au quotidien confirme ce fait avec
des images standard, bien éclairées et bien exposées, il en est
autrement dans les cas extrêmes.
Le cas des images de haute
sensibilité
La course à la résolution n’a pas que des avantages. Les
photographes expérimentés connaissent bien cette formule : beaucoup
de pixels + capteurs petits + peu de lumière + des tirages toujours
plus grands = mauvais résultats.
Le coupable : le bruit numérique. Ce bruit se concrétise par une
sorte de « grain » disgracieux, une perte de saturation des
couleurs, un moirage couleur, l’apparition de plages postérisées,
une perte de précision des contours et j’en passe.
Le bruit provient essentiellement de la conception générale de l’APN
(nous ne détaillerons pas ici tous les paramètres impliqués), mais
aussi des conditions d’éclairage. La prise de vue en condition de
faible luminosité, et surtout avec des réglages en haute sensibilité
(400 ISO et plus) génère beaucoup de bruit. Les clichés sont souvent
peu exploitables quand ils ont été pris dans ces conditions.
Dommage, car la photo en basse lumière représente tout un univers de
la création photographique…
Nouveaux matériels, nouvelles performances en basse lumière
La situation n’est
pas désespérée, elle a même un peu changé. Les réflex évolués
proposent maintenant des capteurs plus grands (et donc des
photosites plus grands et moins sensibles au bruit), et les
évolutions électroniques récentes permettent de proposer des
sensibilités de 1600 ISO voire plus encore (certains proposent même
jusque 24000 ISO !). Les images produites à ces sensibilités
présentent toutes une quantité plus ou moins importante de bruit.
Selon l’intensité de ce bruit (et l‘intention artistique évidemment)
elles seront utilisables ou non.
On peut lutter
contre ce bruit après traitement RAW, lors de la retouche. Par
exemple, Adobe Photoshop propose un filtre destiné à réduire le
bruit. Certains éditeurs proposent aussi des logiciels spécialisés
dans la réduction du bruit. Il est toutefois évident qu’il est
préférable de traiter le problème à sa source : au moment du
traitement RAW. Et de fait, tous les logiciels de « dématriçage RAW»
intègrent peu ou prou des processus de traitement du bruit, qui
restent en grande partie des « boîtes noires » quant aux méthodes
utilisées.
Une petite expérience
J’ai récemment
produit une série d’images prises de nuit, consacrée à des stations
service américaines. Pour différentes raisons logistiques, il
n’était pas possible pour moi d’effectuer des prises de vues en pose
longue avec un trépied. J’ai donc dû opter pour un réglage de mon
reflex numérique sur une valeur ISO élevée afin de pouvoir
bénéficier d’une vitesse de déclenchement suffisante et ainsi éviter
le flou de bougé pendant la prise de vue à main levée.
Ma configuration
matérielle me permettait d’envisager la prise de vue dans ces
conditions : boitier Canon 1Ds MarkIII (capteur plein format),
optique Canon 70-200mm stabilisée - f :2,8. Ce matériel permet
d’utiliser les sensibilités de 800 et 1600 ISO avec des résultats
exploitables. Restait à choisir les options logicielles pour
exploiter les fichiers RAW au mieux. J’avais à ma disposition les
trois logiciels suivants : Adobe Lightroom version 2.1, DxoOptics
Pro Elite 5.3.1, PhaseOne Capture One Pro 4.5.2. Le test a été mené
sur Apple Mac Pro, Système OS-X 10.5.
J’ai donc traité la
même image RAW (fichier CR2, le RAW de Canon) avec les trois
logiciels et comparé les résultats obtenus.
La procédure de test
Soyons très clairs :
je n’ai pas réalisé un test de laboratoire d’essai. Il s’agit d’un
test de terrain, avec une utilisation des logiciels en mode
standard, le plus souvent avec les réglages de base ou automatiques.
Il est illusoire de vouloir comparer toutes les configurations
possibles de réglages, car on se trouve alors face à une
combinatoire ingérable. De plus, chaque logiciel a sa logique propre
et propose des paramètres de réglage pas toujours comparables.
J’ai donc opté pour
une utilisation « au mieux de chacun », et selon mon expérience
technique et mes gouts. L’objectif n’était de toute façon pas de
définir le meilleur d’entre eux (ils sont tous trois excellents)
mais de révéler leurs différences dans la manière de traiter ce type
d’images.
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