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l'interviewer
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« Le crépuscule des images »une interview de Michel Ramel par Gary How
Gary How : Michel, vous avez choisi une démarche singulière et particulièrement audacieuse. Alors que la photographie contemporaine est entièrement dominée par des œuvres de très grandes tailles vous avez opté pour une démarche entièrement opposée : le rétrécissement ! Pourriez-vous nous dire comment l’idée vous en est venue ? Michel Ramel : Comme toutes les grandes idées, celle-ci est née d’une catharsis déclenchée par un évènement tout à fait mineur. Un soir d’automne, alors que je rentrai mélancolique et quelque peu éméché d’une visite à Paris-Photo, je butai sur un chou. Oui un chou ! Mais pas n’importe quel chou… un chou romanesco. Je n’ai pas immédiatement saisi l’importance de la chose mais j’en suis désormais sûr : ce chou a joué pour moi le même rôle que la pomme pour Isaac Newton. Toujours est-il que je passai la nuit entière en tête à tête avec mon chou, admirant la répétition infinie de sa structure à des échelles toujours plus infime. A l’aube, l’évidence s’imposait : l’agrandissement – quelque soit sa taille – ne pouvait rendre la complexité du macrocosme : l’avenir était dans le microcosme et pour l’atteindre il fallait en passer par les gésines du rétrécissement.
Effectivement, cela n’a pas du être simple. Car à l’heure actuelle vous arrivez à transférer l’information contenue dans un plan film de 20x25 cm sur une surface de quelques mm2. Pourriez-vous nous en dire plus sur la technique utilisée ? Michel Ramel : Je n’en suis pas arrivé d’emblée à de tels rétrécissements. J’ai même commencé assez grand – si l’on peut dire ! – en rétrécissant du 20x20 en 6x6 cm. Les résultats étaient bons, très bons mêmes, et séduisaient déjà les spectateurs, d’autant plus qu’il était possible de les regarder sans aucun appareillage ; mais ceci n’était qu’une étape, désormais complètement dépassée, vers les mondes hors normes que je fréquente à l’heure actuelle. Sur le plan technique, il faut distinguer trois aspects intimement liés dans la procédure : le rétrécisseur, les surfaces sensibles et l’optique. Le principe du rétrécisseur est fort simple : imaginez une chambre réglée pour une macrophotographie : l’espace entre l’objectif et le plan film est tout simplement augmenté. Il en va de même pour le rétrécisseur que nous utilisons. En pratique c’est un peu plus compliqué : il a fallu superposer les colonnes de trois Durst 184 pour arriver au but… C’est un peu encombrant, mais rustique et efficace ! La question des surfaces sensibles nous a causé plus de soucis : le papier photographique traditionnel n’a pas un pouvoir de résolution adapté au projet. Nous sommes donc passés rapidement au lodima ; cela ne fut guère plus satisfaisant mais le lodima nous avait imposé la fabrication d’une tête d’agrandisseur à UV qui s’avéra extrêmement utile par la suite.
S’ensuivit un détour par le plan film (gigabit) et nous
parvînmes au support définitif : le collodion – certes pas le
collodion des bricoleurs du dimanche - mais du collodion quand même
! La résolution de tels systèmes dépasse à l’heure actuelle d’un facteur mille celle des meilleures optiques contemporaines. Il m’est difficile de vous en dire plus, les brevets n’ayant pas tous été encore déposés, mais sachez que le procédé – en l’état des choses – permet de loger 720 Mo d’informations sur quelques millimètre carrés.
Si vous le voulez bien, je voudrais que nous envisagions désormais le deuxième aspect révolutionnaire de votre procédé: celui qui concerne la perception des informations par le spectateur. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ? De telles masses d’informations ne peuvent naturellement pas être perçues directement. Les premiers essais que j’ai faits en ce domaine me semblent rétrospectivement dérisoires ; inutile d’en parler. Mes rétrécissements actuels doivent être vus à l’aide de microscopes très performants sous un éclairage stroboscopique très précis. Alors et seulement alors il se produit une chose que les physiologistes ne comprennent pas encore : une rémanence cérébrale (et non rétinienne comme dans le cinéma) qui permet à la plupart des spectateurs de naviguer dans les microcosmes que je leur propose de façon très prolongée. De l’ordre d’une heure pour la plupart, mais parfois beaucoup plus ! Cette expérience sensorielle n’a pas d’équivalent jusqu’à présent et est souvent vécue la première fois comme un choc extrêmement violent… Merci Michel et je rappelle, pour ceux à qui l’information aurait échappée, que l’œuvre de Michel Ramel peut être vue à la galerie Lilliput, 23 rue Philippe Pinel, Paris 13ème. Encore un mot pour conclure Michel ? C’est avec un enthousiasme teinté d’un peu de mélancolie que je reprendrai pour conclure la phrase fameuse de Victor Hugo, prophétisant à rebours la victoire du Livre sur la Cathédrale : « Ceci tuera cela ! »
dernière modification de cet article : 1er avril 2011
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