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l'auteur
Michele Vacchiano est un photographe
italien parlant très bien le Français. Il organise périodiquement des
randonnées photographiques dans le piémont italien.
Sa passion est la photographie de montagne.
Pour le contacter :
info@michelevacchiano.com
www.michelevacchiano.com

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Que faire lorsqu'il pleut ?
Je ne peux plus dormir. Le bruit de la pluie sur la terrasse
et le gargouillement de l'eau dans le chéneau m'ont reveillé.
J'aimerais mieux dormir encore un peu, parce que c'est dimanche,
mais il n'y a rien à faire, le sommeil s'est évanoui.
J'essaye de me lever sans faire du bruit. Mes pieds font craquer le
parquet en bois mais Claudia ne bouge pas.
Voilà mon sac de montagne, qui m'attend en vain près de la porte. Je
l'ai soigneusement préparé hier soir et à présent il faut le
défaire. Comme tous les dimanches, du reste. Après l'inondation
d'octobre 2000 le temps en Piémont est changé : il pleut chaque
semaine du vendredi soir au lundi matin avec la régularité d'une
horloge suisse !
Un photographe de montagne bloqué chez soi pendant une averse n'est
pas un spectacle agréable. Et maintenant que vais-je faire, comme
chantait Gilbert Bécaud?
Je commence à monter ma Sinar sans savoir pourquoi, en promenant
alentour des regards distraits. Qu'est-ce qu'il y a dans une maison
qui puisse intéresser un photographe des Alpes?
Pendant que je sors un yaourt du frigidaire mon regard tombe sur le
mur opposé. Le vieux buffet, le vaisselier en bois de frêne, les
outils à foin qui me rappellent mon enfance valdôtaine. Pourquoi
pas?
Le moule à beurre et la salière en bois avec sa décoration
traditionnelle se prêtent à une recherche sur la direction de
l'éclairage. De plus, leurs dimensions réduites représentent un défi
intéressant.
J'essaye de mettre à point le moule à beurre avec le Super-Angulon
90 mm : j'utilise le grand angle pour exalter la profondeur des
entailles et aussi pour ne pas étendre le soufflet d'une façon
exagérée.
Le posemètre me dit qu'il me faut une minute avec f/22. J'utilise
uniquement la lumière qui vient de la fenêtre et qui est réfléchie
par les murs. Le rapport d'agrandissement est de 1:1. Puisque je
veux maintenir f/22 je devrai prolonger le temps de quatre minutes.
Selon mon expérience (et indépendamment de ce que dit Kodak) la
T-Max 100 exige que quatre minutes deviennent au moins quinze
minutes pour compenser la manque de réciprocité en maintenant un bon
contraste. Je règle l'obturateur sur la pose T et ensuite j'appuie
sur le déclencheur souple en faisant partir mon chronomètre.
Pendant l'attente je regarde autour de moi à la recherche de
nouveaux sujets. Sur la table il y a une planche à découper en bois
que Claudia a décorée. Elle y a mis quelques châtaignes, du raisin,
une petite courge jaune, deux pommes de pin sèches : un petit essai
du Piémont. La symétrie d'une des pommes de pin m'attire ; je
voudrais agrandir l'aire autour de la tige en l'éclairant d'un seul
côté pour faire ressortir la texture des petites tuiles superposées.
Le rapport d'agrandissement est de 3:1 et je dois prolonger le banc
pour étendre le soufflet de manière adéquate, même en utilisant le
90 mm. Sur le verre de visée je ne vois presque rien ; il faut que
je m'aide avec un spot halogène. Mais ça seulement pour la mise au
point ; pour la prise de vue je veux utiliser la lumière naturelle
(sinon ce ne serait pas amusant). Les cinq minutes du posemètre
deviennent une demi-heure. J'ai tout le temps de monter la Wista
pour de nouvelles photos.
Ainsi je finis de travailler avec deux appareils à la fois.
Pendant toute la matinée je découvre un tas d'objets intéressants,
qui changent leur aspect et deviennent presque mystérieux une fois
cadrés sur le dépoli.
Claudia se lève à midi. Je l'étonne en la saluant d'une voix gaie.
"Je croyais que tu étais furieux de ne pas être allé en montagne."
me dit-elle.
"Pas du tout : je me suis réellement amusé."
Elle me regarde comme si j'étais fou et se va à la cuisine sans rien
dire. En voyant mon attirail éparpillé partout elle comprend ce qui
se passe. Elle vient tout près de moi et murmure à mon oreille: "Ça
te dirait de jouer avec un nouveau sujet?"
Bon, pourquoi pas? Ce sera peut-être plus amusant que s'affairer
autour d'une salière.
Lorsque il pleut et que l'envie de photographier devient
intolérable, regardez autour de vous: il y a maints sujets qui
attendent seulement d'être découverts par votre fantaisie !
Michele Vacchiano © octobre 2001
Photographies

Le moule à beurre dont je parle dans le texte.
Rapport d'agrandissement: 1:1.
Chambre Sinar F avec dos 4x5".
Objectif : Schneider Super-Angulon 90 mm f/8.
Film: Kodak T-Max 100.

Typique décoration valdôtaine d'origine celtique qui représente le
"soleil tournoyant". Elle est gravée sur une salière en bois de
sapin.
Rapport d'agrandissement: 2:1.
Chambre Sinar F avec dos 4x5".
Objectif : Schneider Apo-Symmar 180 mm f/5,6.
Film : Kodak T-Max 100.

Pomme de pin.
Rapport d'agrandissement: 3:1.
Chambre Sinar F avec dos 4x5".
Objectif : Schneider Super-Angulon 90 mm f/8.
Film : Ilford FP4.
Cette image, ainsi que les autres de cet article, a été exposée au
public en occasion de la dernière exposition de Michele Vacchiano en
Autriche.
URL:
www.michelevacchiano.com
E-mail:
info@michelevacchiano.com
dernière modification de cet article
: 2001
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