Profondeur de champ en macrophotographie avec la chambre numérique du pauvre
par Phú Thiện NGUYỄN
Introduction : quelques rappels
La profondeur de champ d’une photographie
dépend : - de l’ouverture du diaphragme ; - du grandissement (rapport entre la taille de l’objet et la taille de
l’image du sujet sur le capteur) - de la résolution du capteur mesurée par le cercle de confusion (les
cercles de confusion sont les plus petits points placés l’un à côté de
l’autre qu’il est encore possible de distinguer sur un support
photographique)(1).
Pour un grandissement et pour un appareil
ou film donnés, on peut obtenir une profondeur de champ accrue en
fermant l’ouverture de l'objectif.
Pour éviter l’apparition de diffraction(2)
(qui réduit la netteté de l'image) on ne peut pas pousser trop loin la
fermeture de l'objectif. Il est toujours mieux d’utiliser le meilleur
diaphragme pour chaque objectif (diaphragme médian parmi les diaphragmes
proposés par le constructeur)(3).
Pour une bascule nulle, à une distance
de mise au point donnée la zone de netteté s'étend, en
macrophotographie, moitié devant et moitié derrière le plan de
netteté(4).
Avec une chambre l’application de la règle
de Scheimpflug est aussi une chose possible(5)
; la règle de Scheimpflug établit que l’image du plan d’objet sur le
support photographique est nette si ce plan objet, le plan objectif et
le plan du support photographique se rencontrent sur une même ligne.
L’idée est de déplacer le plan de netteté de sorte qu’il soit le plus
proche possible du sujet.
En dépit ou à cause de toutes ces
possibilités parfois contradictoires, la profondeur de champ obtenue est
limitée.
Peut-on passer outre ?
Pour un sujet qui demande une plus grande
profondeur de champ, il existe une méthode consistant à empiler les
zones de netteté de photographies prises à différentes distances
objet-capteur (focus stacking)(6).
Nous allons examiner la méthode
d'empilement des zones de netteté proposé par le logiciel CombineZP
développé par
Alan
Hadley et mis gratuitement en ligne sur
son site
Empilement des zones de netteté (focus stacking) avec CombineZP
Le logiciel CombineZP est un
logiciel open source gratuit spécialement conçu pour augmenter la
profondeur de champ en photographie. Il fonctionne sur Windows 7, XP et
2000. CombineZP remplace CombineZM qui était lui-même basé
sur CombineZ5, un programme tournant sur les anciennes versions
de Windows, qui n'est plus maintenu.
À l'origine CombineZP était utilisé
en micro-photographie. Le programme a aujourd’hui trouvé de nombreux
usages en macro-photographie.
CombineZP utilise 2 méthodes pour
empiler les zones de netteté dans l'image : - la transformation de Fourrier
- le codage en pyramide.(7)
Intéressons-nous à la deuxième méthode ;
nous la décrivons en détail dans le paragraphe suivant.
Le codage en pyramide d'une image
Avec une image de pleine taille, le
programme en crée une nouvelle, moitié moins large et moitié moins
haute, c'est-à-dire du quart de la taille originale. Chaque pixel de
la nouvelle image correspond donc à quatre pixels dans l'ancienne et
sa valeur est donnée par une convolution d'un filtre passe-bas de
taille 2*2 de type Gaussien. Si un détail dans l'original n’occupait
qu’un pixel il disparaît plus ou moins de la nouvelle image. Le
programme étend l'image plus petite à la dimension de la plus grande
; les deux ne sont plus les mêmes. Le programme soustrait l'image
étendue à l'image originale ; après cette soustraction, il ne reste
de l'image originale que les pixels qui comprenaient à l’origine des
détails d'un pixel. Cette opération est équivalente à une
convolution d’un filtre passe-haut Laplacien. Le résultat obtenu forme la première
couche de la pyramide.
Le programme répète ensuite le processus,
commençant cette fois à partir de l'image plus petite obtenue ci-dessus
et ne conservant, par un procédé identique, que les informations de la
taille d'un pixel de cette deuxième image : ces pixels formeront la
deuxième couche de la pyramide. Rappelez-vous que chaque pixel dans la
deuxième image correspond à quatre dans l'original ; donc le deuxième
niveau de la Pyramide contient des détails 4 fois plus grossiers que
l'image originale.
Le logiciel réitère la procédure jusqu'au
sommet de la pyramide, qui n’est constitué que d’un seul pixel de la
couleur de fond de l'image originale lorsque tous les détails, à chaque
échelle, ont été enlevés.
L'utilisation des pyramides dans l'empilement des zones de netteté
(focus stacking)
Si, au lieu d’utiliser une seule
photographie, on utilise maintenant une pile de photos (chacune
constituant un plan) :
Le programme
commence par coder en pyramide le premier plan (la première
photographie) : chaque niveau de la pyramide obtenue consiste en un
ensemble de nombres qui représentent la force du détail à chaque
emplacement dans l'image originale à la résolution du niveau de la
pyramide. Chaque couche de la pyramide stocke des informations de
l'image à une échelle différente - ou à une résolution différente.
Le programme code ensuite le deuxième plan
et compare sa pyramide avec celle du premier plan ; la valeur la plus
haute à chaque emplacement, et ainsi le point du plan avec plus de
détails, est conservé dans la pyramide finale (cette valeur la plus
haute est calculée par une moyenne pondérée ou par
l’algorithme du contraste maximum) Le processus est poursuivi
avec chaque plan dans la pile, le programme comparant les valeurs dans
la nouvelle pyramide avec celles de la pyramide accumulée. A la fin le
programme obtient une pyramide contenant tous les détails aux
différentes échelles de la pile. L'étape finale est la reconversion en
image de la pyramide accumulée.
Application à la chambre numérique du pauvre
(8)
Sur ma chambre Cambo Legende 4x5, j’ai adapté deux dos en utilisant
le boîtier d’un Canon 40D et le boîtier d’un Sony Nex 5.
Le Sony Nex ne possède pas de miroir ; il autorise de ce fait un
angle d’incidence des rayons de lumière plus important et s’avère plus
adapté pour effectuer les mouvements de bascule sur une chambre.
Une application de la règle de Scheimpflug
Cette prise de vue a été réalisée avec un objectif Schneider-
Kreuznach Betavaron ; voici les caractéristiques techniques de l’image : - Focale : 51 mm ;
- Diaphragme f/16 ; - Vitesse 1/40e sec ; - Sensibilité : 200 ISO ;
- Grandissement 1/3.
Nous avons cherché à mieux montrer les étamines de la fleur du trèfle
à quatre feuilles ; l’axe de l’appareil n’a pas été placé
perpendiculairement au plan qui contient la feuille et la fleur en même
temps. Dans ce cas, lorsque la mise au point est faite sur la feuille,
la fleur n’est pas nette, et l’inverse est aussi vrai comme le montrent
les deux photographies suivantes :
La règle de Scheimpflug a été appliquée en effectuant une bascule du
plan avant (sur l'axe vertical) pour orienter le plan de netteté sur la
feuille et la fleur.
La photographie finalement obtenue montre bien la fleur et la
feuille.
Règle de Scheimpflug et focus stacking
Pour cette prise de vue on utilise un
objectif Schneider - Kreuznach Symmar avec : - le diaphragme à f/16 ;
- la vitesse à 1/100 sec ; - la sensibilité à 200 ISO ; - un grandissement de 15/40.
La règle de Scheimpflug(9)
est appliquée en effectuant une bascule du plan avant (sur l'axe
horizontal) pour orienter le plan de netteté sur la face avant d’un chou
Romanesco placé à l’arrière-plan du sujet.
Malgré l’application de la règle de
Scheimpflug, le chou romanesco reste en dehors de la profondeur de champ
obtenue. Seule solution : une série de 10 photos est prise avec des
mises au point variant de la feuille située en avant du sujet jusqu’à la
dernière protubérance visible à l’arrière du chou comme le montre cette
vidéo ou les images suivantes :!
Les photographies obtenues sont ensuite
traités dans le logiciel CombineZP avec les commandes suivantes : a.
New pour charger les photos ; b. Aligne and Balance Used Frames pour amortir par une
correction géométrique les décalages et changements d’échelle dus aux
différentes distances de mise au point et corriger les variations
d’exposition. c. Pyramid Do Stack pour empiler les zones de netteté de toutes
les photos.
d. Save pour sauvegarder le résultat. La photo ainsi
obtenue montre nettement la feuille et le chou entier :
Conclusions
La méthode d’empilement des zones de netteté (focus stacking)
est efficace, mais à certaines conditions :
Il faut prendre soin d’éviter les différences géométriques excessives
entre les photographies prises à différentes distances de mise au point.
Selon l’objectif et le sujet, on peut choisir la méthode de mise au
point mieux adaptée en faisant varier : a. soit la distance sujet-chambre, en déplaçant la chambre montée sur un
plateau micrométrique ; b. soit la distance entre l’objectif et le dos de la chambre.
L’option Aligne and Balance Used Frames du logiciel CombineZP est capable de corriger les déformations uniquement dans
une certaine limite, en opérant par un ajustement de la taille et par un
décentrement de l’image. Or le décentrement de l’image est
particulièrement important lorsqu’on applique la règle de Scheimpflug,
dans le cas où l’axe optique ne coïncide pas avec l’axe de la chambre
qui porte le réglage de mise au point.
Lors de l’emploi de la règle de Scheimpflug il faut souligner qu’on
ne peut pas utiliser une bascule importante avec les capteurs numériques
: ils sont conçus pour une utilisation avec des rayons lumineux arrivant
perpendiculairement au capteur.
Bien entendu, on objectera que cette limitation à l'angle
d'inclinaison des rayons tombant sur le capteur ne concerne que les
appareils d'amateur dont les éléments sensibles sont munis de
micro-lentilles, alors que les dos moyen format professionnels ne
sont pas concernés ; mais ici nous nous adressons justement à ceux
qui veulent utiliser leur appareil d'amateur avec des mouvements, et
pour qui les dos professionnels sont inaccessibles ! Il se trouve
que la macro-photo au voisinage du rapport 1:1 est un cas où, même
avec un petit capteur, les angles de bascule de Scheimpflug peuvent
être grands, au contraire des prises de vue à grande distance où
l'angle de bascule est d'autant plus petit que le format est petit.
Il conviendra donc de vérifier sur ses images l'apparition d'un
éventuel vignettage, signe d'une inclinaison trop forte entre les
rayons lumineux formant l'image et la perpendiculaire au plan du
capteur (9).
L'auteur est reconnaissant à Jean Loodts, Henri Peyre, Emmanuel
Bigler pour leur relecture et leurs remarques précieuses et à Alan
Hadley pour le logiciel CombineZP.
Pour savoir plus
Profondeur de champ
1. La profondeur de champ en macrophoto et en photo rapprochée, lolororo :
http://www.parlonsphoto.com/ftopic82571-profondeur-de-champ-en-macro-et-en-photo-rapprochee.html
2. Emmanuel Bigler :
www.galerie-photo.com/decentrement-bascules-scheimpflug-petit-moyen-format.html
Autres logiciels d'empilement des zones
de netteté
1. Helicon :
http://www.heliconsoft.com/heliconfocus.html
2. PhotoAcute : http://www.photoacute.com/
Notes
(1)
Cercle de confusion sur Wikipedia
(2)
La diffraction : s’en soucier ou pas ? par Jean-Marie SOLICHON, sur
galerie-photo (3)
Décentrements,
bascules et règle de Scheimpflug en petits et moyens formats, par
Emmanuel BIGLER, sur galerie-photo
(4) Emmanuel Bigler, dans l'article
Décentrement, bascules et règle de Scheimpflug en petits et moyens
formats, donne cette
formule qui induit une distribution symétrique de profondeur de
champ quand on se rapproche du rapport 1:1. La phrase suivante est
donc parfaite à bascule nulle :
« À une distance de mise au point donnée la zone de netteté s'étend,
en macrophotographie, moitié devant et moitié derrière le plan de
netteté.»
C'est la traduction de l'équation
13 ci-dessus, lorsqu'on est au voisinage du rapport 1:1.
Lorsqu'on est en macro avec une bascule non nulle, la zone de
netteté totale, qui prend une forme de coin, doit rester symétrique
de part et d'autre du plan objet mais cela reste à confirmer.
(5)
Profondeur de Champ et règle de Scheimpflug : une approche simple,
Emmanuel BIGLER sur galerie-photo (6)
Focus stacking sur Wikipedia
(7)
Pyramid methods in image processing, Adelson et al, RCA Engineer, 29-6,
Nov/Dec 1984 (8)
La chambre numérique du pauvre, par Phú Thiện Nguyễn, sur
galerie-photo
(9) Voir
l'article
www.galerie-photo.com/decentrement-bascules-scheimpflug-petit-moyen-format.html
en particulier la figure 8 à grande distance, où les angles sont
très petits, et la figure 10 au voisinage du rapport 1:1, où on peut
avoir un angle très grand, par exemple 45° entre le plan du
détecteur et le plan de l'objectif, quelle que soit sa focale !! |