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l'auteur

Henri Peyre
Né en 1959
photographe
Beaux-Arts de Paris en peinture
webmaster de galerie-photo
ancien professeur de photographie
à l'Ecole des Beaux-Arts
de Nîmes

www.photographie-peinture.com
organise des stages photo
www.stage-photo.info


 

 

Le plan-film 4x5
Un capteur plein d'avantages

 

par Henri Peyre

 

Cet article s'adresse plus aux nouveaux venus qu'aux anciens de galerie-photo qui connaissent déjà tous les avantages de la chambre et du plan-film. Il rappelle l'intérêt de la combinaison chambre 4x5 + plan film en particulier face aux dos numériques pour une utilisation artistique ou d'amateur. Il ne reflète évidemment que la position de son auteur (n'hésitez-pas à nous donner la vôtre).

 

Le plan-film utilisé comme un capteur
donnant un fichier Raw

J'ai toujours eu l'habitude de retraiter mes images. Au contraire de nombreux photographes de ma génération, j'ai toujours été plus à l'aise en numérique qu'en argentique. Je ne suis pas bricoleur et le laboratoire ne me convient pas, si bien que l'arrivée du numérique a été pour moi une bénédiction.

Voilà par exemple le genre de traitement intéressant que permet le numérique sur une prise de vue argentique... quand l'argentique n'était qu'argentique on ne pouvait pas faire ce que je vous montre ici :

 

 

Ci-dessus, placé sur le scanner, un plan-film 4x5. Ce bureau n'était pas éclairé avec une température de couleur susceptible de convenir à mon plan-film Velvia 50 Asa. Autrefois j'aurais été vraiment cuit. Je n'aurais pas pu exploiter cette prise de vue. J'aurais dû, à la prise de vue, mesurer la température de couleur et équiper l'objectif de filtres bien choisis, perdant au passage d'ailleurs un peu de netteté dans l'image.

Aujourd'hui, je peux me contenter de cette image revenue verdâtre du développement en laboratoire, et m'en servir à peu près comme d'un fichier Raw.

Après le lancement du scanner, et sélection de la vue, je vais travailler l'histogramme de l'image dans les couches R, V et B successivement, jusqu'au rééquilibrage complet de la couleur
(on trouvera plus d'information ici)

 

 

Voilà le résultat du traitement par l'histogramme avant que je ne lance l'acquisition.

 

 

Ne croyez tout de même pas qu'on retrouve ainsi intégralement les couleurs justes du sujet. Le type de lumière au néon présente des lacunes dans le spectre de la lumière blanche si bien que certaines parties colorées du sujet, forcément, ne seront pas rendues. Ici ce n'est pas très grave, le propos est artistique, et on mesure la photographie à l'aune de l'effet qu'elle doit produire. Mais il m'est arrivé dans le cas de rendus de meubles par exemple, de doubler une prise de vue sur de la Provia dans une lumière difficile par quelques photographies faites avec un reflex numérique qui me permettaient d'être sûr que le rendu d'un panneau peint correspondait au réel. Je pourrais dire que mes photos en argentique marchent à 98%. Avec des lampes type néon lumière du jour j'ai observé des problèmes de rendu sur des verts un peu fluo qui devenaient des bleus un peu pâles. A ce moment je réalise dans Photoshop la réintroduction du vert fluo.

 

On voit ci-dessous la photographie terminée. La photographie a été redressée et la finalisation des couleurs a été effectuée dans Photoshop. J'ai choisi une interprétation moins "clinique" que dans le scan, en tâchant de rendre le mélange très subtil de la coloration rose tombant de l'ouverture au plafond et du gris neutre de la pièce. Je voulais aussi que la photographie soit le plus possible un portrait de la table, que toute l'attention et le mystère se concentre sur elle.

 

 

   

Un appareil particulièrement doué pour exprimer une esthétique des limites

On sait que je m'intéresse au jeu des charnières, à la façon dont deux logiques sont mises en contact. Pour moi une œuvre d'art parle de cela. Dans l'image ci-dessous j'ai essayé de faire un portrait de limite. La limite en question est simplement cette cloison qui sépare un couloir d'entreprise de l'intérieur d'un openspace. J'ai voulu que l'openspace soit flou. De la même façon, très rapidement à droite, le couloir s'efface dans le flou. Par contre la cloison est parfaitement nette.

Evidemment les habitués de Galerie-photo auront reconnu un travail de chambre très classique, peut-être un rien jusqu'au boutiste : sur cette vue je n'ai pas modifié la position de mon plan avant, muni d'un Rodenstock 150mm. Son cercle d'image est assez médiocre et je ne voulais pas me mettre en danger. Je me suis contenté de réaliser un Scheimpflug assez violent sur le plan arrière, qui a donc porté un côté du plan-film très loin de l'objectif. On sait que l'éclairement diminue à partir de l'objectif à raison du carré de la distance qui sépare le plan-film de l'objectif : ce sont les raisons de l'assombrissement de la gauche de l'image.

Sans chambre je n'aurais pas pu faire image comme celle-ci. Il me fallait également un grand dépoli pour mesurer parfaitement le résultat de mon image et tirer juste. En fait le résultat obtenu est exactement ce que j'avais espéré.

 

 


On voit sur ce schéma le Scheimpflug qui assure la netteté de l'ensemble du mur :
plan avant, plan arrière et surface du mur sont disposés pour se rencontrer en une ligne charnière ;
Cette disposition fait que la mise au point sur le mur rend l'ensemble des points du mur nets.

Une remarque : on voit bien qu'un côté du plan arrière est nettement reculé par rapport au plan avant.
C'est lui qui sera plus sombre sur la photographie (sur la photographie présentée, l'avant du mur)
 

     

L'amour du grand dépoli

On vient de voir qu'il est des situations où la précision de ce qu'on voit dans le viseur revêt une très grande importance. Dans de nombreux cas on veut pouvoir contrôler exactement les effets de netteté, les calculer au plus juste, travailler en fait sur le flou.

Je concède en ce qui me concerne un véritable amour du dépoli. Sur ma Sinar Norma j'ai la visée redressée. Je peux y fourrer mon visage et me noyer dans le sujet, retrouver ce que je veux voir dans une pièce noire, faire surgir le sujet de l'ombre, comme une image de cinéma. Cela me plaît infiniment. J'adore cette prise de vue à grand spectacle et je maudis les capteurs qui nous obligent à travailler dans des espaces rapetissés (quand j'étais petit j'habitais en HLM, tout était petit et m'étouffait et je n'ai pas envie d'y revenir). Le problème d'un dos numérique au niveau du viseur, c'est de payer le prix d'un château pour travailler dans une HLM. Les capteurs ne présentent pas une surface suffisamment importante pour que la prévisualisation du résultat sur dépoli puisse être satisfaisante.

 


Ce genre de viseur transforme la vision du dépoli :
bienvenue au cinéma ! L'image est redressée haut-bas,
mais pas droite-gauche. Le travail de netteté est facilité
dans le cas d'une photographie utilisant les mouvements.
La fabrication de la photographie devient très rigoureuse...
et émouvante !

La résolution extraordinaire

Pour peu qu'on ait un objectif moderne, et il faut insister sur ce point, les images obtenues sont de grande qualité.

Pour ma part, quand je travaille en 4x5" avec un scanner assez médiocre dans les basses lumières comme l'Epson 4990 qui fait du bruit dans les ombres, je me limite à un fichier de sortie de 47x 60 cm en 300 points par pouce.

Quelques petites images détaillant des zones de la photographie réalisée donne une idée de la qualité du résultat.

 

 

   

 

 

     

En dépit de la charge que cela va représenter pour le serveur je mets également à disposition le fichier en 47x60 cm en téléchargement.
Attention, il pèse 40 mo (mieux vaut le télécharger en matinée, cela soulagera la communauté galerie-photo !). Je fais cela pour ceux d'entre vous qui n'ont pas d'idée de ce que donne une image faite à la chambre et qui sont encore très contents de ce que leur donne leur reflex numérique. Un peu de doute ne nuit pas.

Télécharger l'image en taille réelle.

Pour profiter au mieux de cette image dans Photoshop :
- affichez-la à sa taille d'impression. Zoomez 4 fois avec l'outil loupe et promenez-vous dedans. Vous voyez à présent le potentiel de cette photographie au niveau où on a voulu la travailler.

Je pense qu'on ne peut pas aller plus loin sur un plan-film 4x5 avec un scanner Epson 4990. Avec un autre genre de scanner, un Imacon par exemple, on pourrait tout à fait aller chercher une image d'une dizaine de centimètres de plus de petit côté. Au-delà je pense qu'on capte plutôt un peu de bruit et plus beaucoup d'information supplémentaire. L'Imacon amènerait évidemment aussi des couleurs plus vives et plus propres et des ombres moins bruitées, disposant d'une meilleure conception électronique.

Terminons ce point en évoquant le fait qu'une impression couleur en 240ppp, encore très belle, permet d'obtenir avec la combinaison chambre + plan-film + scanner Epson 4990 des images de 59 x 75 cm avec une très grande facilité.

Le prix d'achat du matériel est peu élevé
par rapport aux appareils qui permettent
une définition comparable en numérique

C'est le moment de comparer le prix de revient d'une telle chaîne avec un équivalent numérique. Les chambres 4x5 sont nombreuses en occasion. Même si on achète un objectif et un scanner neuf, on arrive à un ordre de budget qui est autour des 3000€ maximum. A ce prix là on a un bon reflex numérique qui est très loin de fournir des images de cette taille. En réalité le challenger du plan-film est directement le dos numérique, qui présente des avantages (couleurs plus propres par exemple) mais des inconvénients importants (visée très médiocre et coût extravagant si on n'a que quelques photographies à réaliser en haute qualité). Du point de vue de la résolution de l'image, avantage reste au plan film 4x5 si on le compare aux petits dos numérique (22mp). Pour dépasser la qualité d'un budget de 3000€ avec une chambre et des plan-films, il faut probablement envisager un investissement de facteur x4 au moins avec des dos plus performants que 22mpx et des optiques numérique de course... c'est dire qu'il y a encore de la marge.

Pour ma part, dans le cadre d'une pratique artistique, je ne me vois pas travailler avec un matériel qui vaut le prix d'une voiture (ou plus) dans un certain nombre de situations où je serai en vue de gens aux conditions extrêmement modestes. Je pense profondément que cela détériorerait irrémédiablement la relation que je pourrais avoir avec eux. Je ne me projette pas dans l'idée que je suis un entomologiste qui étudie des fourmis. Si on me pique ma vieille chambre, je serai embêté mais j'arriverai à m'en racheter une autre. Si on me pique un appareil à 20000 € je ne vois pas bien comment je ferai pour me le racheter (soyons franc : en réalité je ne vois pas très bien déjà comment l'acheter).

Si j'avais un appareil aussi cher, je ferai des photos avec moins de plaisir et avec beaucoup plus d'inquiétude, ou je ne sortirais plus de mon studio à la porte blindée...

L'autonomie et la solidité

J'adore en outre l'idée d'échapper au tout-électrique, à la fragilité de l'électronique. J'aime cette idée d'une chimie quasi inerte mais toujours prête, de ces plan-films conservés des années au congélateur qui se "remettent en route" sans que j'ai rien d'autre à faire qu'à les placer dans le plan-image, dans un châssis !

Cette sorte de solidité mécanique des matériaux me va bien. Le côté sophistiqué, danseuse de luxe, fragile mais futé de mon reflex numérique me va bien aussi. Mais une chambre c'est autre chose. C'est une envie lente de faire de la grande photo qui monte doucement et qui ne doit pas se banaliser. On ne la sort pas tous les jours (à quoi bon faire tous les 4 matins des clichés d'un mètre de côté). Aussi il me faut un appareil rustique et solide. Une sorte d'engin inerte mais toujours prêt. Un appareil autonome.

On retrouve cette idée d'autonomie et de solidité dans le plan-film développé. Compact, inerte et de stockage simple, il permet à l'amateur qui n'a pas des centaines de fichiers à conserver de disposer d'un stockage plus simple et de consultation plus évidente que le stockage informatique, qui engage tout un système coûteux à maintenir dans le temps et au total assez fragile.

L'idée qu'on échappe à la mode, à la course aux pixels

Tout cela amène donc à l'idée qu'on fait un choix raisonnable en travaillant avec une chambre 4X5 et le plan-film.

Mieux, en ces temps de course effrénée à la consommation, au toujours plus, on a aussi le sentiment bien agréable d'opposer une résistance intelligente à des vendeurs bien prompts à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

L'idée qu'on shoote en qualité totale

La photographie au plan-film correspond à une philosophie maintes fois évoquée sur galerie-photo : celle du "peu mais bien".

Une des raisons profondes est évidemment que le plan-film coûte cher. Il faut bien penser que griller un plan-film 4x5 coûte environ 10€ développement compris. A ce prix là on réfléchit, et si on réfléchit on fait des progrès.

On sait que l'image sera belle, alors on la compose, on soigne ses détails, on a envie de mettre du temps dans sa confection, plus de responsabilité en amont. Tout cela est très motivant pour le travail sur les images.

Le bémol du dépétouillage

Le seul bémol que je vois à mettre à cet hymne au plan-film comme capteur est celui du "dépétouillage". L'étape du scanner génère en effet de nombreuses poussières et oblige à une étape de "tampon" dans Photoshop qui n'amène rien à celui qui est condamné à se la farcir. On est dans une perte de temps pure et simple. L'amateur qui sera obligé de la subir serrera les dents et pensera aux résultats qu'il obtiendra à moindre frais en dépassant largement la qualité des images de professionnels obligés pour survivre de réaliser des photographies à la chaîne au reflex numérique.

Le professionnel dans une logique du rendement ne peut évidemment pas supporter cette étape qui est une des principales justifications du passage à un dos numérique (l'obligation de rendement et le contrôle instantané de l'image faite étant les deux autres).

Ceux qui auront téléchargé la photographie ci-dessus et l'auront ouverte dans Photoshop à la taille d'impression puis auront cliqué 4 fois sur la loupe ne verront pas de poussières. Au-delà, en cliquant une fois de plus, ils en verront apparaître. J'ai arrêté le combat sans aller jusqu'au bout : à quoi servirait un "dépétouillage" qui ne se verrait pas à l'impression ; il faut toujours travailler en fonction du résultat qu'on veut obtenir... et la besogne est pénible. Je me suis donc arrêté dès que possible !

Conclusion

Les avantages de la chambre argentique restent nombreux pour l'amateur épris de qualité :
- Il peut utiliser le plan-film comme un capteur d'exception.
- La chambre, grâce aux mouvements, semble être un appareil particulièrement doué pour exprimer une esthétique des limites.
- Son grand dépoli donne à l'utilisateur non seulement un contrôle exceptionnel sur le cadrage mais une jouissance digne des plus grandes émotions cinématographiques.
- Le format permet des images au niveau de ce que produisent les dos numériques.
- Le prix d'achat du matériel est peu élevé par rapport aux appareils qui permettent une définition comparable en numérique.
- L'autonomie et la solidité du système correspondent bien à l'utilisation discontinue de l'amateur.
- L'idée qu'on échappe à la mode, à la course aux pixels est une satisfaction pour l'intelligence.
- Le prix de chaque cliché amène à se poser plus rapidement qu'en pur numérique la question de la qualité de l'image, et de ce qu'on veut réellement dire.
Au bémol du dépétouillage près, dont je ne vois pas qu'on puisse tirer un argument favorable à la pratique de qui que ce soit, la chambre est probablement aujourd'hui l'instrument photographique qui présente le meilleur rapport qualité / prix / résultat pour un amateur qui voudrait faire de meilleures images que les professionnels.
 

 

 

     

 

dernière modification de cet article : 2008

 

     

 

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