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l'auteur
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Deux paysages à la chambre 20x25par Pierre Hébert
Dans le courant de l'année 2005, j'ai pris la décision de m'équiper en format 20x25. À cause d'internet. C'est par le web que j'ai redécouvert une histoire de la photographie contemporaine sensiblement différente de celle qui m'avait été enseignée. Notamment la photographie américaine. J'en étais resté à Edward Weston et Ansel Adams, Walker Evans et Robert Franck. Des classiques merveilleux. Puis le brouillard, vaguement peuplé des Français qui avaient voyagé : Cartier-Bresson, Sieff, Plossu... Je ne schématise pas tant que ça. J'ai découvert plus tard par les livres les photographies de Richard Avedon et d'Irving Penn (j'apprends ce matin qu'il vient de décéder. Paix à ton âme, Irving Penn). Je cite dans le désordre les plus grands chocs visuels que j'ai reçus par l'intermédiaire de l'écran du Mac : Robert Adams, Stephen Shore, Joel Sternfeld, Richard Misrach, Joel Meyerowitz, Jem Southam, William Eggleston, ou encore John Davies dont j'ai déjà parlé ici. Toute une tradition du paysage, essentiellement américaine, bien vivante. Et souvent prescriptive du grand format. J'ai beaucoup travaillé - et encore aujourd'hui ! - en 24x36 et en 6x6, un peu en 6x9 et à la chambre 4x5. Je reconnais volontiers qu'il y a une tentation inflationniste. Il est d'autant plus difficile de résister lorsqu'on découvre certains sites de ventes aux enchères... Alors, j'ai acheté une Cambo Monorail 20x25, un Schneider Apo-Symmar 300mm, un trépied Berlebach, quelques châssis et même des boîtes de film (Fuji Astia) à peine périmées (mais toujours conservées au froid disait l'annonce) pour un prix raisonnable. J'ai rapidement fait modifier le corps de la chambre qui est intransportable, par un ami ébéniste, de sorte que me voilà par une journée froide de février 2006, sur le parking de la station-service des Estables, avec une sorte de grosse folding dans le coffre de la voiture.
J'ai négocié une heure de liberté pendant que ma fille prend un cours de ski et j'ai roulé vingt minutes en cherchant quelque chose qui attire mon regard. Les congères rendent le stationnement difficile, et je ne vois rien maintenant que je devrais : un classique. Je retourne finalement me garer à la même place et je me rends compte que le ciel se couvre. Une lumière magnifique mais fugace. Vite, je sors le trépied, la chambre, il faut déclencher avant que le soleil ne disparaisse. Un peu de décentrement, une légère bascule. Réglage de la vitesse et du diaph, fermer l'obtu, armer, châssis en place, clic-clac, refermer le châssis côté noir... Il fait –10°C et je suis en sueur. Mais je crois que je n'ai rien oublié.
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Alors j'entends une voix dans mon dos,
une voix à la Saint-Exupery. Sa station.
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Je n'ai toujours pas de compte sur FaceBook, mais depuis que je travaille à la 20x25, je me vante d'avoir plein de nouveaux amis. Et au fond c'est cela qui justifie les efforts demandés : je n'ai pas besoin d'un format aussi grand, je n'agrandis guère mes images. Une chambre 4x5 ferait bien l'affaire, voire un 6x7... Mais ce gros objet un peu idiot est le seul de tous ceux que j'ai utilisés qui amène ce rapport au réel et aux autres absolument dénué de toute agressivité. Je plante mon trépied n'importe où et les hommes viennent me voir. Dans ces deux photographies, aucune prétention au paysage social, aucune part d'un grand dessein exploratoire de l'univers. Juste le plaisir de ce rapport paradoxalement léger au monde, celui des honnêtes hommes, honnêtes de savoir que rien ne peut être volé...
Pierre Hébert
dernière modification de cet article : 2009
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