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Nicolas Moulin
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Pourquoi ce travail à l'époque ? Je pense que l'époque n'a pas grand chose à voir, finalement, avec ce travail, outre une opportunité d'outils comme Photoshop. C'est tombé à ce moment-là, car cette technologie rendait possible d'accéder à l'illusion photographique du réel. Cela me fascinait : cette intrusion K.Dickienne(3) dans la réalité, où l'illusion se mettait soudainement à entrer par effraction dans le réel, créant soudain une ouverture béante vers un au-delà (un en-deçà ?). Il y avait soudain la possibilité d'incarner de façon hyperréaliste, presque démiurgique, des visions qui n'étaient possibles auparavant qu'en ayant recours à un système de super-production. Mais là, on pouvait désormais le faire de façon très simple, et c'était vertigineux.
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A posteriori, je crois que cette pièce est un travail de peintre. Une quête hyperréaliste. Pour ce qui est du sujet, au-delà de l'outil, Viderparis avait beaucoup de lien avec une forme de romantisme (au sens allemand du terme). Présenter et produire un vertige où se mêlent fascination et effroi, sous un ciel bleu impeccable. Une vision archéologique de la fin de l'humanité, qui n'a pas attendu le coronavirus pour faire surface. Je voulais qu'émane de ce travail un calme métaphysique, comme un soulagement, un soupir, un repos, et ce paradoxe me fascinait.
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l'auteur
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On pourrait dire qu'avec le Coronavirus la réalité rattrape la fiction. Quel effet cela fait-il de voir la réalité rejoindre un travail personnel fictionnel ? Ce qui est étrange avec ce travail, c'est qu'à chaque fois que nous traversons une période de crise, beaucoup de gens citent Viderparis. Lors des manifestations des Gilets Jaunes en 2018, alors que les commerçants muraient leurs magasins, il a été souvent fait référence à ce travail, en particulier sur les réseaux sociaux. Cela a commencé lorsque j'ai montré cette pièce pour la première fois à la Galerie Chez Valentin, en octobre 2001, juste après le 11 septembre, puis c'est régulièrement revenu à chaque épisode anxiogène (crise de 2008, etc). Puis il y a eu l'insurrection des Gilets Jaunes, et maintenant la pandémie. En fait, la question ne se pose pas là. La question se pose à mon avis en ces termes : Jusqu'à quel point notre civilisation, qui a intégré sa propre disparition et son propre effondrement depuis qu'elle a compris qu'elle était en sursis, éprouve-t-elle ce mélange de fascination et d'effroi face à l'idée de sa propre mort ? (ce qui est le vrai sujet de Viderparis). Bien évidement, Viderparis fonctionne chez les Parisiens, un point de vue domestique. Je ne suis pas sûr que ce travail aurait le même impact à Dakar ou Seoul, par exemple. On reste sur quelque-chose de très local finalement.
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Dans votre travail, les rez-de-chaussée apparaissent murés : c'est une facilité de traitement d'image ou il y a une volonté de montrer quelque décision autoritaire de fermeture ? Cette façon de représenter la ville désertée devait éviter au maximum une vision « narrative ». Il s'agissait d'établir les bases d'un monde fictionnel en évitant de raconter une histoire inutile. Mieux valait laisser planer quelque-chose d'énigmatique. Des lors, j'ai décidé de traiter les espaces sans états d'âme. Je me suis dit que murer chaque immeuble jusqu'au second était « crédible » dans la logique d'une planification urbaine entreprise par des compagnies de BTP. Simple, efficace, et radical. Plus personne dehors, l'ordre orwellien assuré, et l'état policier à son apogée. Propre, totalitaire, économique, associable et vitrifié. Capitaliste. Funéraire.
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La représentation architecturale est quelque-chose d'important pour vous ? Absolument. L'essentiel de mon travail repose sur cette « représentation architecturale ». Viderparis n'est finalement qu'un travail parmi d'autres. Avant ce travail, j'ai réalisé une série intitulée « Novomond »(4) qui cherchait à prendre par revers le design de l'architecture : Je plaquais mon appareil sur des façades d'immeubles, en transformant les plans verticaux en plan horizontaux. Cela donnait des paysages aux échelles distordues, avec une atmosphère de science-fiction, accentuée par le fait que j'utilisais alors des films argentiques au tungstène (lumière artificielle) en plein jour. Très glacial. Polaire. Après 2001, je suis parti vivre en Allemagne, à Berlin (d'où je ne suis rentré que très récemment), et j'ai pendant plusieurs années abordé les utopies communistes à travers l'architecture brutaliste, et les vestiges que ce « quatrième âge » a laissés dans le paysage : éléphants blancs, rêves déchus et inachevés, tristes et splendides, douloureux et glauques... encore une fois : fascinants et effrayants. J'ai beaucoup voyagé de ce côté du monde, à l'est, en Corée du Nord, aussi, pour pouvoir comprendre et notifier les vestiges de ces mondes effondr��������������������������������s...ou zombies (pour la Corée du nord !) Une large part de mon travail se consacre à une observation, une réflexion autour des idéaux qu'ont pu projeter des projets de société, pour le meilleur et pour le pire. Les monuments soviétiques ont pour cela une place particulière dans mes centres d'intérêt.
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Quel rapport entretenez-vous avec la peinture ? Je dois avouer, que malgré le fait que je sois classé dans la catégorie « art contemporain » rien n'égalera jamais pour moi le « flash » produit par la contemplation d'un Walter Leistikow ou d'une toile d’Arnold Böcklin (pour ne citer qu'eux). La peinture est un art qui dépasse la posture ou, sinon, ne peut pas exister. Le post-moderniste a érigé la posture comme forme d'art. Normal, le libéralisme avait besoin de ce carburant culturel. Très bien. Bon. Tout s'écroule. Que reste-t-il ? Si mes calculs sont bons : la peinture. Il y a quelque temps, las de devoir passer par des interfaces, j'ai repris des crayons. J'ai entamé une série de 25 dessins d'astéroïdes (17 sont achevés à cette heure)(5) d'après des documents de la NASA. Mine de plomb 9B. Gomme, etc. Du dessin de « base » comme on dit. 100X70. L'ombre du béant de l'espace. La lumière crue du soleil. Le relief provoqué par le conflit des deux. Le vide. La mort. La quête de la beauté, la vraie : celle qui fait peur.
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Notes(1) Metafort
d'Aubervilliers, structure montée dans les années 90
pour donner accès au plus grand nombre aux outils
informatiques, cela incluait également des projets
artistiques: (2)
Synesthesie : (aujourd'hui devenu Transverses):
(4) Novomond, série de Nicolas Moulin, un exemple :
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(5) SérieAlbedo, par Nicolas Moulin : |
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dernière modification de cet article : 2020
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