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 l'auteur

Annick Maroussy Née en 1959 à Paris
Formation : Maîtrise photo, 1993
Photographe : illustration jardins
Editée aux Editions Ouest-France
thématique jardins
Outre le « zone plate »
pratique la photographie au sténopé
réalise des transferts de polaroid
macro photo argentique et numérique
Enseigne :
- reportage photo à la Mairie de Paris
Ecla de Saint-Cloud,
- sémiologie de l’image
à l’Institut des Médias, à Paris

www.annick-maroussy.com
 annick.maroussy@wanadoo.fr

 

 

Le Zone-Plate :
à propos d'une image 
d'Annick Maroussy

Annick, vous utilisez énormément le procédé zone plate.
Pouvez-vous nous expliquer ce procédé ?

Oui, commençons peut-être par une petite définition, on peut traduire « zone plate » par réseau zoné[i]. C’est un système composé de lamelles à anneaux de Fresnel ; en fait ce sont des cercles entourés de cercles, que l’on fixe à l’intérieur d’une chambre noire à la place de l’objectif.

Là, on entre dans l’univers de la photographie sans optique ! L’alternance des zones concentriques noires et blanches est scientifiquement calculée, dessinée puis enregistrée sur du film au trait. Tout part du centre, le diamètre total varie peu, de l’ordre de 1 ou 2 mm tout au plus et permet le passage de la lumière à travers cette sorte de cible. L’image se forme au fond de la boîte en une diffraction des rayons lumineux provoquée par l’effet de courbure de ces zones. L’espacement, le diamètre et le nombre de zones déterminent la focale. Les objets représentés sont comme entourés d’un halo sensible, très spécifique, le rendu des images est diffus, assez doux, très singulier et unique. Faire une photographie avec un réseau zoné, c’est donc produire une image prise à travers une autre image.

Pour mémoire [ii]

1871 - le physicien anglais Strutt Rayleigh (1842-1949) est le premier à construire un « zone plate »
1934 – le physicien Robert Wood utilise des « zone plates » pour photographier des paysages
1979 – Kenneth A. Connors publie ses recherches dans Interest, Pinhole Photography. VI : Studies on Zone Plates having One or Two Clear Zones, puis dans Pinhole Journal, “zone Plate Photography” (1988, vol 4, no.1.)

« Zone plate » dessiné sur du papier (ici, agrandi 5 fois)
Diamètre total réel = 2mm

« Zone plate » reproduit sur du film au trait
(c’est celui-ci que l’on place sur la partie frontale de la chambre noire)

En opacifiant les demi ondes définies par Augustin Fresnel, les zones adjacentes, c'est-à-dire les cercles blancs, gérèrent un trouble optique (A. Connors) en créant des interférences constructives sur le rendu imagé.

 

Sans être scientifique, vous pourriez fabriquer vous-même un « zone plate », il faudrait alors tenir compte des différentes longueurs d’ondes de la lumière et appliquer des équations mathématiques pour déterminer les diamètres réels de chaque zone d’ouverture ; pour de plus amples précisions je vous conseille l’ouvrage d’Eric Renner, Pinhole Photography, Focal Press, 2000 et  La Saga des Sténopés, de John Evans aux Editions Eyrolles, 2004, où les méthodes de calcul sont très bien explicitées.

Pour ma part, je travaille en 4x5 inches, avec une focale de 75mm, le « zone plate » possède 33 cercles ; on peut noter que plus le nombre de cercles est élevé, plus l’effet de diffusion est accentué, plus l’image est lumineuse ; le diaphragme est fixé à f/44,7. J’utilise généralement deux sortes de films, Scala pour le N&B et Provia pour la couleur.

 

Chapeau d’oignons© Annick Maroussy - 2003
procédé de prise de vue : zone plate (photographie sans optique) procédé de tirage : papier photo / finition encapsulage / fixation par suspension – ou tirage sur bois ou sur toile format image : 80 x 100 cm nombre d'exemplaires : 15

L’image « Chapeau d’oignons » a nécessité une vingtaine de secondes de pose. Dans la cabane du jardinier, les outils étaient au repos, en place, bien rangés ; oignons, chapeau et panier baignaient dans la lumière dorée du couchant, telle une récompense offerte au jardinier en échange de son labeur. J’ai juste positionné ma chambre noire frontalement bien à l’abri du vent, fait une mesure cellule sur le gris moyen, ouvert l’obturateur manuellement et retenu ma respiration pendant 20 secondes.

En dehors des conditions de vent et de pluie où il est impossible d’opérer efficacement, la photographie au « zone plate » est relativement facile à mettre en œuvre, il faut juste être patient et apprendre à maîtriser le temps qui s’évapore tout au fond de la boîte noire. Ce procédé appartient au domaine du sensible ; à la différence du sténopé (petit trou), pour lequel on est toujours surpris par la netteté de l’image, le réseau zoné procure un rendu vaporeux de type onirique ; en cela il développe sa propre esthétique. C’est un espace de création pure pour le photographe contemporain.

 

Comment en êtes-vous arrivée à ce procédé ?

On commence généralement par explorer les avantages et les inconvénients du sténopé avant de s’engager vers le « zone plate » ; ce fut le cas pour moi ; grâce à un ami photographe qui vendait son matériel, j’ai redécouvert en premier lieu le sténopé ; puis, le « zone plate » s’est imposé de lui-même. Depuis quelques années maintenant la petite boîte en bois de chez Zero image ne quitte plus mon sac photo, que ce soit en commande professionnelle, pour les livres ou pour mon travail d’auteur. Du reste les images sur Belle-Île et Ouessant sont issues d’une commande professionnelle de la part des Editions Ouest-France, que je remercie vivement ; une exposition est en préparation.

 

Est-ce que l'utilisation d'un tel procédé finit par transformer votre façon de voir la photographie ?

Non, chaque technique de prise de vue génère une esthétique, un cadre, un rendu particuliers. Il s’agit à chaque fois d’un concept à mettre en œuvre ; comme un rituel, le rituel de la camera obscura  munie d’un « zone plate » n’est pas identique à celui de la prise d’images avec un reflex, qu’il soit argentique ou numérique. J’adapte mes images au procédé engagé, et surtout à la destination du support de réception. Ainsi, j’ai choisi l’atelier Fresson et sa technique au charbon pour les images de la série « Littoral » et celle de « Paris », images qui sont toutes des pièces uniques, comme le souligne Jean-françois Fresson. Quant aux images de la série « Au Jardin », le choix s’est porté sur du papier photo couleur, elles sont tirées généralement en grand format (80x100cm) par un laboratoire professionnel.

Pour un grand nombre de gens la photographie c'est avant tout la résolution et la netteté documentaire. La photographie s'est d'ailleurs imposée en art par son aspect document. Avez-vous le sentiment qu'on peut être malgré tout compris, aujourd'hui, en utilisant un procédé basé sur le flou ?

Procédé basé sur le flou ! Le mot flou ne me paraît pas adapté. Plutôt, j’explore volontiers et passionnément le trouble optique défini par Kenneth A. Connors dans son article déjà cité précédemment. Et, quand il s’agit d’art, souvenons-nous de Gauguin, Monet et de tous les impressionnistes « incompris » ; ou encore, rappelons-nous les nombreux débats et attaques dirigés contre le premier mouvement artistique de l’histoire de la photographie : « le Pictorialisme ». Alors, ne soyons pas trop défaitistes, l’essentiel c’est de faire, de produire et d’avancer dans sa démarche artistique.

Au travail donc !
 

Notes

[i] Traduit de l’anglais par Ingrid Pigueron (traductrice)

[ii] In Pinhole Photography, Eric Renner, Focal Press, 2000.

 

 

Remerciements à Christophe FROT

 

 

dernière modification de cet article : 2006

 

 

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