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l'auteur
"L’espace d’un été, je suis devenu photographe voyageur et cycliste,
à la rencontre de ce que j’appelle la « France par le milieu », celle
qu’on ne voit jamais sur les magazines, ou à la télé, loin des cartes
postales et des clichés. Mon périple à bicyclette m’a mené de Dunkerque
jusqu’au col de Pal à la frontière espagnole, le long de cette ligne
imaginaire qu’est le méridien de Paris, devenu en l’an 2000, méridienne
verte. Je suis ainsi parti en quête de paysages anodins et de
rencontres, associant texte et photographies sous forme d'un constat.
J’ai voulu mes photographies simples, sans recherche esthétique
particulière, privilégiant la vérité de l’instant et des rencontres."
(lire la suite de la présentation)
Ces images sont extraites d'un travail comprenant plus de 200
photographies issues de ce voyage.
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Merci à Georges Laloire
pour sa relecture attentive
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Jean-Michel LELIGNY : 2°20' -
Journal (semaine 1) - 7 jours, Dunkerque-Paris
Jean-Michel Leligny
Lundi 25 juillet, Dunkerque - 2°20’41, 51°03’38, Alt 4m.
Jean-Louis et ses filles jumelles, Maëva et Savana, sont venus de
Provins passer quelques jours de vacances au bord de la mer. Leur
maman, malade, est restée dans leur camping-car. Les maîtres-nageurs
sont au chaud dans le conteneur dont on aperçoit un bout à droite.
Ils surveillent la plage déserte.
Mardi 26 juillet, Dunkerque - 2°20’10, 51°03’04, Alt 3m
A quelques centaines de mètres de la plage, la méridienne passe au
milieu d’une raffinerie. Mais la route me menant au départ de la
méridienne est barrée par un poste de sécurité. L’accès au port est
soumis au code ISPS et interdit au quidam que je suis. Les vigiles
me prennent pour un touriste égaré, mais m’autorisent l’accès à leur
téléphone. Le commandant de la capitainerie acceptera de me faire
accompagner à condition que je ne fasse qu’une seule photo !
Mercredi 27 juillet, Broxeele - 2°19’07, 50°49’94, Alt 25m
J’ai rencontré Raymond en sortant du camping où j’avais passé la
nuit. Il a 81 ans, et Ducky en a 18. Je ne sais pas lequel est le
plus usé par la vie. J’ai demandé à Raymond qui avait pris la pose
devant son bungalow dans lequel il vivait depuis 1981, de se relever
un peu. Mais il ne pouvait plus. Son corps avait conservé en mémoire
la position de son travail sur le marteau-piqueur. J’ai soudain eu
honte…
Jeudi 28 juillet, Grossart - 2°21’88, 50°24’38, Alt 149m
La pluie m’accompagne sans discontinuer depuis hier. J’aime bien ces
ambiances ouatées pour les photos, mais pas pour le vélo. J’apprends
ainsi que toute chose positive a sa contrepartie qui l’est moins.
Je m’étais arrêté pour faire une autre photo. Mais ce camion m’a
intrigué. J’ai tourné autour. Les rideaux de la cabine étaient
tirés. Sans doute le chauffeur était-il en train de dormir après une
nuit de volant. On n’aime pas les camions, surtout en vélo, mais ils
irriguent notre économie moderne.
Vendredi 29 juillet, Amiens - 2°19’44, 49°54’49, Alt 59m
Cette porte, il vaut mieux ne pas la franchir. C’est celle qui vous
prive de liberté. A l’autre bout, femmes, hommes, quelques fois
accompagnés d’enfants attendent patiemment l’heure pour rendre
visite à un époux, un frère, un fils, qui a dérapé. Je me dis que je
suis vraiment bien sur mon vélo. J’ai longuement hésité à faire
cette photo. Un, parce que je pensais que c’était interdit de
photographier une prison et que j’allais devoir m’expliquer ; deux,
car je doutais de son intérêt photographique. Finalement je me suis
décidé, en vérifiant que personne ne surveillait. C’est drôle
comment je peux parfois être parano ou trop conditionné. C’est si
simple d’appuyer sur le déclencheur et si jouissif !
Samedi 30 juillet, Chaussoy-Epagny - 2°19’85, 49°43’81, Alt 87m
Ce matin, j’ai voulu emprunter une voie romaine, mais mes pneus
n’étaient pas faits pour résister avec un pareil chargement.
Première crevaison et premiers énervements en me rendant compte que
la pompe que j’ai emmenée n’est guère appropriée. En reprenant le
bitume, j’ai vu ce matériel d’irrigation au milieu du champ. Je me
suis dit qu’ils avaient eu raison de le choisir rouge. Cela m’a
remis de bonne humeur.
Dimanche 31 juillet, Hondainville - 2°17’72, 49°20’54, Alt 46m
Cette nuit, j’ai dormi au château. Enfin dans le camping au milieu
des étangs. C’est déjà pas si mal. Alain dit Lucky Luke vit
désormais ici. Il était chauffeur routier, puis a eu un cancer du
poumon, et est désormais en longue maladie. Cela ne l’empêche pas de
fumer son cigare au petit matin !
Lundi 1er Août, Sarcelles - 2°21’73, 48°59’51, Alt 85m
Jean-François est réceptionniste chez Première Classe. Il a toujours
bossé dans l’hôtellerie. Il est fier et heureux de poser pour la
photo. L’accès à l’hôtel est sécurisé par une grille et un portail.
« Ici, il faut mieux faire attention… » Il y a eu déjà trois
braquages.
Mardi 2 Août, Paris - 2°19’95, 48°53’01, Alt 81m
Sur ce voyage, hormis les portraits, Paris est un des seuls endroits où il
y a des personnages en situation dans les photos. Mais là, la mariée
était trop belle pour résister. Une nuée de photographes était à ses
pieds pendant qu’elle jouait sur une bouche d’aération avec le
Moulin-Rouge derrière. Quoi dire de plus…. Sinon que le hasard
dispose bien les choses !
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