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Laurent Baillet : signes

 

Comment êtes-vous venu à la photographie ?

J’ai commencé la photographie à l’occasion d’un voyage en Himalaya lorsque j’avais 17 ans. Mon père, alpiniste avait emmené toute la famille dans une région où nous n’avons pas croisé une voiture ou même un poteau électrique pendant plus d’un mois.

Il m’avait prêté un appareil photo et m’avait expliqué comment m’en servir. J’y ai fait mes premières « vraies photos ». Et c’est là que j’ai accroché pour la première fois.

Peu de temps après, j’ai commencé à m’intéresser à la peinture, et aux grands noms de la photographie. Plus tard, j’ai développé un travail personnel. Tout ceci a pris du temps mais s’est fait très naturellement.

 

Vous photographiez souvent les masses.
Pourquoi ce sujet ?

Je m’intéresse à notre mode de vie urbain contemporain. A cette idée de modernité qui semble de plus en plus similaire dans les grandes villes du monde. Alors dans ces mégalopoles, toutes ces foules qui semblent se diriger dans la même direction, c’est une métaphore intéressante, j’imagine.

 

Quel sont vos sentiments devant la foule ? Vous en faites partie ou vous n'êtes pas de son côté ?

Haha ! C’est une question intéressante.

Lorsque je photographie les rues bondées des grandes villes, je m’interroge sur notre mode de vie que nous appelons « moderne », sur la vacuité de tout cela, mais je suis moi aussi l’un de ces citadins qui consomme ces produits identiques aux quatre coins du monde.

Même si j’en suis conscient, que je m’interroge sur tout cela, il paraitrait illusoire de prétendre y échapper. Alors oui, j’en fais aussi partie. Et c’est aussi nécessaire pour l’observer et essayer de comprendre !

 

 


© Laurent Baillet - Asia 2013

 


© Laurent Baillet - Asia 2013

 

 

le photographe

Laurent BAILLET

Né en 1978
Sciences Po Paris
puis photographe à partir de 2010
A travaillé pour de nombreux artistes
dont Liu Bolin en 2013

Il s'intéresse particulièrement
à la place de l'individu dans la société

 
 

Les masses sont floues mais les idoles sont dures, fixes et dominantes. Le message est vraiment limpide... vous pensez qu'il faut aller droit au but en photographie ?

« Les photographies qui ne peuvent rien expliquer par elles-mêmes, sont d’inépuisables incitations à déduire, à spéculer, à fantasmer » (Susan Sontag). C’est une phrase que je trouve très juste. Dans mon travail, je cherche avant toute chose, à transmettre mes idées.

 Bien-sûr les spectateurs interprètent, et c’est normal. Mais derrière chaque photographie, il y a d’abord une idée que l’auteur veut transmettre, il faut donc aller droit au but.

 

 


© Laurent Baillet - Asia 2013

  

 
   

Quels sont pour vous les rapports entre les idées de mouvement, d'immobilité, de liberté et d'éternité ? Et en particulier de quel côté est la liberté ? Du côté de l'éternité ou du côté du mouvement ? 

Beaucoup de mes images sont le résultat de temps d’exposition assez longs voire très longs. Il y a derrière cela une idée que je trouve intéressante : si l’on résume ce qu’il s’est passé dans une rue pendant une minute par exemple, L’homme apparaît comme flou et a déjà presque disparu.

Cela m’interpelle sur nos gesticulations quotidiennes, et ce qu’il en reste.

 

 


© Laurent Baillet - London Street 3, 2012

 

   

Votre travail est-il un travail sur les croyances ? 

Il y a effectivement certaines de mes photos qui ont été réalisées dans des lieux de culte : le Mur des Lamentations ou l’Église Saint Sépulcre par exemple.

 Je ne dirais pas exactement que c’est un travail sur les croyances. Peut-être davantage du rapport entre l’homme et le sacré.

Dans la photo du Mur des Lamentations, la partie supérieure représente le mur et la partie inférieure montre les hommes en train de prier. Ces derniers sont flous, comme faisant partie d’une masse indifférenciable. Ils sont dans l’ombre. Le mur est à l’inverse baigné de lumière et bien net. Le rapport entre l’humain et le sacré ou ce qui ne fait que passer et ce qui reste, en quelque sorte.

 

 


© Laurent Baillet - Western Wall, Jerusalem, 2013

 

   

Techniquement, vous travaillez comment ?  Plutôt avec le temps long ou plutôt avec des superpositions ?

J’utilise ces deux techniques. Cela dépend des photos.

 

 


© Laurent Baillet - Zurbaran - Museo -Thyssen-Bornemisza, Madrid, 2012

 

 

   

Pensez-vous qu'on puisse établir une relation entre votre façon technique de travailler et les sujets que vous abordez ?

Oui, bien-sûr. J’utilise ces techniques de longues expositions et de superpositions car elles sont pour moi la meilleure façon d’exprimer mes idées.

Je fais disparaître l’individu pour poser la question de sa place dans la ville.

Je rends le contenu des écrans difficilement discernables pour évoquer cette idée de surabondance d’information et de la relative pauvreté de son contenu.

 

 


© Laurent Baillet - New-York, 2012

 

 

 

   

Dans certains travaux comme Fashion Mag, vous semblez vous intéresser aux signes et aux traces plus qu'à la place l'homme, avec son corps, dans la société. Vous allez vers cela ? L'Homme va disparaître ?

C’est vrai. Mais si vous regardez ma série mass culture faite dans les rues bondées des mégalopoles asiatiques, l’homme en tant qu’individu a lui aussi déjà disparu. Il ne s’agit que de la foule comme un tout.

Dans les deux cas, je parle de notre société contemporaine. L’homme et toutes choses qui font notre quotidien sont autant d’éléments pour en parler. Donc l’homme ne va pas disparaître …mais la question pourrait peut-être se poser pour l’individualité, ou du moins comment elle évoluera.

 

 


© Laurent Baillet - Fashion Mag, 2014

 

 

   

 

dernière modification de cet article : 2015

 

     

 

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