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l'auteur
Cet article reprend une intervention de Marc Genevrier pour Galerie-Photo aux transphotographiques de Lille de 2002. Il est recommandé d'avoir lu, sur la photographie en argentique, l'article reprenant l'intervention d'André Mouton : la haute résolution en photographie argentique
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La haute résolution en photographie numériqueSi les appareils numériques grand public ne peuvent encore prétendre au domaine de la haute résolution, les performances des dos numériques professionnels et des scanners de films sont suffisamment convaincantes pour justifier leur examen ici. Sans se lancer dans une analyse approfondie de la formation d'une image sur un capteur CCD, quelle taille d'agrandissement haute résolution peut-on espérer atteindre avec les différents matériels ? 1. La chaîne exclusivement numériqueConsidérons d'abord le cas des systèmes entièrement numériques. La chaîne envisagée comprend les maillons suivants :
objectif de prise de vue L'objectif est naturellement soumis aux mêmes limitations que dans un système argentique. Notons tout de même que la faible taille des capteurs permet d'utiliser des objectifs de faible couverture, ce qui facilite la conception d'optiques à très fort pouvoir séparateur. Mais notre attention se portera ici principalement sur le capteur. Celui-ci est caractérisé par le nombre de ses pixels, grandeur souvent qualifiée à tort de "résolution" par les gens du marketing. À tort, car en réalité, il est fréquent n'y ait pas équivalence un-à-un entre les cellules du capteur et les pixels de l'image. Mais revenons d'abord à la constitution d'un capteur. 1.1 Le capteurLe capteur est composé d'un ensemble de photosites, éléments photosensibles de forme variable qui peuvent être disposés suivant différentes configurations. Beaucoup d'entre nous ont été surpris de découvrir la disposition des photosites octogonaux sur les publicités Fuji :
Commençons par le cas le plus simple, avec des photosites de forme carrée disposés en une trame simple, alignée verticalement et horizontalement. Dans cette configuration, il paraît logique de supposer que chaque photosite du capteur donnera naissance à un pixel de l'image. On en déduit alors simplement que le pouvoir de résolution maximal pouvant être atteint par un capteur de 100 pixels/mm, par exemple, sera de 50 lpm : une rangée de photosites pour la ligne noire, une autre pour la ligne blanche. Le critère de haute résolution de 5 lpm, qui correspond à une résolution d'impression de 254 dpi, donne dans ce cas simple : pour une image de 2000 x 3000 pixels, un agrandissement maximum de 20 x 30 cm, pour une image de 3000 x 4000 pixels, un agrandissement maximum de 30 x 40 cm
Malheureusement, ces considérations géométriques simples ne s'appliquent plus dès qu'on considère la résolution à l'oblique : Photosites carrés : Résolutions identiques horizontalement et verticalement, mais différentes à l'oblique (il faudrait également tenir compte des effets de crénelage.) La situation s'aggrave encore avec des photosites rectangulaires : Photosites rectangulaires : Résolutions
différentes horizontalement, verticalement et à l'oblique Mais même dans le cas de photosites carrés, le logiciel intervient aussi de toute façon, car chaque cellule n'enregistre que les informations de l'une des trois composantes R, V ou B. Le capteur est en effet recouvert d'un filtre qui présente la configuration suivante : Les informations de couleur de l'image doivent donc être reconstituées à partir de ces informations filtrées. Selon la couleur de la lumière incidente, certains photosites seront même complètement inactifs. Dans l'exemple ci-dessus, le site vert situé en haut à gauche ne sert à rien si la lumière incidente est de couleur magenta. 1.2 Le logicielDans tous les cas, donc, le pixel final est obtenu par un logiciel à partir des informations provenant du capteur. On est donc en plein dans le virtuel. Le meilleur exemple est donné par les appareils Fuji, qui produisent par exemple des images de 6 mégapixels à partir de capteurs ne comprenant que 3 millions de photosites. A priori, on se dit que l'informatique, si elle sait faire des miracles, aura tout de même du mal à inventer des informations pertinentes à partir de rien. La réalité est un peu plus complexe si l'on connaît les possibilités des techniques de traitement d'image. Déjà très utilisées en imagerie médicale et scientifique ou en astronomie, elles ont en effet des capacités réellement surprenantes. À titre d'exemple et de curiosité, voici deux exemples de correction du flou de mise au point et du flou de bougé, tirés du site de l'éditeur Reindeer Graphics (www.reindeergraphics.com). avant : après : avant : après : 1.3 Essais pratiquesDevant une telle complexité, la meilleure solution consiste évidemment à effectuer des mesures, en photographiant des mires composées de fines lignes convergentes. On regarde simplement à partir de quel moment les lignes se confondent sur l'image finale. L'avantage de cette méthode est évidemment de tenir compte des trois éléments du système : l'objectif de prise de vue, le capteur et le logiciel. Voici quelques valeurs relevées sur le site www.dpreview.com. Précisons en préalable qu'une image numérique ne possède pas de dimension physique, elle contient juste un certain nombre de pixels sur sa hauteur, par exemple. On peut donc seulement mesurer le nombre de lignes horizontales distinctes qu'il est possible d'avoir sur l'image. Pour établir l'équivalent avec le format argentique 24x36, il suffit de diviser ce nombre par par 2 (pour obtenir des paires de lignes), puis par la hauteur de ce format, 24 mm (dernière colonne)
D'autres sources comme le magazine Le Photographe, par exemple, ont mesuré une résolution équivalente de 35 à 38 lpm avec ces appareils, là aussi avec des différences en fonction de la direction. Compte tenu de ces effets d'orientation, nous ne pouvons que donner une valeur moyenne : les résolutions mesurées avec ces appareils d'environ six mégapixels autorisent un grandissement équivalent de 7 à 8 fois, soit une taille de tirage de l'ordre de 18 x 24 cm. On est donc un peu au-dessous de la taille théorique de 20 x 30 cm indiquée plus haut pour un capteur de 2000 x 3000 pixels. 2. La chaîne argento-numériqueNous envisageons ici le cas d'une image argentique (ekta ou négatif) numérisée avec un scanner à films, puis imprimée. La chaîne se compose donc des éléments suivants :
objectif de prise de vue La première partie est naturellement commune à la chaîne argentique classique et a été examinée dans le premier volet de ce dossier. Le scanner, avec ses caractéristiques mécaniques et optiques propres, remplace ici l'agrandisseur. Ses principales caractéristiques sont les performances de son objectif et la résolution de son capteur, 2400, 2800 ou 4000 dpi pour les modèles "bureautiques" d'entrée et de moyenne gamme, jusqu'à 12500 dpi sur des modèles professionnels à tambour ou de type scanner à plat XY. Ces derniers modèles se caractérisent par le fait que l'analyse est effectuée par "recouvrement de champ" : le scanner analyse une partie seulement de l'image argentique, puis la partie voisine, et recolle les morceaux à la fin du traitement. L'avantage est de pouvoir utiliser des optiques de très faible couverture, donc très haute résolution. Dans les scanners "bureautique", l'image est analysée par balayage de toute la largeur de l'image, donc avec des performances inférieures. Examinons donc l'influence de différents types de scanners sur la numérisation d'images argentiques de divers formats, en reprenant les résolutions sur film argentique obtenues dans le premier article. J'utilise ici un modèle simplifié et j'applique la formule en 1/d² en considérant qu'une paire de lignes correspond à deux pixels. Ainsi, un capteur à 4000 dpi est un système capable de résoudre 2000/25,4 = 78 lpm, valeur qui constitue en somme une sorte de maximum théorique de ce que pourra transmettre le capteur. Certaines publications semblent indiquer que ce maximum est atteint à peu de choses près sur les meilleurs scanners de films "moyenne gamme" à 4000 dpi. En revanche, il apparaît que les scanners à plat vendus pour 2400 dpi n'atteindraient au mieux que 1800 à 2000 dpi réels.
Les valeurs que je donne ici constituent donc des maximas théoriques de
ce qu'on peut espérer obtenir dans des conditions idéales. Le calcul est
principalement destiné à établir des ordres de grandeur et à évaluer : Pour tenir compte des équipements réellement disponibles pour l'amateur et le professionnel et sans prétention d'exhaustivité, nous avons retenu les types de scanners suivants :
Pour le 24 x 36 :
Pour le 6 x 7 :
Pour le 4x5 : Pour tous : Scanner haut de gamme à raccordement de champ, 12500 dpi.
Note : Tous les calculs ont été conduits sans recadrage de l'image. On observe peu de surprise en ce qui concerne le format du film : un 24x36 numérisé sur un scanner à tambour à 50 000 € atteint à peine un 6x7 traité avec un scanner à plat à 500 €, et l'écart augmente sensiblement dès qu'on numérise le film 120 avec un équipement dédié. En revanche, le 4x5 déçoit un peu par rapport au 6x7, puisque les deux formats font pratiquement jeu égal dans la catégorie intermédiaire de scanner. Il faut dire que la catégorie de scanner à 4000 dpi n'existe pas en grand format. Mais le faible écart est dû surtout à la forte chute de la résolution sur le plan-film : 44 au lieu de 67 lpm Note aux amateurs
de dos rollfilm : Et si j'agrandis plus ?Rappelons que le critère de la haute résolution dépend de la distance d'observation. Le modèle simplifié ci-dessus peut donc se prêter à de nombreuses interprétations, par exemple : à quelle distance devrais-je regarder un tirage de taille donnée pour respecter la haute résolution ? Il suffit de considérer que le critère de la haute résolution, 5 lpm à 25 cm, est équivalent à 2,5 lpm à 50 cm, à 1,25 lpm à 1 m, etc. Exemple :
CommentaireRappelons à nouveau que toutes les valeurs présentées ici sont approximatives, car elles résultent d'un modèle simplifié qui repose sur différentes hypothèses, notamment la résolution de l'objectif et du film utilisés à la prise de vue, l'application de la loi en 1/d² pour calculer la résolution globale d'un système, enfin la faculté d'un scanner à délivrer un pouvoir de résolution effectivement égal à la résolution de son capteur en dpi. Chacun pourra naturellement refaire les calculs en modifiant ces hypothèses, en particulier en fonction de ses objectifs et de ses habitudes de prise de vue, et en tirer des conclusions sur le système le plus adapté à ses besoins. IllustrationComparaison entre le 6x7 à 4000 dpi et le 4x5 à 2000 dpi, qui présentent des performances quasi identiques dans notre premier tableau. Examinons par exemple ce qui se passe lorsqu'on change le pouvoir de résolution du film en conservant les mêmes objectifs de prise de vue (c'est l'occasion de compléter le tableau précédent par d'autres valeurs ; pour changer, nous prenons donc 80 lpm en moyen format et 60 lpm en grand format). Film à 100 lpm
Film à 60 lpm
Le premier cas correspond à un système relativement équilibré en 6x7, mais fortement limité par l'objectif en 4x5. Le deuxième tableau correspond à un système un peu limité par le film en 6x7, mais plus équilibré en 4x5. On voit que l'écart entre les deux formats se creuse d'un tableau à l'autre, preuve s'il en était besoin que, quand le film est moins bon, il est avantageux d'en avoir une plus grande surface pour obtenir une belle image ! 3. L'imprimanteL'impression n'est pas une étape parfaitement "transparente", ne serait-ce que parce que les pixels de l'image doivent être transformés en points de différentes couleurs, de différentes tailles et non alignés géométriquement comme les pixels. Depuis les dernières générations d'imprimantes jet d'encre, plus personne ne met en doute leurs capacités à délivrer une véritable qualité photographique. En particulier, on considère souvent qu'elles ne pourront plus réaliser de progrès importants en termes de résolution. Dans la pratique, des essais simples montrent que nos imprimantes jet d'encre "sortent" environ 240 dpi (avec des papiers adéquats), alors que le critère de la haute résolution correspond à une résolution d'impression de 254 dpi. On est donc très proche de la haute résolution, même si d'autres procédés d'impression font mieux. Les amateurs de beaux livres savent certainement de quoi je parle, et l'on se prend à rêver de tirages "maison" qui auraient la même qualité d'impression que le "Still" de Thomas Struth ! Mais il est surtout intéressant de noter ici que l'impression numérique introduit une opération de nivellement : un tirage numérique ne pourra jamais présenter une résolution supérieure à 5 lpm, même si l'image envoyée à l'imprimante était plus riche. Donc on ne pourra jamais la regarder à moins de 25 cm ! C'est une différence fondamentale par rapport à l'agrandissement sur papier argentique, où le support ne limite pas la résolution, grâce à l'extrême finesse de ses grains photosensibles.
dernière modification de cet article : 2002
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