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Héliogravure d'art
L’héliogravure est un procédé qui permet
l’impression en gravure taille-douce à partir
d’une plaque de cuivre sur laquelle on a gravé
une image en tons continus (photographie ou
autre). Pêcherie © Michel Ramel
L’héliogravure d’art conjugue des techniques
photographiques, pour la réalisation d’un
positif adapté et son transfert sur la plaque de
cuivre, des techniques de gravure pour la
réalisation de l’aquatinte et la gravure de la
plaque, des techniques d’impression pour le
tirage. Le cuivre est facilement attaqué par les acides et l’interface la plus adaptée pour la réalisation de la gravure est la gélatine. La gélatine d’origine animale présente en effet des caractéristiques très particulières : elle est soluble dans l’eau, présente la particularité de devenir insoluble après absorption d’une solution aqueuse sensible et exposition aux ultra-violets ; elle offre un grand pouvoir d’adhérence au cuivre et, une fois rendue insoluble, absorbe les solutions aqueuses à une vitesse inversement proportionnelle à leur concentration et à son épaisseur. Les
différentes opérations qui vont être mises en
œuvre ont pour objectif de transcrire les
valeurs de l’image originale en profondeur des
tailles dans la plaque de cuivre. Cette
transcription se fait par l’intermédiaire de la
gélatine dont l’épaisseur va varier en fonction
des valeurs de l’image. Ces variations
d’épaisseur de la gélatine permettent ainsi une
gravure variable en profondeur de la plaque de
cuivre.
Reeds #4 © Carles Mitjà
Les différents temps de la réalisation d’une héliogravure1 - Création du positif sur transparentIl convient de disposer d’un positif transparent avec une image inversée droite – gauche. Le positif peut être réalisé de manière analogique ou numérique. La calibration du procédé sera plus aisée avec l’utilisation de positifs numériques pour profiter des outils informatiques modernes. Le positif devra être assez doux, avec une gamme tonale étendue, des ombres riches et des hautes lumières non brûlées. Sur le positif, les noirs ne devront pas être trop denses car ils bloqueraient alors la lumière, et les blancs ne devront pas être trop transparents. Suivant son équipement, la calibration du positif sera faite comme pour d’autres procédés alternatifs mais avec une dMax qui ne dépassera pas 1.35. 2 - Sensibilisation du papier gélatinéLe papier gélatiné peut être fabriqué : il s’agit d’un papier charbon avec un pigment rouge, le rouge de Venise. Plus couramment, c’est le papier Dragon de Cape Fear Press qui est utilisé. C’est un papier gélatiné non-sensibilisé qui est fourni en rouleau. On découpe une feuille de papier gélatiné plus grande que la plaque de cuivre qui sera utilisée. Traditionnellement la sensibilisation est faite avec du Bichromate de Potassium1 à une concentration pouvant varier entre 3.5 et 4.5%. L’augmentation de la concentration augmente la sensibilité de la solution et réduit le contraste. La gélatine peut être sensibilisée avec du diazidostilbène 2 à la place du bichromate de potassium. La solution doit être conservée au réfrigérateur et utilisée à moins de 10°C. Dans une cuvette, on immerge le papier gélatiné dans la solution de bichromate pendant quelques minutes. La solution peut aussi être appliquée au pinceau sur le papier gélatiné. Une fois le papier bien assoupli, on applique le côté gélatiné sur une plaque de verre ou de plexiglas parfaitement propre. On maroufle le papier avec une raclette en caoutchouc et on essuie l’excédent de solution. La plaque est mise à sécher sous ventilateur jusqu’à ce que le papier se décolle. Une fois décollé, on uniformise et on stabilise l’humidité de la gélatine en la plaçant ½ heure dans une enceinte saturée en vapeur d’eau (bac fermé avec tapis éponge mouillé). 3 - Préparation de la plaque de cuivreOn utilise de préférence du cuivre poli miroir. Après retrait du film plastique protecteur, on biseaute les bords à la lime ou au biseauteur. Les coins sont aussi arrondis pour ne pas blesser les langes dans la presse. Certains font un polissage complémentaire. La plaque est ensuite dégraissée. Traditionnellement on utilise du blanc d’Espagne ou de Meudon et une solution de soude à 15% qu’on frotte sur la plaque de cuivre. On peut aussi utiliser du liquide de vaisselle additionné de soude ou un dégraissant pour four en pulvérisateur. La plaque bien rincée doit permettre un écoulement laminaire d’un film d’eau. Si ce n’est pas le cas, il faut recommencer l’opération. Une fois dégraissée, la plaque est stockée dans un bac contenant la solution d’adhésion. 4 - Insolation du papier gélatiné sensibilisé avec le positifOn doit
disposer d’une insoleuse UV à tubes ou à
halogénures métalliques avec un spectre entre
350 et 420 nm, le pic de sensibilité du
bichromate de potassium étant à 365 nm. On
notera que le contraste augmente avec la
longueur d’onde. La gélatine sensibilisée, une fois sèche, est couverte avec le positif et exposée aux UV.
5 - Transfert de la gélatine sur la plaque de cuivreA la fin de l’insolation, on découpe la feuille à un format légèrement inférieur à la taille de la plaque de cuivre. On fait ensuite l’adhésion de la gélatine sur la plaque de cuivre. La plaque de cuivre a été immergée dans une solution d’éthanol entre 15 et 30%. Le papier gélatiné est immergé dans le bac face gélatine vers le haut. Une fois assoupli, on le retourne au-dessus de la plaque de cuivre et on l’applique sur le cuivre en veillant à ne pas emprisonner d’air. On sort l’ensemble du bac et, avec une raclette en caoutchouc, on chasse la solution en appuyant fortement le papier sur la plaque. On sèche ensuite avec du papier absorbant le liquide résiduel. L’adhérence de la gélatine est obtenue immédiatement après l’application du papier sur la plaque. Certains préconisent la mise sous presse pendant une vingtaine de minutes, d’autres ne considèrent pas cette phase comme utile. 6 - Dépouillement de la gélatineLa plaque est immergée dans un bac et recouverte d’eau chaude à 43°C. Au bout d’une minute ou deux, on peut décoller le papier dans un coin et le retirer délicatement. Par une agitation vigoureuse, on solubilise la gélatine non durcie par les UV jusqu’à ce que l’eau ne soit plus colorée. La plaque est ensuite plongée dans un bac d’éthanol à 95% pendant quelques minutes pour déshydrater la gélatine. Elle est ensuite retirée du bac puis l’alcool est chassé soit par un courant d’air fort (sèche-cheveux) ou à l'aide d'un rouleau en silicone. Certains mettent la plaque à reposer plusieurs heures, d’autres poursuivent le process immédiatement. 7 - Aquatinte (héliogravure au grain)
L’aquatinte est ensuite réalisée. Il s’agit d’un
procédé de gravure taille-douce qui consiste à
recouvrir la plaque de cuivre d’une couche de
poudre fine de résine ou de bitume qui sera
cuite pour former des gouttelettes protectrices
lors de la gravure. Cette opération est
nécessaire pour éviter les crevés dans les aplats
de l’image. Cette opération peut être évitée si
on utilise une trame d’aquatinte, qui est alors
exposée avant le positif. On introduit alors la plaque de cuivre placée sur un carton et on laisse la poussière se déposer jusqu’à couvrir la plaque. On peut évidemment faire une passe avec du gros grain suivie d’une passe avec du grain fin suivant les rendus recherchés. La plaque est ensuite retirée de la boite avec précaution et est posée sur grille pour la cuisson. La cuisson est faite à la flamme (Camping Gaz par exemple). La cuisson est atteinte quand la résine change de couleur. La cuisson est moins visible avec le bitume de Judée et donc plus difficile à achever. 8 - Préparation de la gravure
Une fois
refroidie, on peut préparer la plaque pour la
gravure. On protège le dos et les bords de
l’attaque des acides par le moyen que l’on veut.
Traditionnellement, on applique du vernis. Les
adhésifs modernes permettent une protection
efficace et sont plus rapides à retirer que le
vernis (scotch emballage, adhésif protection
peinture…). 9 - GravureLa gravure de la plaque de cuivre est faite en utilisant du chlorure ferrique (perchlorure de fer). Traditionnellement, plusieurs concentrations d’acides sont utilisées pour obtenir la gravure de l’ensemble de la gamme de gris. En effet, les solutions plus concentrées creusent le cuivre plus profondément que les solutions moins concentrées, mais elles sont moins rapidement absorbées par la gélatine.
On
débutera la gravure par une solution concentrée
(43 à 45°B) qui attaquera les zones où la
gélatine est la moins épaisse (noirs et gris
foncés) et creusera le cuivre profondément ; on
continuera avec une solution moins concentrée
(41 - 42°B) qui va graver les gris
intermédiaires, et on achèvera la gravure avec
une solution encore moins concentrée (39 - 38 -
36°B) pour graver les hautes lumières. 10 - EncragePour pouvoir imprimer la plaque, il faut l'encrer, c’est-à-dire remplir les tailles d’encre. Issue de la gravure classique, l'encre grasse, à laquelle on a ajouté un peu d'huile de lin est travaillée jusqu'à l'obtention de la bonne viscosité. La plaque est complètement encrée puis l’encre est poussée dans les tailles, au rouleau ou à la poupée. On pratique ensuite l'essuyage de la plaque pour retirer l’encre en surface jusqu’à ce qu’il ne reste plus que l’encre dans les tailles. On nettoie enfin les bords de la plaque pour qu’ils ne salissent pas le tirage. 11 - TirageLe tirage est fait sur une presse taille-douce. On pose la plaque de cuivre sur le plateau de la presse, on pose ensuite dessus une feuille de papier préalablement humidifiée et essorée, on dispose les langes et on actionne la presse pour faire passer l’ensemble entre les rouleaux. La pression entre les rouleaux va forcer le papier à aller chercher l’encre dans les tailles. La feuille de papier est ensuite retirée et mise à sécher. Fenestron © Hervé Sachy
La gélatine : transcrire des niveaux de gris en épaisseurs de gélatineOn utilise la technique du charbon simple transfert pour réaliser cette opération à partir d’un positif transparent.
Fig 3 : Adhésion de la gélatine sur la plaque de cuivre
On obtient un négatif en épaisseurs de l’image initiale. Tree #9 © Carles Mitjà
L’aquatinte et la gravureL’aquatinteAprès avoir recouvert la plaque d’une poudre fine de résine ou de bitume, les grains sont cuits à la flamme. Une cuisson réussie permet de conserver une gouttelette de résine bien adhérente à la gélatine. Une cuisson insuffisante ne permettra pas l’adhésion suffisante des gouttelettes sur la gélatine ; une cuisson trop longue provoquera un étalement des gouttelettes ce qui nuira au bon déroulement de la gravure en empêchant la pénétration de l’acide dans la gélatine.
Action des acides au cours de la gravureFig 7 : La plaque de cuivre est immergée dans le chlorure ferrique : on voit bien le rapport entre les densités du positif et l’épaisseur de gélatine Fig 8 : La gravure commence dans les zones où la gélatine est la plus fine, c’est-à-dire les noirs, puis les gris foncés. En utilisant un acide concentré, on obtiendra une gravure profonde. Fig 9 : La gravure se poursuit : les zones gris moyen sont à leur tour attaquées, surtout si on a changé le bain d’acide par une solution moins concentrée.
Fig 10 : A la fin de la gravure, avec une solution moins concentrée, les hautes lumières sont à leur tour attaquées. La gravure ne peut être prolongée trop longtemps, car les acides finissent par provoquer un décollement de la gélatine de plus en plus gonflée par l’eau des solutions.
Fig 11 : Une fois la gravure terminée, la plaque présente des profondeurs de tailles différentes en fonction des niveaux de gris du positif.
La gravure latérale et le risque de crevéLes puits creusés dans le cuivre ont été schématisés ci-dessus avec des bords verticaux. En réalité, les acides attaquent aussi horizontalement les bords des puits. En cas de gravure prolongée, cette gravure latérale peut conduire à la disparition des bords des puits et être à l’origine d’un crevé. La zone ainsi crevée n’aura plus de puits pour retenir l’encre au moment de l’essuyage de la plaque et l’impression ne sera pas satisfaisante.
Tcherno © Hervé Sachy
Rendus : noirs, papiers et encresA la
croisée de la photographie et de l’estampe,
l’héliogravure d'art donne accès à une infinité
de rendus. En combinant de manières différentes
rendu de l’image à l’écran, aquatinte, gravure,
papier et encre, on peut définir le rendu de
l’image imprimée. Suivant la tonalité globale de l’image et l’objectif final, on pourra choisir de mener la gravure en favorisant la gravure des ombres (solutions plus concentrées) ou des hautes lumières (solutions moins concentrées) : autour du process standard, tout est possible. C'est avec le papier et l’encre choisis que le rendu de l’image sera révélé. Le choix de papier pour la gravure est extrêmement étendu. Tous les grammages existent. Les aspects de surface sont aussi très nombreux avec des papiers plus ou moins texturés à très lisses. Les teintes sont aussi très variées. On prendra en compte l’évolution de la texture au cours du passage entre les rouleaux de la presse. On aura aussi à choisir la ou les encres en fonction de leurs densité, transparence, couleur.
On peut
aussi envisager de mélanger des encres pour
ajuster la tonalité, de les travailler avec des
additifs pour les rendre plus ou moins
visqueuses. Une même encre n’aura pas la même
densité en fonction du papier. Par des tests
variés, on aura soin de déterminer le couple
papier – encres adapté au projet et au rendu
recherché. Ouessant #1 © Michel Ramel
Conclusion
L’héliogravure d’art est un très beau procédé,
adapté à tous types d’images et qui offre une
grande diversité de rendus. Notes
Pour aller plus loinLivres :
CARTWRIGHT, H. M. (1930).
CARTWRIGHT, H. M. (1961). DAVID MORRISH & MARLENE MACCALLUM (2003). KRUGER G.
MARTELLE-THIELE (1934). THEVOZ F.
(1938). Voir, faire et plus...: infos stage, matrices et tirages
Dernière mise à jour : janvier 2022 |
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