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Point de vue : Demain, la haute résolution
pour tous ?
par
Guillaume Péronne
Les fabricants d'appareils
photographiques proposent aujourd'hui des solutions qui ôteraient
toute nécessité d'intervention ultérieure comme le fait de pouvoir
brancher directement son appareil à une imprimante, actualisation
d’un vieux slogan qui disait : « Appuyez
sur le bouton, nous ferons le reste ! ».
Emportés dans le courant de la miniaturisation, les appareils
numériques donnent des résolutions élevées dans des boîtiers dont on
aurait eu peine à admettre la taille dix ans en arrière. L’appareil
numérique amateur affiche à ce jour (avril 2007) dix millions de
pixels tandis que des boîtiers professionnels se contentent de ces
dix millions de pixels. La qualité la plus fine disponible pour le
photographe professionnel se situe aux alentours de 40 millions de
pixels pour de la photographie instantanée. On peut très bien
imaginer voir prochainement apparaître des appareils amateurs
atteignant ou dépassant cette résolution qui, rappelons-le, approche
la qualité d’un très bon 4X5 pouces !
Les conditions seraient réunies
pour que chacun puisse réaliser des tirages géants de haute
résolution avec la facilité de l’appareil léger et la rapidité du
traitement automatisé. L’idée est plutôt réjouissante, mais le
professionnel pourrait voir d’un mauvais œil le fait que ce domaine
autrefois réservé devienne si accessible. Accessibilité renforcée
par le fait que toute la chaîne de traitement, jusqu’au tirage
final, se greffe en toute simplicité sur les ordinateurs déjà
présents dans une majorité de foyers. Sans compter l'atout d'une
baisse constante des prix des matériels.
Manifestement, si l’on en reste
au décompte de pixels, demain nous promet la haute résolution pour
tous !
Au regard de cette accessibilité
des moyens, est-il plus facile qu’à l’heure de l’argentique de
réaliser des images qui soient au summum de la qualité ?
Le numérique ne bouleverse
pas les fondements de la photographie
Il n'y a pas de rupture. Le
dispositif de captation du réel demeure le même. L'ordinateur
introduit une ergonomie nouvelle pour agir sur les paramètres
techniques de l'image photographique qui, eux, n'ont pas changé. Le
photographe n'en est pas moins tenu de définir le projet qui motive
la réalisation de ses images !
Pour le professionnel, c’est
assez simple dans la mesure où le client définit le projet ; mais
pour l’amateur - ou l’artiste - cette notion de projet est la valeur
ajoutée des images : par la pensée investie dans la construction des
photographies, il donne du sens à son action. Il ne s'en tient pas à
déclencher un processus mécanique dont il s'exclurait, mais trouve
dans la technique les moyens de donner forme à des idées. Une pensée
toujours située en amont est la condition nécessaire pour celui qui
désire construire ses images.
Cette pensée investie a pour
corollaire la mobilisation d'un temps pour faire : temps pour
préparer et réaliser la prise de vue ; temps pour produire l'épreuve
finale. Qui a connu les plaisirs de la chambre noire sait le temps
que peut prendre le tirage parfait d'une seule image. Pour celui qui
recherche la perfection, le traitement informatique n'offre aucun
raccourci, seul le chemin diffère un peu. L'informatique permet
d'aller plus en profondeur dans la structure même de l'image: on
peut visualiser le plus petit élément, le pixel ; la richesse de
couleur se donne à lire au travers des représentations mathématiques
que sont les histogrammes… Autant de nouvelles possibilités pour
améliorer encore nos images ! De même, la retouche ou la
construction par montage, en apparence facilitées par l'usage de
l'ordinateur, sont aussi extrêmement dévoreuses de temps : elles
peuvent être certes rapides, grossières et très visibles, mais si on
veut les garder discrètes, elles exigent minutie et, encore une
fois, temps.
Si l'ergonomie diffère, le
travail d'optimisation demeure plus que jamais nécessaire : encore
du temps à investir !
La photographie numérique
peut augmenter sur certains points le niveau de difficulté
Composition et mise au point sont
plus délicates dans les formats réduits du numérique. A titre
d'exemple, et pour une définition équivalente, on passe d'un dépoli
donnant 10 par 12,5 cm de visée (le 4X5 pouces argentique) à une
surface de 3,6 par 4,8 cm en moyen-format numérique. Le passage à un
dépoli exigu impose d'accorder plus de temps et d'attention à
parfaire une composition, et surtout gêne la bonne appréciation de
la netteté. De plus, les focales relativement courtes utilisées en
numérique sont bien moins tolérantes aux erreurs de placement du
plan de netteté. Aux constructeurs de surmonter ce paradoxe qui veut
que la miniaturisation exige de la précision et induise de
l'imprécision ; à eux de proposer les outils qui redonne au
photographe la totale maîtrise de la netteté. Des systèmes
d'assistance à la mise au point apparaissent, la visée peut être
assistée par des dispositifs optiques ou relayée par l'écran d'un
ordinateur, mais encore une fois, ces solutions ne sont pas des
raccourcis !
Le photographe soucieux de la
qualité et de la précision de ses compositions devra, même en
numérique, investir du temps pour parfaire sa prise de vue.
Autre point, la photographie
numérique supprime l’étape du laboratoire et permet une intégration
totale du procès de fabrication d’une image. Au photographe revient
la charge de conserver tout au long de la chaîne la qualité de son
image, ce qui le contraint à développer des compétences dans les
deux métiers avec, de surcroît, les spécificités de la transposition
de ces métiers dans une chaîne numérique : autant de connaissances
nouvelles à acquérir !
En conclusion…
Pour le sens commun, le numérique
représenterait une nouvelle victoire face au temps, un temps qu’on
voudrait toujours réduire, une vitesse qu’on voudrait toujours plus
grande, comme si ne comptait finalement que le but à atteindre,
qu'il faille à tout prix dissoudre le chemin dans la vitesse. Or, si
l’on additionne le temps nécessaire à acquérir des compétences
nouvelles, le temps alloué à la pensée et le temps de fabrication,
on se retrouve toujours devant le même dilemme : accorder le temps
pour faire au mieux, ou sacrifier la qualité du travail pour faire
plus vite. Si demain la haute-résolution devient la norme, la
recherche de qualité restera pourtant, on le voit bien, une voie du
labeur et de l'effort, et plus que jamais la pensée fera la
différence.
dernière modification de cet article :
2007
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