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l'auteur
Bruno Spiquel
"je m’occupe principalement de faire
marcher mon petit bout d’internet via une petite entreprise fondée avec
un ancien camarade de classe en 1998. A coté de ça, je fais un peu de
prospective, un peu de déco, un peu de compta, un peu d’administratif…"
http://blog.spyou.org/wordpress-mu/
root@spyou.org
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Labs HADOPI :
une interview de Bruno Spiquel
Qui êtes-vous ?
Entrepreneur depuis 15 ans, je me
définis généralement comme un mouton à 5 pattes ; sans avoir de
réelle spécialisation, je manipule les technologies communicantes
depuis ma plus tendre enfance et m’intéresse à tout ce qui gravite
autour de près ou de loin, ce qui inclut des choses très diverses
allant de l'électronique à l'architecture en passant par la
comptabilité et le management. Mes passions, et donc mes activités
professionnelles, restent tout de même très centrées sur le réseau
internet.
Pour vous à quoi
servent les labs et quelle est votre fonction d'auprès d'Hadopi ?
La fonction première, telle que je
l'ai perçue il y a un an, était de créer un lieu propice aux
discussions des diverses parties en présence dans le débat des droits
d'auteurs à l'ère d'internet. De fait, après un an de
fonctionnement, le dispositif agit plus comme une source de
compétence que comme un lieu de débats même si ceux-ci sont de plus
en plus présents et fréquentés sur la plateforme web. Ma fonction
implique à la fois une veille permanente sur l'activité des labs
ainsi que des interventions dans d'autres institutions qu'hadopi.
Dans les deux cas, mon but est de remettre de l'intelligence
technique dans les débats en écartant au plus vite les contre-vérités
qui risqueraient de mener à une aberration telle que la réponse
graduée d'hadopi.
Pensez-vous que le
régime classique du droit d'auteur pour les photographes puisse être
en danger et, si oui, pour quelle(s)
raison(s) ?
Je tiens beaucoup à la distinction
entre le droit patrimonial et le droit moral. En tant que petit
créateur de textes, d'images et de logiciels, le second prime, selon
moi, sur le premier même si c'est le premier qui permet la
subsistance. Dans les univers numériques où tout est copie
systématique et permanente, le premier peut être très largement
malmené. Le second, par contre, est d'une simplicité enfantine à
protéger, si on se donnait la peine de le dé-corréler du premier,
tant dans la formulation utilisée régulièrement (on ne parlerait donc
plus des "droits d'auteurs", il faudrait systématiquement préciser)
que dans l'approche juridique (reconnaître par exemple que les torts
d'une personne ayant copié une œuvre sans en payer les autorisations
sont moindres si elle a pris la peine de respecter le droit moral)
Mais ceci n'est pas spécifique à
l'auteur photographe, puisque comme nous l'avons esquissé presque
collectivement dans "le fil des labs", la photographie n'existe pas
plus qu'une autre œuvre sur internet puisque rien n'est matériel.
Pensez-vous que la
notion d’œuvre puisse être La base de reconnaissance pour le droit
d'auteur des photographes ?
J'avoue avoir du mal à caractériser la
notion d’œuvre. De manière générale, et encore une fois sans que ce
soit spécifique à la photographie, je suis généralement d'avis que,
si on se concentre sur la partie patrimoniale du droit d'auteur,
celui-ci ne doit pas nécessairement correspondre à l'unité de base.
Plus pratiquement, je ne suis pas certain que la rémunération d'un
artiste quel qu'il soit doive être calculée en prenant ses œuvres
comme base. Sans aller jusqu'à militer pour une nationalisation de
l'art, à l'heure de la copie permanente du numérique, il me semble
illogique de vouloir toujours mettre un chiffre en face d'une œuvre.
Je mettrais bien plus volontiers un
chiffre en face d'un usage. Deux exemples simples : puisqu'il est
vain de vouloir empêcher un particulier d'imprimer une photo prise
au hasard sur internet pour décorer son salon, pourquoi ne pas
inscrire dans la loi que tout usage fait au sein d'un foyer est
libre (on se rapproche beaucoup du fair-use américain). En face de
ça, toute utilisation commerciale ne respectant pas le droit moral
et/ou patrimoniale devrait être sévèrement réprimée.
Si vous pouviez vous
tenter une folle projection à 20 ans, comment verriez-vous les
droits d'auteurs du photographe en France dans ce futur déjà proche
?
Je vais encore parler plus largement
que la photographie, mais concernant le droit moral, il me semble
important d'éduquer l'ensemble de la population au fait que
lorsqu'on utilise un média (sur internet, mais pas seulement) on se
doit, à minima, de citer l'auteur. Concernant ensuite les droits
patrimoniaux, avec, en tête, la rémunération, je suis partisan d'une
inversion globale des flux financiers. Je considère en effet qu'un
artiste devrait percevoir l'intégralité de la rémunération payée par
le client final puis, selon les contrats qu'il aura négociés,
rémunérer ses prestataires divers et variés. Ce fonctionnement
n'était que difficilement envisageable avant internet, mais il est,
de nos jours, techniquement trivial d'encaisser de l'argent. Reste à
adapter le droit fiscal et quelques autres détails législatifs.
Pour finir, et puisque je parlais plus
haut de la corrélation entre l'œuvre et la rémunération, je pense
qu'on verra assez rapidement apparaître des systèmes permettant de
rémunérer des artistes "à vide". Une sorte de système de donation,
me permettant, par exemple, de dire très officiellement "j'ai
'piraté' une œuvre d'untel, mais je reconnais qu'il a droit à une
juste rémunération, je souhaiterais lui faire parvenir telle somme",
charge ensuite à ce bénéficiaire d'effectuer la répartition
nécessaire. Il me semble que ce type de fonctionnement, bien qu'un
brin utopiste, aurait également la vertu de remettre un peu de
véritable reconnaissance de l'art... Mais il nécessite une grosse
dose de pédagogie pour sortir les esprits du carcan "je paie pour
avoir un objet/service".
Dernière mise à jour :
2012
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