Une interview de Pascal
Delage des Editions Fûdo
Galerie-Photo : Pascal, pouvez-vous nous présenter
les Editions Fûdo dont vous vous occupez ?
Pascal
Delage : Fûdo éditions est une toute nouvelle maison créée
en milieu rural, avec comme ligne éditoriale la relation de
l'homme avec la nature avec trois modes d'expressions, la
photographie, les travaux d'artistes (Land Art, Art du
Paysage), et ce que j'appelle reportage graphique qui est
l'utilisation de la bande dessinée pour raconter les
histoires de gens qui ont une démarche significative et
alternative par rapport à la nature.
Fûdo est
un terme japonais qui veut dire en gros « environnement
naturel et culturel » que j'ai choisi parce qu'Augustin
Berque, théoricien du Paysage, a beaucoup disserté dessus.
C'est le signe que notre relation à la nature et que les
problèmes qui en découlent dépendent de notre culture.
J'ai
commencé par la photographie pour une sorte d'état des lieux
avec des objectifs de livre à prix accessible et de qualité
technique de reproduction. Ce n'est certainement pas le
domaine le plus simple. Fûdo éditions a aussi choisi
d'assurer la commercialisation de ses livres pour garantir
l'indépendance de sa ligne éditoriale.
Les
éditions Fûdo travaillent avec un réseau de librairies
partenaires et a créé un site de vente en ligne avec des
extraits des livres et la presse correspondant aux auteurs.
Si vous trouvez les livres référencés sur des grands sites
de ventes avec des délais importants, c'est que les
conditions avec l'éditeur n'ont pas encore été négociés ou
sont inacceptables pour lui.
Vous avez
récemment publié deux livres sur le travail de Jürgen Nefzger. Pourquoi ce photographe ?
Le choix
de Jürgen Nefzger s'est fait sur la thématique. Je voulais
commencer par de la photo constat et je ne trouvais rien de
satisfaisant. Je n'étais pas attiré par la photo animalière
ou de nature qui est pourtant remarquable, car l'homme y est
mis hors champ. La question du paysage et les renseignements
que l'on peut en tirer sur notre société est par contre au
cœur de mon raisonnement. Les photos vues sur son site ont
montré que cette lecture de la société au travers du paysage
étaient inscrite dans son travail sur une longue période.
Jürgen Nefzger parle du nucléaire, sujet tabou s'il en est,
et la notoriété de sa photographie se fait en partie à
partir de cela, ses photos peuvent presque servir de
publicité à EDF, mais elles réussissent à provoquer auprès
des lecteurs soit des éclats de rires défensifs, soit des
réactions de révolte. Ses autoportraits auto-dérisoires au
début de chaque livres sont là pour prévenir. Sa réactivité
et sa capacité à scénariser ses photographies sous forme de
livre ont fait le reste, et je l'ai suivi en grande
partie dans ses demandes. La photographie grand format ou
haute résolution est bien adaptée à l'analyse du paysage,
car cela force à se poser pour montrer ce qui a été façonné
sur des échelles de temps très longues.
Vous
parlez de "réparer la nature" ?
Réparer la
nature ce n'est pas un engagement, mais j'ai le souci, voire
même une certaine forme de détermination à proposer et
mettre en lumière des approches constructives et positives
(cela m'est resté du l'époque ou je concevais des maisons
bioclimatiques dans l'arrière pays de Montpellier). Dans le
domaine de l'édition, Terre vivante fait du très bon travail
dans le secteur de l'écologie pratique. Avec Fûdo éditions
je veux faire entrer la culture, l'humain dans le champ,
faire connaître les auteurs, les artistes et les acteurs
(ceux qui agissent avec ces préoccupations) à l'aide de
modes d'expressions pour l'instant essentiellement
graphiques. Jürgen Nefzger en montrant l'absurdité de
certains loisirs, de vies qui se construisent autour d'un
rêve de maison individuelle lugubre, nous suggère qu'en
stoppant certaines choses, c'est déjà une partie de la
solution.
Et les livres suivants ?
Deux
livres sont pour l'instant en préparation :
le premier
porte sur les créations in situ d'Eizo Sakata. Parfois
minimales, elles prennent en compte une problématique
environnementale souvent autour de l'eau et le contexte
humain dans des situations très différentes les unes des
autres. D'autre part Eizo Sakata ne se sépare jamais d'un
kit qui lui permet de faire des tableaux de pluie, en
exposant du pigment bleu aux averses. La photographie sert
pour pérenniser des interventions parfois éphémères.
L'autre
est l'histoire d'un agriculteur bio qui au moment de la
canicule 2003 avait arrosé beaucoup mais n'avait pas pu
commercialiser quoi que ce soit. Il a alors trouvé des
recherches sur internet concernant une technique qui
s'appelle le BRF (bois raméal fragmenté), qui consiste à
étaler du bois broyé sur le sol, ce qui permet une
reconstitution de ce dernier et une culture avec peu
d'apport d'eau. Pour ce livre il collabore avec un auteur de
bande dessinée. Des photographies se mêleront au dessin.
http://www.fudoeditions.com
dernière
modification de cet article : 2007
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