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Parade

extrait de la série des fables - Parade ©2000 Fortunier
Photographies de la série : Parade
Galerie-Photo : Comment sont
réalisées vos photographies ?
Ce sont des transferts-Polaroïd, ce qui est un
détournement du procédé.
Dans le développement Polaroïd, la chimie fait migrer les colorants
du négatif vers le positif, qui n'est qu'un récepteur passif conçu
pour obtenir un résultat lisse et brillant.
Dans le transfert, on intercale un support récepteur d'une autre
nature. Il se produit alors de nombreuses imperfections lors de la
migration des pigments, la chimie tend à adhérer au positif, ce qui
perturbe la formation de l'image.
C'est ainsi que se produisent ces effets d'estampe et de déchirure,
au caractère aléatoire, où chaque tentative produit un résultat
unique.
Je l'avoue, j'aime ces effets ! En outre, cela m'a paru parfaitement
convenir à mes sujets : adéquation des matières, rendu imparfait qui
"soude" mes assemblages...
Enfin, ces phénomènes se montrant particulièrement féconds sur le
plan plastique, j'y ai trouvé matière à satisfaire mon goût pour
l'expérimentation, me livrant avec liberté à toutes sortes de
manipulations !
Par contre, l'unicité du transfert m'a longtemps embarrassé.
Je suis un photographe qui aime la photographie pour ses facultés à
capter, représenter, multiplier.
S'agissant d'une photographie, l'unique me paraît inachevé ou
précieux.
De plus, certaines caractéristiques s'avèrent contraignantes dans
cette pratique : format fixe, absence de matrice rendant impossible
l'archivage et la reproduction...
Enfin, certains accidents sont parfois indésirables... j'aurais bien
voulu un droit de repentir !
J'ai donc été naturellement amené à utiliser le numérique. D'abord
pour effectuer des retouches, certains retours sur l'accident. Puis
pour enregistrer mes images et aboutir, grâce aux nouvelles
techniques d'impression haute résolution, à de nombreuses
possibilités de tirage de qualité.
La multiplicité de techniques différentes fait que l'oeuvre n'a plus
d'identité technique exclusive : ni strictement polaroïd, ni
totalement numérique, ni purement argentique... C'est un métissage
photographique qui signe son appartenance à l'époque.
extrait de la série des fables
Parade ©2000 Fortunier
Est-ce que la question de la résolution de la photographie vous
intéresse ?
Il faut de bonnes résolutions pour être photographe
! La condition artistique est des plus précaires...
Restons sérieux ! Dans la pratique, la résolution n'est qu'une
question technique : il faut savoir manipuler cette notion à bon
escient pour obtenir des résultats corrects. Ceci ne doit pas faire
oublier les usages artistiques de ce paramètre : la pixellisation
(très faible résolution) produit des résultats dont on peut
également tirer parti.
Dans ce travail, j'ai opté pour une résolution élevée, car je
souhaitais reproduire finement les détails de la matière du
Polaroïd. Mes fichiers avoisinent les 70 mégas, ce qui est amplement
suffisant pour les épreuves 24/32 que j'expose, et me permet
éventuellement des tirages grand format.
Comment en êtes-vous venu à ces
images ?
Je cède toujours volontiers à ma curiosité des
brocantes, et les foires à la ferraille m'ont déjà fourni bien des
sujets !
"Parade" à commencé par la rencontre avec un marchand de jouets
anciens chez qui j'ai découvert les soldats de plomb.
J'avais envie d'acquérir quelques figurines, qui me plaisaient par
leurs postures caricaturales.
Mais la modestie de mes moyens (et de mes intentions du moment) m'a
orienté vers une boite de sujets de dernier choix, en très mauvais
état, rassemblés à l'attention des collectionneurs pour leurs
restaurations. Avec ces vestiges bon marché (qui m'évoquent parfois
les sculptures antiques ! ), j'ai pu à loisir pratiquer mes
assemblages incongrus, alors sans intention photographique.
Objets trouvés, recyclage : la pauvreté est parfois un bon principe
de création !

extrait de la série des fables - Parade ©2000 Fortunier
La photographie, pour vous,
peut-elle représenter autre chose que le réel ?
L'enthousiasme d'une production spontanée ne peut
pas faire l'économie d'un recul critique : la photographie est ma
profession et comme tous mes confrères, chaque jour, je suis à la
recherche de nouveaux sujets, car personne n'échappe aux exigences
de nouveauté.
Notre mémoire est déjà encombrée d'archives, et nous vivons dans une
prolifération d'images. Par ailleurs, l'époque où l'épreuve photo
avait valeur de preuve est révolue. Aux yeux de tous, la
photographie à perdu beaucoup de son aura de vérité.
Je crois que cet environnement à contribué à me détourner des
projets à caractère documentaire, comme le photojournalisme par
exemple.
Mais si mon travail réagit à quelque chose d'actuel, et si j'use ici
de techniques manuelles et de couleurs un peu "sépia", mon propos
n'est pas de "faire ancien".
Mon intention, c'est d'instaurer des décalages, des ambiguïtés,
composer des images qui ne reconduisent pas trop vite au quotidien,
et j'assume le risque de leur lyrisme.
J'aime quand le lecteur dit : mais qu'est-ce que c'est ?
extrait de la série des fables
Parade ©2000 Fortunier
Y a-t-il des appareils de grand
format qui vous conviennent particulièrement et pourquoi ?
J'ai la chance d'avoir une bonne formation : je sais
utiliser de nombreux types d'appareils.
Minox ou chambre 20x25, à priori, ils sont tous d'égal intérêt pour
moi.
J'utilise l'outil qui convient au bon moment.
Que raconte "Parade", cette série de
photos ?
Il existe en Italie des grottes ornées, de style
rocaille, où des sculpteurs ont intégré à la paroi des figures,
laissant au ruissellement de l'eau le soin de terminer la
composition, par le jeu aléatoire des concrétions calcaires. Un jeu
entre l'artiste et la nature.
Mes polaroïds tendent vers des fins semblables, je crois . Plus
qu'une exploration technique, je mets en place les conditions qui
ouvrent la composition à des phénomènes "naturels", d'une "nature"
bien artificielle !
Des noces chimiques entre papier et révélateur !
Par ailleurs, avoir choisi des jouets m'octroie le concours d'objets
chargés de sens. Le jouet, c'est une représentation reçue et des
possibilités d'imaginaire.
Les différentes stations du soldat sont révélatrices de stéréotypes,
voire d'un contexte politique : ainsi le soldat Allemand représenté
les bras en l'air en signe de reddition nous interroge sur les jeux
de nos grands-parents... A quoi jouait-on ?
Mais "Parade " n'est pas une étude de sociologue ; ce serait plutôt
une fable.
Non pas un défilé de bons petits soldats, mais plutôt un spectacle
de foire, un défilé carnavalesque ou un théâtre grotesque...
extrait de la série des fables - Parade ©2000 Fortunier
Né en 1966 à Saint-Etienne,
Maîtrise de Photographie à l'Université de Provence en 1989.
Vit et travaille en région parisienne.
Photographe indépendant depuis 1992, sous le statut d'artiste
auteur.
Collabore à diverses publications institutionnelles et
publicitaires.
Spécialisé dans la nature morte.
Souhaite s'orienter vers la photographie d'objets d'art
(sculpture).
Lauréat de la Dotation Photo Service. Arles 2001
dernière modification de cet article : 2001
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