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l'auteur
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Eric DESSERT : une autre Chine
Interview à l'occasion de la sortie du livre :
Galerie-photo : Pourquoi la Chine ? Eric Dessert : Je souhaitais depuis très longtemps me rendre en Chine. Toujours, cette destination m'est apparue inaccessible. Elle était ce que l'on nomme le bout du monde. Celui des terres, certes, mais surtout celui d'une civilisation qui, enfant, m'effrayait au plus au point après avoir vu ce film en noir et blanc "l'enfant et le cerf-volant" film que je n'ai jamais revu depuis mais qui a nourri bon nombre de mes premiers cauchemars.
En 2002, c'était en France l'année de la Chine suivit de celle de la France en Chine. C'est ce que l'on appelle les années croisées. J'ai proposé un projet à Culturesfrance ainsi qu'à la Ville de Lyon qui entretient avec la ville de Canton un important partenariat commercial, industriel, scientifique, éducatif et culturel. C'est ainsi que j'ai pu me rendre dans la province Guizhou en automne 2002 pour cinq semaines et battre la campagne reculée où vit et travaille de la terre une population innombrable.
Un livre sur la Chine rurale au moment où on ne voit plus que des images de l'explosion de la Chine urbaine en somme ? Vous connaissez mon attachement pour le monde paysan. J'y trouve mon bonheur où que je sois partout dans le monde. Le sujet semble à première vue, au regard des millénaires qu'il a fallu pour s'ériger, inépuisable et apparemment intangible. Il est pourtant si fragile dans son équilibre, à chaque pas près à basculer, à s'effondrer se laissant dévaster ou engloutir au moindre des faux pas des hommes qui en vivent.
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Eric Dessert© - Guizhou
Mais je n'y vais pas par urgence pour témoigner de ce qui est où de ce qui fut mais tout simplement et essentiellement par goût et par amour de la vastitude, de l'air qu'on y respire et des hommes qu'on y rencontre. Porter ma chambre sur l'épaule dans de tels endroits offre à l'idée que je me fais de ce qu'est à ma façon la liberté de vivre vraiment son développement le plus harmonieux. Il me semble que je pourrais très bien composer de la musique si j'étais musicien ou bien écrire si j'étais écrivain. Je croise des paysans qui portent l'outil sur l'épaule....Inutile de savoir parler le Chinois pour se comprendre.
Comment est-ce que cela s'est passé sur le terrain ? J'ai effectué un premier voyage au retour duquel je n'ai eu de cesse que de vouloir y retourner. S'en sont suivis trois autres voyages au Sichuan en 2007, au Xinjiang en 2008 et au Gansu cette année en février. J'ai toujours avec moi un guide car je ne parle pas le chinois ainsi qu'un chauffeur car les routes sont très difficiles outre le fait qu'un étranger ne puisse pas conduire sauf à obtenir un permis spécial. Conduire ou photographier, il faut choisir. J'ai choisi de rester en vie et de voir. Le soir, petit hôtel au bourg le plus proche, choix de la chambre en fonction de la possibilité de pouvoir décharger et recharger dans l'obscurité les châssis. Chambre souvent commune avec le guide et le chauffeur... cela fait des souvenirs.....
Quel est l'angle de ce regard porté sur la Chine ? L'éditeur est Alain Franchella qui a crée à Lyon les Editions Lieux-Dits il va bientôt faire dix ans. C'est lui qui avait publié mes photographies du Japon dans la collection 24 images. Cette fois-ci, nous voulions un livre, certes, mais un propos accompagnant les images qui soit non pas un texte à dormir debout mais une plume qui nous parle de cette Chine rurale d'aujourd'hui, non pas celle des tour opérateurs mais celle du paysan normal dans un cadre échappant à celui mille fois représenté et qui à force nous éloigne de la réalité de celle d'à côté. Ma Chine en rien ne scelle davantage une quelconque vérité en ce domaine. Voilà ce que j'ai vu, c'est tout. Non pas, voilà, c'est comme cela là-bas. Je ne porte témoignage de rien. je photographie ce que j'aime avant tout et ne souhaite emporter l'adhésion de personne à une cause qui n'a jamais germé au fond de moi. Je ne revendique rien et surtout pas d'être un photographe écolo comme le sont d'autres en agriculture, en architecture ou plus stupidement en art plastique qui s'apparente de plus en plus, nous le savons à du spectacle...
J'ai vu la pollution, je connais la cause tibétaine, la condition ouvrière, celles des prisonniers politiques (la nôtre en France également) la vie en ville, la nécessité de fuir la campagne pour aller travailler en ville pour faire vivre sa famille restée à la campagne et payer les études du fils ou de la fille unique, je sais tout cela et bien plus encore qu'il suffit de regarder pour comprendre lorsque l'on se rend sur place. Je n'en fais pas mon combat de première ligne. Mon effort se concentre sur ce qui est beau à mon sens.
A moins d'être stupide, le reste en est déduit car il faut savoir que l'on vit là-bas comme nous ici, ni pire ni meilleur. J'ai vu des femmes pliées sous la charge, des hommes meurtris par l'outil mais j'ai vu aussi des hommes libres sur leurs chevaux, à conduire leurs troupeaux de yaks par milliers à la frontière du Tibet avec au fond des yeux une fierté que je n'ai encore jamais rencontré par ici car cette fierté était rayonnante d'amour...
dernière modification de cet article : 2009
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