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le photographe
On dit de lui qu’il est l’«Ansel Adams des Everglades».
Né en 1942 dans le Missouri, Clyde Butcher fait des études d’architecture
en Californie, puis ne se sentant pas très doué pour le dessin,
s’oriente vers la photographie. Après une carrière en dents de scie,
c’est en 1980 qu’il s’installe en Floride et découvre avec passion ces
paysages uniques. Grand amoureux de la nature, il décide de les
immortaliser afin d’aider à leur protection. Son but est d'aiguiser
notre regard afin que nous puissions prendre conscience de la beauté de
l'environnement.
En 1987, le Water Management District du sud de la Floride lui
propose de participer à une campagne de deux années, de sensibilisation
de protection de la vie sauvage.
En l’an 2000, il reçoit le Prix Ansel Adams qui récompense les
photographes qui contribuent à la conservation du patrimoine par la
photographie.
Aujourd’hui encore et plus que jamais, il participe à
toute entreprise en faveur de la protection de la vie sauvage.
Clyde Butcher travaille avec les formats de prise de
vue extrêmes, 8X20, 11X14 en noir et blanc exclusivement.
Clyde Butcher ne s’arrête pas à la prise de vue ; il
produit des tirages géants sur papier baryté.
Ses premiers grands tirages étaient lavés dans une piscine ; depuis il
travaille dans un laboratoire de 150m2 où trône un
agrandisseur sur rails (fabriqué à partir d’un ancien appareil en bois
de format 24X36 inches) pour effectuer des tirages muraux et sept autres
agrandisseurs verticaux pour tirages «normaux».
Une pièce humide contient une série de cuvettes en
plexiglas faites spécialement pour traiter directement les plus petits
tirages de100X150 cm. Pour les tirages de plus grande taille, 150x240
par exemple deux personnes sont nécessaire ainsi que du matériel
spécialement conçu.
Le montage final s'exécute au moyen de trois presses
dont une à chaud de 150X360, de 120X240 et 120X180. C’est la phase la
plus critique, la plus difficile à mettre en œuvre et qui peut ruiner un
tirage... qu’il faut alors recommencer.
http://www.clydebutcher.com
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Clyde BUTCHER
propos recueillis par
Michel Braud
le 16 octobre 2003
M.B. : Clyde, pourquoi exclusivement le
N & B ? En visitant votre galerie à Venice, j’ai découvert un tirage de
la photo des Dunes en couleur, est ce à partir de cette image que votre
choix s’est opéré ?
C.B. : J’ai commencé la photographie
de paysage dans les années soixante en ne faisant que des images en N &
B. J’essayais de gagner ma vie en tant que photographe paysagiste mais à
cette époque la photographie n’était pas considérée comme un art à part
entière. J’avais une famille à nourrir et je décidai alors de
photographier en couleur, ma photographie devint alors « décorative » et
se vendait, elle répondait aux goûts de l’époque… des jaunes, des verts
des or…. Cela fonctionnait parfaitement et j’ai photographié en couleur
pendant vingt ans mais j’ai toujours voulu revenir au N & B.
Après la disparition accidentelle de mon fils en 1986, j’errais dans les
Everglades avec mon appareil, tentant d’apaiser mon chagrin. Je
réalisais que la vie était trop courte pour ne pas faire ce qu’on l’on a
profondément envie de faire.
Dans le N & B, il n’y a pas de couleur majeure directive qui transcende
les sens ; son unité offre une image plus apaisante et fait ressortir
les détails les plus fins.
Pour le tirage couleur de la photo des Dunes, c’était au moment ou j’ai
voulu comprendre la différence entre mes images couleur et N & B.
J’avais donc fait des tirages de plusieurs photos en couleur et en N & B
pour « sentir » la différence émotionnelle.
clyde butcher ©
Recherchez vous des lumières
particulières, il y a-t-il des heures et des périodes de l’année qui ont
votre faveur ?
J’ai passé ma vie avec les yeux grands
ouverts. Je ne vais jamais dans la nature sans un appareil photo. Si la
lumière est belle, je photographie. Si j’ai l’impression qu’elle peut
être encore plus belle à différentes heures ou périodes de l’année, j’y
reviens.
Mais je dis souvent que le meilleur moment pour photographier c’est
quand vous êtes vivant. Bien sur il est souhaitable que la lumière soit
juste, mais à l’inverse de la couleur ou l’on recherche les lumières
matinales ou de fin de soirée, une photographie en N & B peut être prise
à n’importe qu’elle heure de la journée. Que le ciel soit couvert ou
dégagé n’a aucune importance, il suffit de savoir regarder.
Quel matériel utilisez vous et pour
quelles raisons ?
J’utilise trois chambres Deardorff de
formats différents 5X7 , 8X10, 11X14. Ces grands formats rendent justice
à la nature qui fourmille de détails.
Mais le grand format vous oblige à un certain cérémonial, une lenteur
qui est en parfaite harmonie avec la nature que je photographie. Cela me
permet d’en apprécier tous les instants.
Il arrive qu’il s’écoule plusieurs heures avant que j’expose mon premier
film. Exposer une photo dans la précipitation avec l’espoir qu’elle sera
bonne, n’est pas la bonne démarche.
Il faut savoir être patient et prendre le temps de l’observation.
Mes objectifs de prédilection sont des grands angulaires parce qu’ils
représentent bien ma façon de
voir. Il faut que les objectifs reflètent votre façon de regarder les
choses qui vous entourent.
J’utilise des Super Angulon 38mm, 47mm, 72mm, 90mm, 110mm, 150mm et
210mm.
Les plans film sont des T-Max 100 développés dans le révélateur T-max.
Vous réalisez des tirages argentiques
géants, quel est le but de cette démarche ?
Je veux vous faire partager cette joie
d’avoir la sensation d’être dans la nature. Je veux que vous palpiez les
textures. Seul un grand tirage peut rendre ses sensations. Il m’arrive
également de faire des tirages numériques qualité archive à partir d’une
Epson 7600.
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L'auteur de cet article
Michel BRAUD
Né le 15/06/1951
wilhu@wanadoo.fr
Michel a travaillé dans l'offshore pétrolier pendant une dizaine d'années,
en tant que scaphandrier au début, puis dans l'ingénierie ensuite. Il a
longtemps vécu expatrié en Asie du Sud-Est et avait installé son camp de
base à Singapour.
Il a utilisé un grand nombre d'appareils (Rollei 6X6 double objectifs,
Edixa, Hasselblad, Mamiya Press...) et d'agrandisseurs
Photographes préférés :
Ralph Gibson et Daniel Masclet
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Le parc des Everglades est un paradis
pour les alligators et les crocodiles ; pourtant on vous voit dans l’eau
jusqu’à la taille...
On me pose souvent cette question,
c’est vrai qu’ils peuvent être parfois effrayants, mais ils sont
plus généralement paresseux. Ils aiment les proies faciles et comme
beaucoup d’animaux, ils ont peur de l’homme, sauf si celui-ci les a
nourri alors ils deviennent très agressifs. Nous avons un alligator
de trois mètres qui vit dans le canal en bordure de notre jardin, il
est très timide. Cependant un jour, lors d’un interview télévisé,
j’étais dans l’eau avec le journaliste. C’était l’après midi, nous
dérangions sa routine lorsqu’il surveillait son territoire. Soudain
je le vis juste devant moi, il me regardait très intensément.
C’était très inconfortable, personne ne l’avait remarqué. Doucement
je saisis la pagaie du canot et lui assénas de toutes mes forces un
coup sur le nez. D’un grand bond, il s’enfuit, nous en fûmes quittes
pour une douche. Mais il n’y a d’ordinaire jamais de problème.
Non, ce qui m’inquiète le plus ce sont les éclairs par temps
d’orage.
clyde butcher ©
Vous êtes très attaché à la protection
de la nature, pouvez vous nous en dire plus ?
J’aimerais que la terre reste un
endroit sain et agréable à vivre, sinon les épidémies, la famine et la
destruction nous guettent. Il semblerait qu’en tant qu’humains nous
ayons beaucoup de difficulté à appréhender notre avenir et à comprendre
que nos actions affectent les générations futures. Notre monde est le
seul que nous connaissons, et il est splendide. Pourquoi nous traitons
notre planète comme un dépotoir, cela reste un mystère pour moi. Nous le
regretterons forcément un jour. J’aimerais voir en nous la sagesse qui
nous ferait respecter et honorer ce que nous appelons notre chez nous.
...Juste un mot enfin, complètement
hors - sujet, pour dire que je viens d’achever une lecture sur la
participation de Benjamin Franklin dans la révolution américaine. Le
passage sur son séjour en France et le sacrifice français qui nous a
aidé à gagner cette guerre est un moment dont tous les américains devraient se souvenir et être reconnaissants
envers la France... de nous avoir aidés à rester libre.
propos recueillis par
Michel Braud
le 16/10/2003
dernière modification de cet article
: 2003
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