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l'auteur
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La chambre
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Pour décrire les deux grands types de construction de la Chambre d'Ames, la page précédente procédait à une analyse plastique, à partir d'éléments plastiques (diminution apparente de taille, ligne d'horizon...) que les psychologues de la perception reconnaissent parfois en parlant d'indices picturaux (Irvin Rock). Mais, la plupart des théories élaborées depuis Adelbert Ames recherchent les mécanismes perceptifs qui sont manipulés et trompés par la construction particulière de cette pièce. En raison de ma piètre connaissance de la langue anglaise, nous en évoquerons seulement quelques-uns, sans aucun souci d'exactitude ou de prétention scientifique.
Le problème est que la Chambre d'Ames emboîte, à la manière des poupées russes, les illusions les unes à l'intérieur des autres. C'est ainsi que nous aurons à parler de la forme illusoire de la pièce, de la taille incompréhensible des personnages par rapport à la pièce et enfin de l'effet de nanisme ou de gigantisme progressif qui apparaît lorsqu'une personne se déplace à l'intérieur de la pièce.
La pièce est construite à partir d'un mécanisme connu depuis très longtemps, à savoir qu'une seule et même image rétinienne peut être la résultante de différentes constructions matérielles dans le réel. Voici une image (tirée de Coren & Girgus p. 21), qui vous montre que le carré perçu par l'observateur, son image rétinienne, peut avoir de nombreuses formes dans le réel et ainsi ne pas être le carré qu'il pensait contempler.
Le fait était bien connu de Ames lui-même, qui mériterait d'être au moins aussi célèbre et aussi célébré pour sa Chaise que pour sa Chambre. La construction en elle-même ne pose aucun problème. Tout n'est là que question de déformations perspectives connues depuis la Renaissance comme étant des anamorphoses. Et comme toute anamorphose, ces lignes disparates, dispersées dans l'espace (ci-dessous à droite), retrouveront leur unité et prendront l'apparence d'une chaise seulement quand elles seront contemplées d'un point de vue unique et précis (ci-dessous à gauche).
Mais comment se fait-il alors que nous voyions un cube, une
chaise ou une pièce plutôt qu'une des innombrables configurations
matérielles possibles qui pourraient donner lieu à la même image sur
notre rétine ? La raison est simple : nous pourrions l'appeler
force de l'habitude si les psychologues ne préféraient parler
d'expériences passées, expériences qui, à force d'être
répétées et répétées donnent lieu à des attentes. Le fait que nous,
humains, partagions un même monde avec les mêmes maisons, les mêmes
voitures et les mêmes chambres veut que nous voyons partout des
maisons, des voitures et des chambres.
Mais ici, l'expérience passée est encore accentuée par ce que les
psychologues appellent point de vue générique. Avec la
Chambre, nous sommes situés sur le côté d'une pièce et en son
milieu, à hauteur d'homme, avec un regard porté à l'horizontale. Un
point de vue générique donne ainsi à voir l'image la plus simple, la
plus claire, la plus explicite et donc la plus facilement
compréhensible qui soit d'un élément.
Mais là encore, cette notion n'est pas propre à la psychologie.
Car, cette pièce nous apparaît comme un "cube scénographique", ce
concept élaboré par Pierre Francastel à partir des intérieurs de la
pré-renaissance italienne, ces vues giottesques qui donnaient à voir
les pièces comme des boites ouvertes, des cubes dont il manquerait
le coté d'où nous les regardons.
Nous retrouvons l'attente en ce que nous nous attendons à deux
choses. D'une part, que les personnages qui évoluent dans une pièce
ordinaire aient une taille qui s'accorde avec le lieu. D'autre part,
que deux humains, adultes et ordinaires, situés à une même distance
apparente possèdent une taille plus ou moins similaire. Ces attentes
déçues seraient un des faits qui participe à l'illusion de la
Chambre.
Tandis qu'un personnage semble minuscule tant par rapport au lieu
qu'à son congénère, l'autre paraît gigantesque.
Mais tout cela n'est que présupposé facile et préjugé stupide de
psychologues qui, confinés à l'intérieur de laboratoires remplis de
souris blanches, se transforment en professeurs Tournesol peu au
fait de la réalité. Un géant peut très bien errer dans une pièce
ordinaire, en compagnie d'humains ordinaires, sans que nous ayons à
en être surpris. Voici la preuve en image :
Eddie Carmel
photographié chez ses parents à Brooklyn par
Diane Arbus.
L'illusion du nain placé a coté du géant devrait se suffire d'un nain ou d'un géant situés à coté d'un homme ordinaire. Mais, en général (hormis l'exception présentée ci-dessous), la Chambre d'Ames présente un nain et un géant. Nous pourrions penser que la chambre joue alors le rôle du troisième homme puisque c'est par rapport à elle et à son décor que nous évaluons la taille des personnes. En dépit de cette affirmation aux apparences de vérité, la perception de la taille est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.
La perception de la taille des objets repose sur plusieurs mécanismes.
En premier lieu, le système visuel utilise l'image rétinienne : plus un objet est loin et plus la taille de son image projetée sur la rétine sera petite.
Ainsi, dans cette chambre, un personnage parait immense et l'autre semble minuscule car l'image rétinienne du premier est beaucoup plus grande que celle du second. Le personnage gauche étant réellement situé plus loin, son image rétinienne est mécaniquement plus petite. Pourtant cela ne nous avance guère puisque nous croyons toujours qu'ils sont adossés au mur de la pièce.
Un autre mécanisme est encore à l'œuvre dans la perception de la taille. La convergence oculaire des yeux donne, elle-aussi, des informations fiables sur la distance. Plus un objet est proche et plus les yeux sont amenés à converger pour former un angle de plus en plus important. Le personnage situé à droite, qui nécessite un angle de convergence plus élevé que celui de gauche, devrait nous paraître plus proche. Malheureusement, la convergence oculaire suppose que nous nous servions de nos deux yeux, ce qui n'est pas toujours le cas ! Face à une image plane prise avec un objectif monoculaire, notre vision binoculaire perd tout intérêt. Ainsi, ni les photographies de la pièce, ni les vidéos citées dans la webographie de cette section ne font appel à la vision binoculaire. Quant aux constructions de la Chambre d'Ames (Cité des sciences de La Villette,...), ces dernières utilisent la plupart du temps un viseur, œilleton ou judas qui, là encore, élimine la possibilité de la convergence oculaire. La Chambre d'Ames est une chambre de borgne !
Un troisième mécanisme visuel intervient encore : la
taille relative des objets les uns par rapport aux autres.
Du fait de nos expériences passées (déjà évoquées plus haut), nous
sommes amenés à évaluer les tailles en fonction de notre
connaissance du contexte. Avec cette chambre, nous ne pouvons nous
empêcher de comparer la taille des personnages avec le décor qui les
entoure. C'est ainsi que le personnage dont la tête touche le
plafond passe pour un géant alors que celui dont la tête arrive à
peine au milieu de la porte devient un nain.
Le plus extraordinaire est que notre système visuel, face à des
indices contradictoires de taille, privilégie le mécanisme le moins
"optique". Plutôt que de se fier à la taille de l'image rétinienne,
notre système perceptif préfère évaluer la taille des éléments à
partir de connaissances et de l'attente de la répétition éventuelle
de ces connaissances antérieures.
Al Seckel et Alice Klarke se sont rendus compte que le décor de la pièce était inutile. Leurs modèles, qui utilisent une ligne d'horizon, à l'apparence horizontale, et des fuyantes apparemment justes, suffisent à donner l'illusion du nain et du géant. Mais, cela n'est guère surprenant pour quiconque pratique un tant soit peu la perspective. Tout dessinateur sait qu'il suffit, pour évaluer la distance d'un élément dans une image, de tenir compte de la position de sa base dans la hauteur de l'image. La règle à observer est la suivante : plus la base d'un élément se rapproche de la ligne d'horizon, plus cet élément est éloigné. Dans le cas de la Chambre d'Ames, où la ligne d'horizon est masquée par le mur, nous utilisons la ligne de sol, endroit le plus éloigné de l'image. Ainsi, lorsque deux personnages ont leurs pieds au niveau de la ligne de sol, ils devraient, en toute logique, avoir une taille plus ou moins identique. Lorsque cette règle n'est pas respectée et en l'absence d'un décor de référence, nous pourrons tout autant croire à la présence d'un nain ou d'un géant à coté d'une personne ordinaire, qu'à la rencontre d'un géant et d'un nain.
La dernière illusion issue de la Chambre d'Ames concerne le déplacement latéral des personnages dans la pièce.
Ainsi, lorsqu'un personnage circule de la droite vers la gauche, vous aurez le sentiment qu'il diminue, peu à peu, de taille pour devenir un nain. À l'inverse, lorsque ce même personnage se déplacera de la gauche vers la droite, il se transformera, petit à petit, en géant.
La logique aurait voulu que ces déplacements nous fassent revenir à une juste vision des choses : le parcours droite/gauche devrait éloigner le personnage vers le lointain tandis que le parcours gauche/droite devrait le rapprocher de nous. Nous sommes ainsi amenés à penser que l'illusion de la pièce cubique est plus forte que l'illusion de taille des personnes.
Si ce n'est que nous n'avons guère l'habitude de voir des gens se transformer en nain ou en géant lors d'un banal déplacement. Ainsi, en raison du principe de constance de taille, nous ne voyons pas des nains lorsque des personnes s'éloignent de nous. Le principe de constance de taille, appliqué à des éléments connus du monde, est fait pour nous éviter ce genre d'illusions. Grâce à lui, nous savons, lorsque nous sommes au volant de notre automobile, que les voitures au loin ne sont pas des jouets miniatures et que les arbres éloignés ne sont pas des bonsaï. Que peut-il donc se passer pour que l'inévitable principe de constance de taille n'ait pas accès à cette satanée chambre ?
Al Seckel et Alice Klarke pensent avoir trouvé une solution. Ce n'est pas tant l'illusion de la pièce qui est forte que l'illusion du déplacement en profondeur qui serait faible en ce qu'elle ne correspondrait pas aux règles admises habituellement par notre système perceptif.
Nous venons de voir que pour évaluer la distance d'un élément, il suffit de tenir compte de la position de sa base dans la hauteur de l'image. Lors de l'éloignement d'une personne, que ce soit dans la profondeur d'une chambre ou d'un paysage, deux phénomènes devraient apparaître. D'une part, les pieds du personnage s'élèveront peu à peu dans la hauteur de notre champ visuel, en s'approchant de la ligne d'horizon. D'autre part, la tête du personnage descendra progressivement dans la hauteur de ce même champ visuel, pour se rapprocher de la ligne d'horizon.
D'après Al Seckel et Alice Klarke, les choses ne se passent pas ainsi dans la Chambre d'Ames. En raison de la pente du sol de la pièce, un parcours de la droite vers la gauche, parcours descendant qui éloigne réellement le personnage, fait que les pieds du personnage suivent une trajectoire horizontale dans votre champ visuel. Ne pouvant plus se fier à ce repère habituel et fondamental, notre système perceptif choisirait alors une interprétation qui, pour lui, serait moins absurde : c'est ainsi qu'un personnage qui se transforme en nain serait moins gênant pour notre système visuel qu'un individu dont les pieds suivent un parcours horizontal lorsqu'il s'éloigne.
Après avoir vu quantité de vidéos dans une Chambre d'Ames, j'ai
pu observer ce déplacement à l'horizontale des pieds du personnage
qui s'éloigne. Je n'ai rencontré que trois exceptions avec une
montée progressive, mais faible, des pieds du personnage dans la
hauteur du champ visuel :
http://www.youtube.com/watch?v=qb_X91HU-Pw&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=EOeo8zMBfTA
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=hCV2Ba5wrcs
Dans ces videos mais surtout dans la suivante, il est à noter que la
tête descend, quant à elle, fortement dans la hauteur du champ
visuel.
http://es.wikipedia.org/wiki/Archivo:Ames_room.ogv
Dans un premier temps, lorsqu'elle est importante et n'est pas accompagnée d'une montée équivalente des pieds, une forte descente de la tête dénote habituellement l'éloignement progressif d'un personnage qui serait perçu d'une position basse, située au niveau du sol. Malheureusement, la plupart des chambres possèdent un œilleton placé à hauteur d'enfant.
En un second temps, un parcours horizontal ou une trop légère montée des pieds, lorsqu'elle est accompagnée d'une tête s'abaissant fortement dans la hauteur du champ visuel, pourrait tout simplement être comprise comme l''éloignement d'un personnage sur un plan incliné légèrement descendant. Comme dans la plupart des Chambres d'Ames, le sol est constitué d'un plan incliné qui s'approfondit vers la gauche, notre homme s'éloigne donc sur un plan incliné descendant. En empruntant ce plan incliné, les pieds d'un individu vont peu à peu s'abaisser dans la hauteur de notre champ visuel, mais, puisque cette descente s'effectue dans la profondeur, non perçue mais bien réelle, de la chambre, les pieds de ce même individu devraient peu à peu s'élever dans la hauteur de notre champ de vision. Ce conflit de l'abaissement et de l'élévation de la hauteur des pieds pourrait donner lieu à l'illusion d'un parcours horizontal. Ce conflit, variable selon la configuration des chambres (profondeur, inclinaison du sol, emplacement du point de vue,....) pourrait alors expliquer le fait que ce parcours ne soit pas toujours parfaitement horizontal.
Une fois ce parcours horizontal mis en place, le système perceptif ne peut guère envisager un éloignement du personnage dans une chambre où tous les indices, fuyantes, portes, fenêtres et carrelage tendent à vous donner l'illusion de la frontalité et de l'orthogonalit����������. Pourtant, bien que dépourvu de murs, le modèle de Al Seckel et Alice Klarke offre paraît-il l'illusion du nain et du géant. Nous allons donc essayer de comprendre plus avant comment la perception peut très bien se suffire et s'accommoder de "détails" tels que la ligne d'horizon et les fuyantes pour en arriver à l'illusion du nanisme et du gigantisme.
Le plus curieux est qu'après de nombreux débats entre les
différentes écoles de psychologie, une des théories les plus
récentes utilise une terminologie plastique (ligne d'horizon, ligne
de sol, fuyantes...) pour essayer de comprendre les mécanismes
perceptifs à l'œuvre dans cette illusion. Mais, pour lors, tout cela
reste incertain, des phénomènes restent inexpliqués.
Le passage du nain au géant mérite encore réflexion. Non pas tant
que le déplacement ne soit pas toujours horizontal mais en ce que
d'autres paramètres ont peut être été oubliés. Je vais donc apporter
mon rocher de Sisyphe à cette construction inclinée, en jouant
l'explorateur de pistes tout aussi bancales et tout aussi
incertaines.
WEBOGRAPHIE SECTION 2 WEBOGRAPHIE VIDÉOS BIBLIOGRAPHIE
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Après avoir évoqué la plupart des théorie connues sans avoir totalement percé le mystère de la Chambre d'Ames, moi, aventurier sans scrupules et sans retenue, vais tenter de creuser mon trou en traçant D'AUTRES PISTES sur le SOL incliné de cette satanée CHAMBRE tordue.
Personne ne semble avoir fait le rapprochement
entre la Chambre d'Ames et la perspective accélérée. C'est ainsi
qu'une expérience serait à tenter afin d'évaluer l'importance du
volume apparemment cubique de la chambre quant à l'illusion du géant
qui se transforme en nain. Il suffirait pour cela de découper, dans
toute sa longueur, une moitié de la galerie du Palais Spada de
Borromini afin d'y faire circuler un humain ordinaire, puis de
filmer le tout afin de, peut-être, retrouver l'histoire du nain qui
se transforme en géant.
À envisager la réussite de l'expérience, nous serions alors amenés à
penser que cette illusion, qu'elle soit perçue dans une chambre ou
une galerie, résulte de la confrontation des deux éléments en
présence : un mouvement dans la latéralité de l'espace et l'illusion
de Ponzo, pour l'occasion renversée à l'horizontale.
Alors que les deux silhouettes sont de taille
égale, nous pensons que celle de droite est plus grande. Les deux
lignes convergentes créent un effet illusoire de perspective.
Confronté à une vue perspective, notre système visuel tend à
corriger la diminution de taille aberrante que celle-ci induit pour
les éléments connus de taille constante. L'illustration ci-dessous
présente trois colonnes qui semblent grandir au fur et à mesure de
leur éloignement, alors qu'elles sont de taille égale. C'est ainsi
que l'illusion de Ponzo naît d'une application trop stricte du
principe de constance de taille à des situations évoquant des vues
perspectives.
ADDENDUM PROVISOIRE
L'idéal serait de réaliser une version animée de l'illusion figée
aux deux personnages. Une animation, Gif ou Java, où un personnage
unique se déplacerait de gauche à droite et de droite à gauche,
devrait montrer la transformation du nain en géant et inversement.
Mais, pour lors, je n'ai pas les connaissances techniques
nécessaires à la réalisation de cette animation des plus simples.
(1)
CONCLUSION TEMPORAIRE
L'évident reproche que tout un chacun pourra adresser à cette
réflexion est que la Chambre d'Ames élimine justement notre
perception de l'obliquité réelle des lignes de la pièce pour nous
laisser croire à leur parallélisme illusoire. Comment pourrions-nous
comparer la taille d'une personne avec des lignes convergentes non-perçues ?
En premier lieu, il est à noter que certaines vidéos de la chambre
présentent un mur du fond non-rectangulaire, quand ce n'est pas le
point de vue (l'œilleton) qui, parfois décalé vers la droite, en
arrive au même résultat.
http://www.onlinewahn.de/raum.htm
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=hCV2Ba5wrcs
En second lieu, la perception humaine est beaucoup plus complexe que
nos yeux tendent à nous le laisser croire. Dès 1886, Helmholtz avait
proposé un inconscient de la perception visuelle : certains éléments
du réel, bien que reconnus comme tels par les mécanismes de notre
système visuel, ne sont pas connus de celui qui les a perçus ou si
ils sont connus peuvent ne pas être pris en compte, in fine, dans
l'image finalement perçue. Plus tard, en 1983, Libet a montré que la
décision d'action, comme prendre un verre sur une table, était déjà
cérébralement initiée avant même que nous ayons conscience d'avoir
pris cette décision. En cela, rien n'est simple.
Après avoir beaucoup surfé dans les différentes
chambres que le web nous propose, j'ai été amené à constater que
toutes les chambres où nous avons l'illusion du nain et du géant
utilisaient un carrelage pour orner le sol. Ces vidéos sont ainsi
amenées à présenter un "nain" dont les pieds rentrent totalement à
l'intérieur d'un carreau, alors que ceux du "géant" débordent
largement. Nous pouvons voir et donc juger la taille du personnage
déambulant en fonction de carreaux, qui tout en étant apparemment
identiques, ne le sont pas.
Pour cela, il vous suffit d'observer la taille relative des pieds de
la mère et de l'enfant par rapport à la taille des carreaux qu'ils
recouvrent.
Ainsi, là encore, une expérience serait à tenter : construire deux chambres à l'identique, dont l'une serait dépourvue de carrelage afin d'évaluer l'importance du carrelage. Depuis Gibson, le carrelage, comme tout élément répétitif diminuant avec l'éloignement, est à considérer comme étant un gradient de densité, élément essentiel dans la perception que nous avons de l'espace. C'est ainsi que le gradient de densité est un indice de perspective qui, en certaines occasions, arrive à produire les mêmes effets délétères que l'illusion de Ponzo. Bien que les deux disques noirs possèdent une taille identique, le disque supérieur parait plus grand du fait qu'il recouvre des gradients serrés et diminués (Coren & Girgus, p. 132).
L'hypothèse envisagée maintenant est la suivante :
notre système visuel est confronté à une incohérence qu'il va
essayer de résoudre de la manière la plus économe qui soit. Si la
taille d'un personnage diminue alors que la taille des gradients, du
décor régulier sur lequel il se déplace, reste constante, ce
personnage ne peut s'éloigner. En cette occurrence, l'environnement
apparent, tant la vision d'une pièce cubique que la constance de
taille supposée des gradients dans la latéralité de l'espace,
s'oppose à l'hypothèse d'un éloignement du personnage. C'est ainsi
que notre système cognitif serait amené à choisir la solution la
moins improbable pour lui (et pourtant si effarante pour nous) du
géant qui se transforme en nain.
Afin de vérifier cette hypothèse a contrario, j'ai été amené à
produire des figures qui, à la manière de l'illusion de Ponzo aux
deux personnages, et surtout à la manière de l'illusion de Coren &
Girgus, auraient dû conforter cette idée. Malheureusement, comme
vous pouvez le constater, tout a échoué.
En ces deux images, le bonhomme situé à droite ne parait pas plus
grand que celui placé à gauche.
Vexé comme un pou, j'ai essayé d'autres dispositions de gradients. Autres dispositions tout aussi inutiles et inefficaces que les précédentes.
Cet échec est tel qu'il pose question. Comment deux disques égaux peuvent-ils paraître inégaux en fonction de gradients diff��rents tandis que deux silhouettes ne sont pas affectées par une modification similaire ?
La première remarque venant à l'esprit est que les
disques sont posés au milieu des gradients de densité, alors que les
bonhommes sont au sommet. Mais la transformation du géant en nain
s'opère la plupart du temps lorsque le personnage déambule au fond
de la chambre, sur la dernière rangée de carreaux. Nous en sommes
ainsi arrivés au monde à l'envers d'une illusion attendue et je n'ai
aucune explication à proposer pour expliquer cette mésaventure.
WEBOGRAPHIE SECTION 3
http://en.wikipedia.org/wiki/Ponzo_illusion BIBLIOGRAPHIE |
Première parution de ce texte sur le
site de
l'auteur
http://figuresambigues.free.fr/
en février 2013.
(1) Voir, par exemple le gif animé suivant :
https://giphy.com/gifs/girl-short-tall-sAx048JWG8iKQ
tous les textes
sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs |
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une réalisation phonem |
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