CARLES MITJÀ
PHOTOGRAPHE - HÉLIOGRAVEUR
propos recueillis
par Michel Ramel

Breeze #1 © Carles Mitjà
Carles Mitjà, pourriez-vous
nous décrire votre parcours de photographe ?
J'ai
commencé la photographie lors de mon travail
dans un laboratoire d'analyse clinique. J'ai dû
apprendre des aspects très techniques pour faire
des reproductions macro sous la lumière UV. Je
disposais alors d'un Leica M3, d'un accessoire
hybride reflex-macro et de l'objectif Summicron
50 mm. Très vite je suis passé à la prise de vue
sans l'accessoire macro et j'ai fini par acheter
mon premier boîtier, un Nikon F2.
La photographie m'a beaucoup séduit et au bout
de quelques années, j'ai décidé de m'y consacrer
professionnellement. J'ai travaillé pendant 18
ans dans la domaine de la photographie
industrielle, publicitaire et la reproduction
d'œuvre d'art. J'ai utilisé tous les formats
jusqu'à la chambre 4x5" et occasionnellement le
8x10".
En 1994 j'ai été engagé comme conseiller dans un
projet pour l'enseignement de la Photographie à
l'Université Polytechnique de Catalogne (UPC).
Là j'ai découvert un monde nouveau et me suis
dévoué à l'enseignement jusqu'à la retraite.
Après les premiers cours, je me suis éloigné de
la prise vue commerciale ou picturale pour me
concentrer sur la mesure de la qualité de
l'image numérique pour applications
scientifiques.
Je poursuivais en parallèle
mes travaux personnels : prise de vue de paysage
à la chambre, développement des films et tirage
des épreuves en noir et blanc dans mon propre
laboratoire.
Après ma retraite, je me suis intéressé à
l'héliogravure comme forme de présentation de
mon travail photographique.

Fern #2 © Carles
Mitjà
Vous pratiquez l'héliogravure
depuis quelques années, dites-nous pourquoi ce
choix ?
J'ai
découvert l'héliogravure au 1982 dans un
reportage sur le photographe Jon Goodman dans le
magazine Camera, édité en Suisse. Il y racontait
son voyage des Etats-Unis à l'Europe pour
trouver quelqu’un qui pratiquait encore
l'héliogravure. Cela a attiré mon attention,
mais mon quotidien professionnel ne m'a pas
laissé le temps d'essayer. Enfin, une fois à la
retraite, je m'y suis consacré.
Le parcours a été long parce qu'en plus de la
technique de réalisation de la plaque de cuivre,
il m'a fallu aussi apprendre le métier de
graveur imprimeur. Malgré ces difficultés,
l'héliogravure, à mon avis, est une des plus
belles formes de présentation de l'image
photographique. C'est actuellement la seule
technique que j'utilise pour montrer mon
travail.

Ice #1 © Carles Mitjà
Les raisons ne sont pas toujours faciles à
exprimer. La plaque de cuivre est une première
forme d'image d'une beauté remarquable. Les
estampes tirées avec des papiers et des encres
de qualité ont une présence physique et tactile
difficile à décrire. Enfin, tout le procédé,
manuel et complexe, est une suite d'opérations
qui me permet de rester en contact avec l’image
depuis la prise de vue jusqu'à la contemplation
de l'estampe imprimée.

Stone wall #2 © Carles Mitjà
Galerie-photo : Parlez-nous
de votre démarche photographique actuelle ?
Il n'est
pas facile de parler de ses propres images.
Depuis mon enfance, j'aime la montagne et la
nature est un milieu familier pour moi dans
lequel je me sens bien. Le paysage a donc
toujours été mon sujet de prédilection. Parfois
même, je pense à ces morceaux de nature comme
des natures mortes. En parallèle, je prends
aussi des natures mortes au sens le plus courant
et du paysage urbain.
Dans ce qui me pousse à déclencher la prise de
vue, je citerais la simplicité qu'on peut
trouver même dans les sujets les plus complexes
: la forme, le silence, l’indépendance du
contexte.
Depuis que je pratique l'héliogravure, je me
sens aussi attiré par la texture contenue dans
la forme.
Après la prise de vue, je traite l'archive RAW
avec soin, essayant des modifications locales de
contraste, me remémorant les sensations du
moment de la prise de vue. Voir, regarder encore
une fois. Laisser passer le temps. Revoir le
lendemain. On peut tout changer (ou non) et
voilà. L’IMAGE est là. Je suis en quête d'une
image avec une très belle plage tonale et un
niveau de contraste que je considère adaptés à la
situation.
Une fois l'image créée, j'en veux une
reproduction : sur un beau papier et avec de
l'encre véritable, mais une TRÈS BONNE
reproduction de ce que j’ai déjà créé
auparavant. Ma démarche en héliogravure a pour
objectif d'obtenir cette reproduction fidèle :
je fais évoluer sans cesse mes méthodes pour
standardiser mon processus afin de réduire les
incertitudes dans la réalisation de la
reproduction.

Tree #9 © Carles Mitjà
Que pouvez-vous nous dire sur
votre série Die Mauer ?
La
série
Die Mauer est un travail mémoriel que j'ai
réalisé à Berlin en 2018 et finalisé en 2020, et
dans lequel certains rappels de l'ancien mur de
Berlin (Die Mauer) montrent encore aujourd'hui
ce que j'ose qualifier de faits humains
absurdes. L’absurdité des faits de cette époque
et le manque de mémoire d’aujourd’hui m'ont
guidé dans ce travail.
Il est présenté sous la forme d'un livre d'artiste, composé de six
héliogravures imprimées sur du papier Sommerset
Soft White avec l'encre Gamblin Bone Black et
d'une plaque de cuivre gravée.

Die Mauer #3 © Carles Mitjà
Pour en savoir plus :
- Site web :
carlesmitja.net
- Contact :
carles(at)carlesmitja.com
Dernière
mise à jour : janvier 2022
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