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l'auteur

Henri Peyre
Né en 1959
photographe
Beaux-Arts de Paris en peinture
webmaster de galerie-photo
ancien professeur de photographie
à l'Ecole des Beaux-Arts
de Nîmes

www.photographie-peinture.com
organise des stages photo
www.stage-photo.info


 

 

 

 

 

 

Argentique ou Numérique ?

1/ Place du numérique par rapport à l’argentique vis à vis de la haute résolution

Il n’est pas aujourd’hui possible de prendre des photographies numériques en haute résolution de façon satisfaisante, hors le studio. Il existe des appareils de prise de vue numérique haute résolution pour le studio mais la vitesse d’acquisition est très lente et il faut qu’ils disposent à leur côté de l’ordinateur où ils déversent le flot continu de leurs données. Encore faut-il que les natures photographiées soient absolument mortes au regard des temps d’acquisition de l’image qui sont très longs. Ainsi réaliser un portrait numérique de très haute résolution tient encore de la gageure. Il faut accepter également l’abominable câble qui relie le système d’acquisition à l’ordinateur. Ce cordon ombilical gêne la liberté de mouvement lors de la prise de vue, et interdit toute prise de vue en extérieur. La meilleure façon d’acquérir des clichés de haute résolution en numérique est encore pour l’instant de combiner la photographie argentique normale en prise de vue à une acquisition scanner. L’idéal est de réaliser ces prises de vue sur une pellicule négatif papier qui offre le champ de contraste le plus étendu, et de scanner le négatif obtenu sur un scanner à transparent de bonne qualité.

Si on suit ce procédé, on tombe sur un inconvénient au moment du passage du négatif au scanner : l’accumulation prévisible de poussières sur le scan, qui obligera à réaliser de fastidieuses retouches avec des outils numériques (comme le Tampon présent dans le logiciel Photoshop d’Adobe).

Une fois le négatif scanné et débarrassé de ses poussières, on peut rectifier éventuellement les perspectives au moyen d’outils logiciels (outil Torsion sur Photoshop par exemple).

Ainsi n’a-t-on plus besoin des chambres pour redresser les perspectives. Ceci peut se faire à l’écran. Mieux, on peut d’un même geste corriger à la fois les perspectives horizontales et verticales, ce qui n’est pas possible à la prise de vue à la chambre.

La retouche numérique ne permet pas par contre l’augmentation de la profondeur de champ à l’infini du principe de Scheimpflug ! C’est un effet pur de la prise de vue, qui justifie à lui seul, en particulier en photographie d’objet, l’emploi d’une chambre.

2/ Un exemple de chaîne graphique haute résolution

Nous présentons ici la chaîne que nous avons pour nos photographie à l’agence :

Prise de vue :
Chambre (travaux spéciaux en général en photographie industrielle) ou Hasselblad FA (pour la facilité d’emploi)
sur négatif papier (Fuji Reala 100 ASA)
scan sur scanner flextight photo d'Imacon
retouches sur Photoshop
Tirage par procédé Fuji.

Passionné de photographie, nous avons commencé par une chambre 4x5’ Horseman. Nous avons fait l’expérience de la difficulté d’emploi sur le terrain : le matériel est lourd et inévitablement le poids émousse l’envie qu’on a de traîner l’appareil avec soi. Aussi, après plusieurs années de pratique obstinée nécessaire à admettre que nous nous étions trompé dans le choix du matériel, sommes-nous passé à une chambre folding Linhof Technika, beaucoup plus portable et au soufflet quasiment aussi long. La prise de vue avec cette chambre était déjà beaucoup plus agréable, et convenait bien mieux à notre vocation de paysagiste. Nous avions toutefois acquis cette chambre d’occasion avec des optiques anciennes dont la qualité parfois un peu courte nous a conduit finalement à recycler l’optique Nikon récemment acquise avec la chambre Horseman sur une planchette Linhof. Ainsi équipé, nous avons réalisé un grand nombre de photographies de paysage à la manière d’un peintre. S’installer reste quelque chose d’assez long, compliqué, mais agréable. On prend son temps, mais c’est un art de vie. La chambre fait des curieux. On discute. La visée inversée, en particulier est un inépuisable sujet de conversation. Nous considérons qu’elle est un inconvénient évident qui peut être transformé en un immense avantage : elle oblige à une extrême rigueur dans la composition des plans, des masses et des lignes. L’inversion permet de considérer l’image de façon uniquement graphique, sans souci de sa signification émotionnelle au moment de la composition. L’image redressée y gagne une force surprenante !

Le paysage en voyage, particulièrement s’il est organisé ou familial nous a toutefois contraint à admettre que la Linhof était encore trop lourde pour le tourisme. Nous sommes donc passés à un Hasselblad FA qui présentait l’avantage d’avoir une taille plus réduite, une optique Zeiss excellente en standard, et un système de mesure de la lumière intégré qui nous permettait d’éviter la cérémonie de la cellule à main. Les pellicules pouvaient alors également être traitées à la Fnac, proche de notre lieu de résidence. (Les planches 4x5 nécessitaient toutes une préparation qui font partie du plaisir, comme le chargement dans un manchon par exemple, mais qui ajoutent des risques d’insolation accidentelle, de la part du photographe mais aussi du labo. Les deux dangers les plus importants en 4x5 sont certainement la deuxième exposition par défaut d'attention à la prise de vue et le coup de griffe d'une pince mal manipulée au développement).

En définitive, nous sommes aujourd’hui dans une situation où nous sommes ravis d’avoir les chambres pour les photographies d’objets, les photographies rapprochées (macro) ou les photographies pour des clients ayant besoin de photographies géante de haute qualité pour affichage de grande surface (sur sucettes urbaines ou panneaux d’abribus par exemple). Par contre, en pratique courante, nous nous servons quasi exclusivement de l’Hasselblad.

Après la prise de vue et le développement en labo standard ou professionnel, nous scannons les images sur un scanner à transparent Imacon Flextight Photo. Ce matériel récent qui vaut la bagatelle de 50000 F HT donne des résultats d’une qualité incroyable. Nous avons eu quelques ennuis au début avec les planches supportant les films dont le cache se décollait et se tordait. Le service après-vente a été impeccable. Le scanner est reparti pour le Danemark et est revenu dans la semaine, avec de nouveaux caches. Depuis, tout à l’air de bien marcher.

Pour les tirages nous faisons appel au procédé d’impression numérique de Fuji (environ 4,6 € le tirage 21x29,7 sur papier photo) qui existe depuis 1999. Le résultat : des clichés d’une qualité incroyable, sur papier photographique, avec donc une conservation probable de plusieurs dizaines d’années ! Les clichés obtenus sont littéralement fascinants. Rien à voir avec les tirages sur imprimante numérique ! Seul souci : l’impression parfois justifiée que notre inspiration n’est pas à la hauteur de toute cette technologie !

Henri PEYRE - article écrit en : 2000


Octobre 2001 - Evolution de notre pratique photographique...
A près avoir relu ce que j'écrivais il y a à peine un an j'ajoute quelques précisions.
Concernant les prises de vue à l'Hasselblad, nous scannons toujours sur l'Imacon et passons maintenant le tirage sur une Epson 7500 en format 45x45 cm. Le résultat est superbe, on peut employer des papiers d'art et la conservation, rappelons-le, est de l'ordre de 200 ans encadré.
Concernant la chambre Linhof, nous avons acheté des objectifs modernes légers. Nous faisons de plus en plus de photographie à la chambre depuis quelques temps. En particulier je vais personnellement vers plus de composition dans les photographies : moins de photo, mais plus de matière grise.
Egalement : l'arrivée de nombreux scanners à plat performants pas cher débouche complètement l'avenir du 4x5. Ce format devient un point d'entrée vraiment accessible dans la photographie numérique haute résolution.

Courrier d'un lecteur (E.B.Vaudon, le 9 août 2003)
J'achève à l'instant la lecture de votre article tout en ayant bien noté sa date de rédaction puis de MAJ. Je souhaite nuancer votre position quant aux contraintes liées à l'utilisation d'un numérique haute résolution ; je travaille avec un Phase One adossé à un Hasselblad : je l'utilise autant en intérieur qu'en extérieur, pire (ou mieux, c'est selon) c'est mon outil préféré en photographie de personnage. Certes les débuts ont été un peu acrobatiques, mais il faut savoir qu'auparavant je faisais la même chose avec un RB à main levée ... S'habituer au fil est rapide, plus contraignant est le soin à apporter au portable ; ceci étant avec un minimum d'organisation (de couture et de bricolage aussi) je m'en sors plutôt bien. J'en arrive à faire du reportage événementiel (un exemple encore assez récent en extérieur a été publié en presse professionnelle). Pour conclure, s'il arrive un "plantage" informatique, il me reste toujours les A 12 et le dos Pola avec quelques rouleaux variés dans la valise. que de toutes façons je sors toujours pour le NB : ça je reconnais, le numérique ne sait et ne saura jamais faire. Bien à vous.


 

Addendum : commentaire de Guillaume Peronne 
sur cet article - reçu le 04/05/04

Je voudrais apporter un commentaire à l'article "argentique ou numérique" :
Ma remarque porte sur l'affirmation que les outils de torsion inclus dans Photoshop® permettraient de remplacer l'usage de la chambre pour "redresser" les perspectives.
Je pense que cette affirmation est de nature à tromper le débutant à la fois sur l'utilité de la chambre et sur les capacités réelles d'un logiciel de traitement d'image. Le second ne peut en aucun cas remplacer le premier, tout juste l'épauler. 

Je m'explique :
Tout d'abord, les outils de torsion, s'ils sont utilisés par exemple pour redresser des fuyantes verticales, vont recréer la matière de la façade en faisant appel à des algorithmes. Les surfaces ainsi fabriquées peuvent prendre, suivant leur nature, un aspect synthétique. Cela ne va pas, je crois, dans le sens de la haute résolution.
Ensuite, au sujet de la perspective résultante d'une telle opération, il est faut de croire que l'on peut tout remettre d'aplomb par le traitement numérique. La perspective que l'on obtient d'un objet tri-dimensionnel est fonction de ce que l'on appelle communément "point de vue", qui est en réalité la combinaison de plusieurs choses (voir note ci-dessous). L'appareil photographique, par projection sur un plan, traduit cet espace en deux dimensions selon les lois de la perspective.
Les mouvements de la chambre permettent d'utiliser ces lois, ce qui me conduit à dire (pour résumer) que "redresser" la perspective est un abus de langage ; tout au plus peut-on parler d'une optimisation du cadre à l'intérieur du tableau par l'usage des décentrements. Il est important d'avoir à l'esprit que la perspective n'est pas une réalité de notre perception de l'espace, seulement un moyen de représentation bien accepté par notre cerveau accoutumé à ses codes.
L'outil torsion du logiciel de traitement d'image, quant à lui, ne traduit pas un espace en deux dimensions, mais applique une déformation de surface à surface. Si l'usage de cet outil peut donner l'illusion d'un résultat correct sur une surface à peu près plane (exemple d'une façade classique), il n'en va pas de même pour une façade qui comporterait des reliefs prononcés. Sans même parler des architectures plus complexes jouant de plans inclinés…  Le risque dans cette opération de surface à surface est de créer de nouvelles déformations des figures ainsi redressés. Il est juste dans ce cas de parler de redressement de la perspective, celle-ci étant déformée sans changement de "point de vue".
Mais, me direz-vous, si la perspective n'est pas une réalité de la perception mais qu'une représentation convenue, les torsions rendues possibles par le traitement numérique ont tout autant valeur de représentation ! Je répondrai "oui, mais" les déformations induites pourraient provoquer (entre autre) une sensation de déséquilibre, une gêne liée au sentiment que cela ne tient pas debout. La perspective elle-même comporte des pièges comme le bien connu "effet cornet de glace" qui apparaît sur des bâtiments présentant un certain élancement et dont les verticales seraient "trop" verticales… Point n'est besoin d'ajouter des pièges potentiels en utilisant une technique dont les résultats sont impossibles à prévoir à la prise de vue.

Pour conclure, je dirais que compter sur l'outil numérique revient dans ce cas à avancer en aveugle car rien ne garantit le fait de retrouver en post-production une représentation satisfaisante. La question de la perspective est à régler sur le terrain, il y a bien assez de choses à faire devant son écran pour finaliser une image sans qu'il soit besoin d'ajouter un travail au résultat incertain. La chambre, comme machine à fabriquer de la perspective, est ici irremplaçable.

NOTA :
En terme de perspective :
- Le tableau désigne la surface où se projette l'image ; dans le cas de la chambre, le cercle image peut être considéré comme le tableau à l'intérieur duquel le cadre-format nous permet de limiter la vue comme il nous convient.
- Le point de vue est un point imaginaire situé sur l'horizon, face au spectateur et au centre du tableau. C'est le point de fuite des lignes perpendiculaires au tableau. Un point de vue placé au dessus de l'horizon implique une vue plafonnante. A l'inverse, un point de vue placé en dessous de la ligne d'horizon implique une vue plongeante.
- Ce que l'on appelle communément "point de vue" est la combinaison du point de vue proprement dit (voir ci-dessus), de la distance du spectateur à l'objet et de la distance du spectateur au tableau (qui définit la pyramide optique ou cône optique dans notre cas de cercle-image).


Addendum novembre 2010 (Henri Peyre)

Les reflex numérique ont fait de gros progrès mais il semble qu'on se stabilise désormais à des potentiels d'appareils ne dépassant pas le 4,5x6, à condition d'utiliser l'appareil sur pied. Ce ne sont pas des concurrents aux chambres.

Les dos numériques à capteur moyen format donnent des images équivalentes en potentiel de résolution au plan-film 4x5. L'équipement reste très cher, surtout comparé à un équipement 4x5 réalisé sur un marché de l'occasion encore pléthorique. La très petite taille du format n'autorise pas une visée correcte pour le contrôle du redressement de l'image, sauf à œuvrer avec un moniteur... Le montage d'un capteur sur une chambre moyen format ne peut permettre de réglage aussi fin que l'utilisation du format 4x5 sur une chambre de ce format.

L'avantage principal du moyen format numérique est donc sa transportabilité, juste menacée par le risque financier du transport de l'objet précieux. L'avantage de la chambre 4x5 reste un meilleur contrôle des mouvements.

 

Dernière modification 2004

 

 

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