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Emmanuel Bigler est professeur (aujourd'hui retraité) d'optique et des
microtechniques à l'école d'ingénieurs de mécanique et des microtechniques (ENSMM) de Besançon.
Il a fait sa thèse à l'Institut d'optique à Orsay
E. Bigler utilise par ailleurs une chambre Arca-Swiss

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une visite chez Arca Swiss

 

 

 

Automne 2004 : comme tous les deux ans le monde photographique se retrouve à Cologne pour la grande foire qu'on aimerait appeler "bisannuelle" si ce terme ne s'appliquait pas, stricto-sensu, aux "plantes qui périssent après avoir vécu deux ans" : sur ce point, la "Kina" a une sacrée santé, malgré la tourmente révolutionnaire de l'image numérique ! 

Cette année semblait devoir consacrer définitivement la suprématie du silicium petit format sur le film tous formats dans les halles d'exposition de la Photokina... pourtant plusieurs fabricants y proposaient de nouveaux produits dans le monde des chambres moyen et grand format pour film et silicium : parmi ceux-là, Arca Swiss renouvelle tout simplement toute sa gamme F-line et M-line avec de nouveaux modèles plus compacts et plus légers jusqu'au format 20x25-8"x10". 

Pour en savoir plus, comme tout le monde n'a pas la possibilité de se rendre à la Photokina, un certain nombre de lecteurs de galerie-photo se sont rendus directement à l'invitation d'Arca Swiss pour voir et manipuler ces nouveaux produits dans les locaux de chez Arca Swiss International à Besançon. Le but de la visite, au-delà des produits, était bien évidemment de pouvoir discuter directement avec le patron et les concepteurs des produits Arca Swiss ; dans un monde photographique dominé par la production de masse, c'est à première vue un privilège rare, mais dans le monde du grand format, la plupart des fabricants sont de petites entreprises, les contacts directs sont donc plus faciles. Rendez-vous fut pris pour un samedi matin de fin novembre. 

On était venu de Nîmes, de Moisenay, de Strasbourg et même de La Chaux de Fonds, rendant ainsi cette rencontre parfaitement " internationale ". Le groupe est accueilli par Philippe Vogt, le patron et créateur des produits F-line/M-line, épaulé de son fils et fidèle collaborateur Martin. Un peu plus tard, Mme Vogt nous rejoint autour de la table décorée pour notre arrivée de deux chambres misura : celle à étui de cuir et celle à boîtier métallique.

 


La famille Vogt : Monsieur et Madame Vogt et Martin

 

 

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Histoire d'Arca-Swiss

Résistant à la tentation d'aller directement manipuler les nouveaux produits, les visiteurs questionnent M. Philippe Vogt sur l'histoire de son entreprise. Ce dernier ne se fait pas prier pour raconter de nombreuses anecdotes. 

Au départ, il y a dans les années 1940-1950 l'entreprise zürichoise des Frères Oschwald (raison sociale : Gebrüder Oschwald) spécialisée dans la réparation de matériel photographique et dans la conception et fabrication de mécanique de précision. Sur ce point de conception et fabrication, les frères Oschwald ont bien entendu pour clients des entreprises du monde photographique, mais pas seulement, et même les particuliers peuvent s'adresser à eux pour la fourniture de montages optiques et mécaniques spéciaux. Philippe Vogt dans sa jeunesse connaît bien les frères Oschwald, son père fait appel à eux pour toutes sortes de montages et d'adaptations pour la photo-micrographie médicale. Au milieu des années 1950, les frères Oschwald décident de se lancer dans la fabrication d'une ligne de chambres photographiques monorail à système. 

Un premier nom de marque, un acronyme germanique, est trouvé mais le sigle est déjà propriété d'un grand groupe photographique. On propose donc alors un acronyme anglo-saxon : ARCA, comme All-Round-CAmera, l'appareil photographique pour tous usages et toutes situations. Si vous cherchez le mot " Arca " seul avec un moteur de recherche Internet, vous trouverez un grand nombre de références qui n'ont rien à voir avec la photographie, en particulier vous trouverez une revue d'architecture. La marque déposée sera donc Arca Swiss. 

Les chambres Arca Swiss se posent au départ comme formées de pièces interchangeables : rails, soufflets, supports de fonctions (cette expression, traduction française littérale de Funktionsträger, est une terminologie due à Arca Swiss), cadres de format, planchettes d'objectifs ou supports pour cadre-dépoli, tous éléments de base qu'on peut combiner à volonté pour toutes configurations et tous formats. Ce principe de base des pièces interchangeables reste identique dans les chambres actuelles F-line/M-line, mais les produits ont beaucoup évolué depuis les premiers modèles.

Après l'introduction des chambres monorail Arca Swiss, les frères Oschwald continuent à proposer plusieurs produits spéciaux, certains étant basés sur les éléments du système monorail comme les chambres reflex mono-objectif Arca Swiss 6x9 et 4"x5" ; mais également on développe des produits très spécialisés comme un appareil panoramique à tambour pour film 120, modèle de la même famille que les actuels Roundshot de chez Seitz Fototechnik AG. 

Avant de prendre les commandes de l'entreprise Arca Swiss Fototechnik AG, Philippe Vogt connaît bien le monde photographique, il a travaillé avec la plupart des chambres disponibles sur le marché dans les années 1970. Au début des années 1980, il entre comme collaborateur chez les frères Oschwald, puis il se lance dans l'aventure industrielle : il rachète l'entreprise en 1984, les frères Oschwald désirant prendre leur retraite et vendre leur affaire. La position de Philippe Vogt est au départ un peu inconfortable car il connaît les qualités mais aussi les limites des chambres Arca Swiss des frères Oschwald. Il lui faut donc faire évoluer les méthodes de production et faire évoluer le produit sans couper la compatibilité avec le système existant. De nouvelles machines-outils à commande numérique sont achetées, les nouvelles chambres F-line/M-line sont créées. Elles se distinguent des anciennes par l'abandon des cadres en matière plastique, l'amélioration de l'étanchéité au niveau des planchettes qui est désormais faite par un fraisage précis, et surtout une reprise complète du mécanisme des supports de fonctions qui restent néanmoins compatibles avec les anciens rails. Les nouvelles F-line/M-line, grâce à de nouveaux cadres de format, deviennent bien plus à l'aise avec les courtes focales, un domaine de l'optique photographique qui a progressé de façon spectaculaire entre les années 1950 et 1980. Les nouvelles machines-outils permettent de fabriquer des pièces avec des tolérances plus précises, et là où un atelier complet mobilisant une demi-douzaine de machines à commande manuelle est nécessaire, un seul centre d'usinage à commande numérique produit autant avec des tolérances plus serrées ; ces tolérances très serrées sont l'une des clés de la réussite d'un système à pièces interchangeables de précision. 

Dès la Photokina de 1984, de nouvelles chambres sont introduites, d'abord les M-line : le tout premier modèle M-line "MFM" (Multi-Functions Module) offre dès 1984 la mesure par capteurs électroniques des décentrements et bascules sur tous les axes, permettant de régler finement les mouvements de la chambre par l'intermédiaire d'une interface-calculateur. Suivent rapidement les F-line, les Monolith, puis les Metric qui conservent les principes et l'encombrement des F-line à décentrements manuels tout en offrant la finesse du réglage par engrenage micrométrique. La rotule Monoball est entièrement repensée et reçoit la fameuse boule asphérique, autre pièce directement issue des nouvelles possibilités offertes par l'usinage par commande numérique et des progrès dans les matériaux et traitements de surface. 

Au début des années 1990, l'entreprise se lance dans l'image numérique ; elle développe seule un système de capture d'images électronique avec un détecteur analogique de très petit format qui équipe une Monolith 6x9. Les fichiers de sortie sont numériques, Philippe Vogt montre non sans fierté les images imprimées en quadrichromie avec son système, format A4 pour des fichiers de l'ordre du méga-octet, le rendu est saisissant. Les réactions de la profession, à l'époque, vont de l'incrédulité à la franche hostilité, mais les utilisateurs qui ont acheté le système sont contents. Le principe de la détection, basé sur une sélection trichrome RVB par roues à filtres et capteur monochrome, requiert des sujets statiques ; le très petit format du capteur est imposé par les technologies disponibles en 1990. Mais les photographes ne sont pas encore prêts pour l'acquisition directe de l'image électronique ; Arca Swiss arrête l'expérience avec prudence. De cette période Martin Vogt garde le souvenir d'un travail acharné entre l'électronique d'acquisition et le " défrichage " des tous premiers logiciels de traitement d'image qui viennent juste de faire leur apparition. 

C'est le moment de demander à Philippe et Martin Vogt leur avis concernant le choix entre le film et le capteur d'images numériques. La réponse est simple : il faut les deux. Associés à une chambre, les capteurs numériques offrent tout d'abord l'avantage de l'instantanéité et de la pré-visualisation immédiate. Ils offrent la commodité du film instantané si apprécié des photographes professionnels, en particulier en prise de vue au flash en studio. Depuis que les capteurs ont une taille qui se rapproche des dimensions d'image du moyen format, ces capteurs fournissent des images de qualité professionnelle directement utilisables dans toute chaîne éditoriale actuelle, où tout le traitement est numérique. En revanche, l'investissement initial dans un capteur numérique matriciel (les capteurs à balayage sont plus abordables mais limités aux sujets statiques) ne peut se concevoir que dans le cadre d'une production annuelle d'un nombre considérable d'images. Le film reste donc très compétitif grâce au faible investissement matériel requis, et l'insertion des images sur film dans une chaîne éditoriale numérique bénéficie des progrès considérables des scanners. L'usage du film permet au photographe de prendre moins de risques : moins de risques financiers à l'investissement initial, moins de risques dans les travaux sur le terrain exposés aux intempéries, loin d'une source d'énergie. Dernier point : on reproche au film son coût initial (support et développement), mais par la suite le coût de l'archivage est minime en regard du coût de stockage numérique avec régénération éventuelle des supports informatiques, entraînant, de fait, des frais pendant toute la durée de vie de l'image archivée. 

Cette passionnante histoire de l'entreprise et ces interrogations sur l'avenir finiront par occuper toute la matinée ; on se demande d'ailleurs comment nos visiteurs ont pu rester sagement assis alors qu'à quelques mètres d'eux, dans le petit salon vitré d'exposition, toute la gamme de produits attend sagement pour la démonstration. 

Pendant le repas, on s'aperçoit vite que la table est franco-suisse presque à 50/50, les plaisanteries transfrontalières et les échanges d'archétypes France/Suisse vont donc bon train, le tout aidé bien entendu par un excellent savagnin du Jura français. On questionne évidemment la famille Vogt sur ce que représente le passage du monde zürichois au monde franc-comtois, on a le plaisir au détour d'une conversation d'entendre un peu de Schwytzertüestch, à vrai dire on était venu aussi un peu pour cela ; le groupe alsacien apprécie en connaisseur, mais le dialecte de Horgen (ZH) n'est pas tout à fait celui d'Oberschaeffolsheim (67).

D'un produit à l'autre...

Enfin le plus important arrive : la manipulation de l'ensemble de la ligne de produits, avec un superbe rayon de soleil, juste ce qu'il faut pour former effectivement des images sur les dépolis. Tous les modèles, de la 6x9 Monolith à la grande soeur 20x25 de la misura étaient à disposition. Côte à côte, la Discovery et la nouvelle F-classic à planchettes de 140, directement issue des études de la misura, démontrent le gain d'encombrement et de poids des nouvelles F-line. Paradoxalement, c'est encore la misura qui fait l'objet de moins d'attentions, comme si elle était déjà une grande classique bien installée dans le paysage. Attacher, détacher les soufflets, les cadres ; demander à Martin Vogt une démonstration de vissage/dévissage du rail pliant "comme à la Photokina" ; vérifier qu'il est effectivement impossible de raccourcir une Monolith plus qu'elle ne le permet déjà (les cadres peuvent se toucher), passer les supports de fonctions d'un rail à l'autre, combiner des cadres " metric " sur des supports " classic ", toucher le cuir moulé des fameux soufflets grand angle, mettre à l'épreuve sa sensibilité tactile avec l'Orbix Dynamic, voilà en quelques mots la scène vécue par la petite bande d'amis qui s'étaient un jour rencontrés "virtuellement" sur galerie-photo. Ils ne pensaient peut-être pas qu'il seraient un jour " lâchés " en toute liberté dans le catalogue " réel " Arca Swiss au complet. 

Le représentant Chaux-de-Fonnier est venu avec tout son équipement F-line. C'est l'occasion de voir comment on peut faire tenir à la fois une 4"x5" et une 20x25-8"x10" dans un petit sac à dos de montagne, optiques et châssis compris. On soupçonne, d'un mystérieux conciliabule entre le propriétaire et Martin Vogt, que la chambre n'est pas descendue de ses montagnes neuchâteloises uniquement pour la démonstration auprès des copains... on n'en saura pas plus. L'un des visiteurs est attiré par la Monolith comme par un aimant ; il la soumet sous l'œil confiant de Philippe Vogt au test redoutable de la nutation. Tâche difficile même pour un expert avec trente ans de pratique, finalement même en poussant le montage dans ses derniers retranchements par basculement total de 90° sur le côté (en se servant du cran ad hoc de la rotule Monoball B1) la nutation refuse obstinément de faire la moindre petite apparition.

 


un visiteur testant l'absence complète de nutation 
sur une monolith 6x9 

 

Un autre visiteur, manipulant la Discovery, prétend qu'il en achèterait bien une, pas pour lui bien sûr, mais pour en équiper un membre de sa famille. On le croit sur parole. Un troisième visiteur se précipite sur un Arca Cube C1 et essaie désespérément de faire apparaître du jeu dans les berceaux croisés. Mme Vogt, tirant alors d'on ne sait où un vrai cube de duralumin massif de mêmes dimension que le produit Arca Swiss du même nom, glisse malicieusement, "Voyez, pour fabriquer le Cube, nous partons de ce cube-là..." Parfois, c'est vrai, on finirait par croire aux légendes de la mécanique fine.

 


Le cube Arca

Les nouveautés

Quels autres nouveaux produits, en dehors des nouvelles F-line 4"x5" et de leurs soufflets aux nouvelles dimensions ?

D'abord la nouvelle 20x25 allégée, dans l'esprit de la misura : elle est basée sur les nouveaux cadres de 140 à l'avant avec l'Orbix Dynamic, un nouveau rail pliant de 50 cm (vers le haut, avec une section très courte pour ranger les cadres et supports de fonctions), un nouveau cadre-dépoli à l'arrière (avec levier d'écartement auto-bloquant pour le châssis) et le support de fonctions arrière simplifié de la misura. Poids total : 3,7 kg nue. 


nouvelle chambre F-line 4"x5" avec planchettes de 140 mm

 

Autres nouveautés : un dos glissant dépoli/capteur pour la 6x9, le Rotaslide, destiné aux capteurs silicium, avec deux attaches rotatives pour le dépoli et le capteur en vue du passage en mode portrait ou paysage. Une monture à baïonnette ronde de 95 mm comme alternative aux planchettes de 110 ou de 140mm (et adaptable même sur les planchettes de 110), plus le mouvement panoramique optionnel de la Monoball B1, le TopPan, au catalogue déjà depuis la fin de l'an dernier. 

S'il n'y avait eu autant de chemin de retour à faire pour tous les visiteurs sauf un, on imagine que l'après midi entière aurait pu y passer. On en aurait presque oublié que nos hôtes avaient accepté de prendre sur leurs loisirs pour nous recevoir. Il restait donc à remercier l'entreprise Arca Swiss et la famille Vogt pour son accueil si sympathique, pour ce privilège d'une très mémorable "Photokina privée".

 

 

voir aussi les autres pages sur Arca :
arca swiss 
arca swiss f line 
arca swiss misura

 

 

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dernière modification de cet article : 2004

 

     

 

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