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l'auteur

Phú Thiện NGUYỄN



né en 1944 au Việt Nam
Retraité et membre de Grain d’Image
Photoclub à Lognes.
nguyen.phuthien(at)yahoo.fr

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 

Profondeur de champ en macrophotographie
avec la chambre numérique du pauvre

par Phú Thiện NGUYỄN

Introduction : quelques rappels

La profondeur de champ d’une photographie dépend :
- de l’ouverture du diaphragme ;
- du grandissement (rapport entre la taille de l’objet et la taille de l’image du sujet sur le capteur)
- de la résolution du capteur mesurée par le cercle de confusion (les cercles de confusion sont les plus petits points placés l’un à côté de l’autre qu’il est encore possible de distinguer sur un support photographique)(1).

Pour un grandissement et pour un appareil ou film donnés, on peut obtenir une profondeur de champ accrue en fermant l’ouverture de l'objectif.

Pour éviter l’apparition de diffraction(2) (qui réduit la netteté de l'image) on ne peut pas pousser trop loin la fermeture de l'objectif. Il est toujours mieux d’utiliser le meilleur diaphragme pour chaque objectif (diaphragme médian parmi les diaphragmes proposés par le constructeur)(3).

Pour une bascule nulle, à une distance de mise au point donnée la zone de netteté s'étend, en macrophotographie, moitié devant et moitié derrière le plan de netteté(4).

Avec une chambre l’application de la règle de Scheimpflug est aussi une chose possible(5) ; la règle de Scheimpflug établit que l’image du plan d’objet sur le support photographique est nette si ce plan objet, le plan objectif et le plan du support photographique se rencontrent sur une même ligne. L’idée est de déplacer le plan de netteté de sorte qu’il soit le plus proche possible du sujet. 

En dépit ou à cause de toutes ces possibilités parfois contradictoires, la profondeur de champ obtenue est limitée.

Peut-on passer outre ?

Pour un sujet qui demande une plus grande profondeur de champ, il existe une méthode consistant à empiler les zones de netteté de photographies prises à différentes distances objet-capteur (focus stacking)(6).

Nous allons examiner la méthode d'empilement des zones de netteté proposé par le logiciel CombineZP développé par Alan Hadley et mis gratuitement en ligne sur son site

Empilement des zones de netteté (focus stacking)
avec CombineZP

Le logiciel CombineZP est un logiciel open source gratuit spécialement conçu pour augmenter la profondeur de champ en photographie. Il fonctionne sur Windows 7, XP et 2000. CombineZP remplace CombineZM qui était lui-même basé sur CombineZ5, un programme tournant sur les anciennes versions de Windows, qui n'est plus maintenu.

À l'origine CombineZP était utilisé en micro-photographie. Le programme a aujourd’hui trouvé de nombreux usages en macro-photographie.

CombineZP utilise 2 méthodes pour empiler les zones de netteté dans l'image :
- la transformation de Fourrier
- le codage en pyramide.(7)

Intéressons-nous à la deuxième méthode ; nous la décrivons en détail dans le paragraphe suivant.

Le codage en pyramide d'une image

Avec une image de pleine taille, le programme en crée une nouvelle, moitié moins large et moitié moins haute, c'est-à-dire du quart de la taille originale. Chaque pixel de la nouvelle image correspond donc à quatre pixels dans l'ancienne et sa valeur est donnée par une convolution d'un filtre passe-bas de taille 2*2 de type Gaussien. Si un détail dans l'original n’occupait qu’un pixel il disparaît plus ou moins de la nouvelle image. Le programme étend l'image plus petite à la dimension de la plus grande ; les deux ne sont plus les mêmes. Le programme soustrait l'image étendue à l'image originale ; après cette soustraction, il ne reste de l'image originale que les pixels qui comprenaient à l’origine des détails d'un pixel. Cette opération est équivalente à une convolution d’un filtre passe-haut Laplacien. Le résultat obtenu forme la première couche de la pyramide.

Le programme répète ensuite le processus, commençant cette fois à partir de l'image plus petite obtenue ci-dessus et ne conservant, par un procédé identique, que les informations de la taille d'un pixel de cette deuxième image : ces pixels formeront la deuxième couche de la pyramide. Rappelez-vous que chaque pixel dans la deuxième image correspond à quatre dans l'original ; donc le deuxième niveau de la Pyramide contient des détails 4 fois plus grossiers que l'image originale.

Le logiciel réitère la procédure jusqu'au sommet de la pyramide, qui n’est constitué que d’un seul pixel de la couleur de fond de l'image originale lorsque tous les détails, à chaque échelle, ont été enlevés.

L'utilisation des pyramides dans l'empilement des zones de netteté (focus stacking)

Si, au lieu d’utiliser une seule photographie, on utilise maintenant une pile de photos (chacune constituant un plan) :

Le programme commence par coder en pyramide le premier plan (la première photographie) : chaque niveau de la pyramide obtenue consiste en un ensemble de nombres qui représentent la force du détail à chaque emplacement dans l'image originale à la résolution du niveau de la pyramide. Chaque couche de la pyramide stocke des informations de l'image à une échelle différente - ou à une résolution différente.

Le programme code ensuite le deuxième plan et compare sa pyramide avec celle du premier plan ; la valeur la plus haute à chaque emplacement, et ainsi le point du plan avec plus de détails, est conservé dans la pyramide finale (cette valeur la plus haute est calculée par une moyenne pondérée ou par l’algorithme du contraste maximum) Le processus est poursuivi avec chaque plan dans la pile, le programme comparant les valeurs dans la nouvelle pyramide avec celles de la pyramide accumulée. A la fin le programme obtient une pyramide contenant tous les détails aux différentes échelles de la pile. L'étape finale est la reconversion en image de la pyramide accumulée.

Application à la chambre numérique du pauvre (8)

Sur ma chambre Cambo Legende 4x5, j’ai adapté deux dos en utilisant le boîtier d’un Canon 40D et le boîtier d’un Sony Nex 5.

Le Sony Nex ne possède pas de miroir ; il autorise de ce fait un angle d’incidence des rayons de lumière plus important et s’avère plus adapté pour effectuer les mouvements de bascule sur une chambre.

Une application de la règle de Scheimpflug

Cette prise de vue a été réalisée avec un objectif Schneider- Kreuznach Betavaron ; voici les caractéristiques techniques de l’image :
- Focale : 51 mm ;
- Diaphragme f/16 ;
- Vitesse 1/40e sec ;
- Sensibilité : 200 ISO ;
- Grandissement 1/3.

Nous avons cherché à mieux montrer les étamines de la fleur du trèfle à quatre feuilles ; l’axe de l’appareil n’a pas été placé perpendiculairement au plan qui contient la feuille et la fleur en même temps. Dans ce cas, lorsque la mise au point est faite sur la feuille, la fleur n’est pas nette, et l’inverse est aussi vrai comme le montrent les deux photographies suivantes :

 

La règle de Scheimpflug a été appliquée en effectuant une bascule du plan avant (sur l'axe vertical) pour orienter le plan de netteté sur la feuille et la fleur.

La photographie finalement obtenue montre bien la fleur et la feuille.

Règle de Scheimpflug et focus stacking

Pour cette prise de vue on utilise un objectif Schneider - Kreuznach Symmar avec :
- le diaphragme à f/16 ;
- la vitesse à 1/100 sec ;
- la sensibilité à 200 ISO ;
- un grandissement de 15/40.

La règle de Scheimpflug(9) est appliquée en effectuant une bascule du plan avant (sur l'axe horizontal) pour orienter le plan de netteté sur la face avant d’un chou Romanesco placé à l’arrière-plan du sujet.

Malgré l’application de la règle de Scheimpflug, le chou romanesco reste en dehors de la profondeur de champ obtenue. Seule solution : une série de 10 photos est prise avec des mises au point variant de la feuille située en avant du sujet jusqu’à la dernière protubérance visible à l’arrière du chou comme le montre cette vidéo ou les images suivantes :!



Les photographies obtenues sont ensuite traités dans le logiciel CombineZP avec les commandes suivantes :
a. New pour charger les photos ;
b. Aligne and Balance Used Frames pour amortir par une correction géométrique les décalages et changements d’échelle dus aux différentes distances de mise au point et corriger les variations d’exposition.
c. Pyramid Do Stack pour empiler les zones de netteté de toutes les photos.
d. Save pour sauvegarder le résultat. La photo ainsi obtenue montre nettement la feuille et le chou entier :

Conclusions

La méthode d’empilement des zones de netteté (focus stacking) est efficace, mais à certaines conditions :

Il faut prendre soin d’éviter les différences géométriques excessives entre les photographies prises à différentes distances de mise au point. Selon l’objectif et le sujet, on peut choisir la méthode de mise au point mieux adaptée en faisant varier :
a. soit la distance sujet-chambre, en déplaçant la chambre montée sur un plateau micrométrique ;
b. soit la distance entre l’objectif et le dos de la chambre.

L’option Aligne and Balance Used Frames du logiciel CombineZP est capable de corriger les déformations uniquement dans une certaine limite, en opérant par un ajustement de la taille et par un décentrement de l’image. Or le décentrement de l’image est particulièrement important lorsqu’on applique la règle de Scheimpflug, dans le cas où l’axe optique ne coïncide pas avec l’axe de la chambre qui porte le réglage de mise au point.

Lors de l’emploi de la règle de Scheimpflug il faut souligner qu’on ne peut pas utiliser une bascule importante avec les capteurs numériques : ils sont conçus pour une utilisation avec des rayons lumineux arrivant perpendiculairement au capteur.
Bien entendu, on objectera que cette limitation à l'angle d'inclinaison des rayons tombant sur le capteur ne concerne que les appareils d'amateur dont les éléments sensibles sont munis de micro-lentilles, alors que les dos moyen format professionnels ne sont pas concernés ; mais ici nous nous adressons justement à ceux qui veulent utiliser leur appareil d'amateur avec des mouvements, et pour qui les dos professionnels sont inaccessibles ! Il se trouve que la macro-photo au voisinage du rapport 1:1 est un cas où, même avec un petit capteur, les angles de bascule de Scheimpflug peuvent être grands, au contraire des prises de vue à grande distance où l'angle de bascule est d'autant plus petit que le format est petit. Il conviendra donc de vérifier sur ses images l'apparition d'un éventuel vignettage, signe d'une inclinaison trop forte entre les rayons lumineux formant l'image et la perpendiculaire au plan du capteur (9).

 

L'auteur est reconnaissant à Jean Loodts, Henri Peyre, Emmanuel Bigler pour leur relecture et leurs remarques précieuses et à Alan Hadley pour le logiciel CombineZP.

 

Pour savoir plus

Profondeur de champ

1. La profondeur de champ en macrophoto et en photo rapprochée, lolororo : http://www.parlonsphoto.com/ftopic82571-profondeur-de-champ-en-macro-et-en-photo-rapprochee.html
2. Emmanuel Bigler : www.galerie-photo.com/decentrement-bascules-scheimpflug-petit-moyen-format.html

Autres logiciels d'empilement des zones de netteté

1. Helicon : http://www.heliconsoft.com/heliconfocus.html
2. PhotoAcute : http://www.photoacute.com/ 

 

Notes

(1) Cercle de confusion sur Wikipedia 

(2) La diffraction : s’en soucier ou pas ? par Jean-Marie SOLICHON, sur galerie-photo

(3) Décentrements, bascules et règle de Scheimpflug en petits et moyens formats, par Emmanuel BIGLER, sur galerie-photo

(4) Emmanuel Bigler, dans l'article  Décentrement, bascules et règle de Scheimpflug en petits et moyens formats, donne cette formule qui induit une distribution symétrique de profondeur de champ quand on se rapproche du rapport 1:1. La phrase suivante est donc parfaite à bascule nulle :
« À une distance de mise au point donnée la zone de netteté s'étend, en macrophotographie, moitié devant et moitié derrière le plan de netteté.»
C'est la traduction de l'équation 13 ci-dessus, lorsqu'on est au voisinage du rapport 1:1. Lorsqu'on est en macro avec une bascule non nulle, la zone de netteté totale, qui prend une forme de coin, doit rester symétrique de part et d'autre du plan objet mais cela reste à confirmer.

(5) Profondeur de Champ et règle de Scheimpflug : une approche simple, Emmanuel BIGLER sur galerie-photo

(6) Focus stacking sur Wikipedia

(7) Pyramid methods in image processing, Adelson et al, RCA Engineer, 29-6, Nov/Dec 1984

(8) La chambre numérique du pauvre, par Phú Thiện Nguyễn, sur galerie-photo

(9) Voir l'article www.galerie-photo.com/decentrement-bascules-scheimpflug-petit-moyen-format.html en particulier la figure 8 à grande distance, où les angles sont très petits, et la figure 10 au voisinage du rapport 1:1, où on peut avoir un angle très grand, par exemple 45° entre le plan du détecteur et le plan de l'objectif, quelle que soit sa focale !!

   

 

dernière modification de cet article : 2011

 

 

 

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pour toute remarque concernant les articles, merci de contacter henri.peyre@(ntispam)phonem.fr

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