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l'auteur

Laurent Lafolie

Photographe, né en 1963
vit à Salies de Béarn

 

12, rue Orbe
64270 Salies-de-Béarn
France
Tel +33 (0)5 59 38 99 60 / Mob 06 32 22 51 11
lafolie.laurent@orange.fr
 

http://laurentlafolie.photography
Atelier & Laboratoire : http://lafolie-lab.fr

 

 

 

 

Laurent Lafolie

 

 


Laurent Lafolie ©

 

Laurent, qui sont ces personnages que vous photographiez ?

« Etre amoureux, c’est être amoureux du visage ». Ce sont principalement des personnes pour lesquelles j’éprouve ce sentiment ; des gens de mon entourage ou bien que je rencontre et qui me touchent par leur singularité, pour la lumière qu’ils déploient, pour l’effort qu’ils mettent à vivre et à se comporter en être humain. Pour d’autres, ce peut être aussi le reflet d’une fragilité, d’un tourment ou d’un désarroi.

 

 


Laurent Lafolie ©

 

 

Vous parlez souvent de ce qui va disparaître. La photographie pour vous est-elle un témoignage ?

Celle que je pratique en ce moment oui.

Par leur intemporalité ces photographies tentent de témoigner de l’événement précieux qu’est la vie. Si je ramène mon propos à la personne photographiée, dans son visage il y a quelqu’un là, qui malgré une apparente passivité dit qu’elle existe comme personne d’autre au monde ; ce visage témoigne d’une telle différence qu’il ne peut en être arrivé là par hasard.

Lors de ma demande, ma première phrase est souvent de dire « il s’agit d’une présentation de votre visage » ; sans expression, juste regarder dans l’objectif sans chercher à convaincre, séduire ou faire passer quelques sentiments que ce soit.

Je cherche à photographier cette part intime de nous-mêmes qui nous échappe et avec laquelle il nous faut apprendre à vivre.

La plupart des sujets photographiés se découvrent à la prise de vue mais aussi lorsque je leur restitue leur image, ils ne se reconnaissent pas toujours.

 

 


Laurent Lafolie ©

 

 

Pour vous ces photographies parlent-elles de ce qui change d'un être à l'autre ou de ce au travers quoi nous nous ressemblons tous ?

J’ai un peu répondu à cette question précédemment ; nous avons tous quelque chose en commun pour autant nous ne nous ressemblons pas. On nous parle trop de ce qui nous sépare - je pense à la politique actuelle, par exemple aux renvois d’étrangers - peu de ce qui nous rapproche. Les séparations issues des différences sont évidentes et assez difficiles comme ça à accepter, nous sommes tous étrangers les uns les autres même au sein de nos familles, c’est une déchirure heureuse pour celui qui n’a plus peur de l’inconnu. Face à cette béance l’envie de fusionner ou de tuer l’autre peut être puissante, mais si nous arrivons à prendre conscience de notre solitude et au moins à tenter de l’assumer l’art devient d’une nécessité vitale en même temps qu’une source de curiosité et d’émerveillement sans fin.

Le sens du sacré se perd pour d’autres profits ; il est très difficile à l’époque où nous vivons d’échapper aux images séductrices ou intéressées, celles qui nous forcent ou nous attisent le regard afin de nous imposer leur message au lieu de le rendre disponible. L’être humain est divisé ; du fait de cette condition particulière issue de la coupe créée par le langage, il émane une sensation duale. Je me sers de la peau dénudée, du regard - seul actif de la photographie -, de la bouche tue et j’y trouve une figure autre ; sauvage, féminine, Autre, animal, corps, temps, absence de sens, troué... il y a plein de mots, tous indiquant que ça nous file entre les pattes et que derrière ça crie, ondule, hurle, pleure et rit ; la contrepartie joyeuse c’est que la beauté est là dans ce tragique à prendre au sérieux, juste après la césure. Sur l’autre face ces visages ouverts et attentifs sont calmes et apaisants, en nous regardant silencieusement ils présentent l’infini et donnent le meilleur d’eux-mêmes.

 

 


Laurent Lafolie ©

 

 

Prise de vue de face, neutralité de l'expression, vous êtes exactement dans le style documentaire. C'est une appartenance consciente et revendiquée ?

Oui maintenant, mais l’approche à été longue et inconsciente - sinon d’être justement à l’écoute de cette part. Je dispose de beaucoup trop d’imagination et pour ne pas me perdre j’ai besoin de ramener sans cesse mon travail à ce que je ressens comme essentiel. L’été d’il y a deux ans j’ai travaillé durant trois mois l’abstraction avec la chimie des procédés alternatifs, j’ai ensuite photographié des maisons, des paysages, puis des personnes à une certaine distance, toutes ces tentatives n’ont rien donné de consistant ; petit à petit je me suis approché du visage jusqu’à en arriver là, sur ses contours. En ce sens ce sont plus des « visages » que des portraits ; si je m’éloigne un tant soit peu le propos change et cela m’intéresse moins. Je m’aperçois néanmoins que pour certaines personnes le trois-quarts voire le profil sont plus pertinents ; ce sont d’autres portes que j’avais délaissées après les avoir effleurées et vers lesquelles je vais sans doute revenir. Cela pose toutefois un problème au niveau du regard ; de face il vient sans heurt dans le creux de l’objectif, de trois-quarts, il devient un peu plus volontaire ou dirigé ou bien se perd dans le vide.

 

 


Laurent Lafolie ©

 

 

Comment sont faites ces photographies ?

Je travaille avec une chambre Canham en bois 13x18 - c’est un format assez proche de la taille du visage - ; l’objectif est un 210 mm. Ainsi la distance entre le visage et l’objectif est similaire de celle entre le plan-film et ce même objectif. J’aime bien ce sentiment à la prise de vue car c’est comme si ce visage venait sans grande complexité se déposer sur la surface sensible située en face de lui, et de façon inversée. Le film est de l’HP5. La lumière est toujours naturelle, soleil voilé ou plus souvent à l’ombre ; de tout manière des lumières assez pauvres. En ce moment, je suis en train de remettre en œuvre une chambre 24x30 cm afin de faire quelques essais.

 

 


Laurent Lafolie ©

 

 

Vous tirez au platine. Pourquoi ce choix ?

Comme tous les choix cités précédemment ils sont liés à une sensibilité ; j’ai choisi le format 13x18 sans raison pratique, c’est ensuite que cela a pris son sens.

J’aime le mat et j’ai d’abord utilisé les papiers argentiques de ce type ; j’ai voulu aller plus loin dans ce sens et cela m’a amené aux procédés nommés alternatifs. L’argyrotypie pendant quelques années, la ziatypie et maintenant le palladium. Il y a quatre choses qui m’intéressent dans ce procédé :

- La tonalité et le support, tous deux proches de la gravure et qui rejoignent ce désir que j’ai de faire un travail intemporel, universel - pouvant être regardé par n’importe quel habitant de notre planète. Sortir du temps est bien sûr impossible, même si ces tirages auraient pu être fait il y a plus de cent ans ils restent attachés à la période qui court depuis l’invention de la photographie. Il y a néanmoins des matériaux qui dans chaque pratique ont leur propre intemporalité ; par exemple sur un ordinateur si vous utilisez la police « courrier » on ne peut plus vous situer dans le temps lié à cette machine.

- Le tirage par contact. Le visage recueilli comme je l’ai décrit plus haut est redéposé sur le papier ; ainsi le trajet depuis le visage jusqu’à celui-ci est assez court, je pense que cela se ressent et participe à une perception intime.

- L’image se trouve non pas sur le papier mais en son sein, elle prend corps et cela lui donne une consistance autre, elle est un objet photographique. Quelques fois l’on ne sait plus si l’on regarde le grain de la peau ou celui du papier, l’un et l’autre se relaient et le regard s’en trouve apaisé et disponible, je pense que l’on peut ainsi plus facilement aller chercher ce qui est représenté.

- La façon. Le travail est lent et manuel, ces qualités le mettent à échelle humaine. Le fait que les outils, les moyens de communications, d’informations, de transports… soient démultipliés nous éloigne de notre propre corps et de celui des autres. Ramener au moins, à la proximité, au sobre, calmer ce qui s’enflamme, donner du temps, c’est en ce qui me concerne un effort qui de ce corps, justement, en demande. A cette époque de ma vie ce travail à la main est important. Je suis gaucher et dans mon enfance cela était considéré comme une tare. La main quelle qu’elle soit indique l’Homme, c’est un outil premier et à portée de chacun.

 

 

 

   

dernière modification de cet article : 2008

 

 

     

 

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