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l'auteur

Eric Constantineau
 

info@ericconstantineau.com
http://www.ericconstantineau.com
 

Basé à Montréal,
Eric Constantineau est
photographe de mariages
d'événements sportifs et culturels
et de studio

Eric dispense également de la formation
et organise des journées thématiques
pour les amateurs de photographie.

 Il expérimente constamment
avec les techniques les plus farfelues

Après avoir utilisé plus d'une centaine d'appareils photo
 il a débuté la construction de ses propres appareils

 

 

 

Merci à Georges Laloire
pour sa relecture attentive

 

Dorothea : chambre 8x10 très grand angle

par Eric Constantineau

Présentation de la Dorothea

Dorothea est un appareil photo très grand angle, qui prend des photos sur des feuilles de film de 8x10 pouces. Elle est munie d'un objectif Schneider-Kreuznach de 121mm, ce qui est un très grand angle sur le format 8x10, l'équivalent d'un 15mm sur un appareil 35mm plein capteur. Une perspective avec laquelle j'aime beaucoup travailler.

Le grand avantage de Dorothea, car elle en a un de taille, est sans nul doute la quantité de détails qui peut être capturée en un même instant. Dorothea prend des photos sur des feuilles de film de format 8x10. Ce qui donne 80 pouces carrés remplis de détails. Je peux théoriquement imprimer une photo de 16 pieds par 20 pieds sans perdre le moindre détail !

Avec la poignée latérale ainsi que le viseur 15mm sur le dessus, je peux utiliser Dorothea à main levée. Oui, un appareil 8x10 sans trépied! Par journée ensoleillée avec un film ISO 400, je peux exposer à 1/125s à f22. Les résultats sont surprenants.

Construction de la chambre

La construction de Dorothea fut assez simple. Environ 40 heures de temps libre furent nécessaire pour concevoir, usiner, assembler et ajuster le tout.

La première pièce que j'ai dû acheter fut un dos en bois qui pouvait accepter des porte-films 8x10 standard. J'ai facilement trouvé un vieux dos Deardorff pour environ 50$ sur eBay. J'ai tout simplement utilisé un grand crayon feutre noir pour rendre le dos noir.

Pour la lentille, j'ai arrêté mon choix sur un magnifique Schneider-Kreuznach 121mm f8, que j'ai eu à bon prix sur eBay, environ 400$.

Avec le dos et la lentille en main, il ne restait plus qu'à fabriquer ce qui allait être entre les deux : la chambre. La conception est fort simple. Puisque le type de photo visé avec cet appareil est la photo de paysage, l'utilisation de l'hyperfocale pour faire le foyer est recommandée et donc une simple monture hélicoïdale est plus que suffisante. Avec une course d'environ 5mm seulement, on place le foyer entre 1 mètre et l'infini. La chambre est donc une simple structure en aluminium joignant le dos et la monture hélicoïdale.

 

L'étape la plus importante fut le tolérancement de position et de perpendicularité entre le dos et l'axe central de la lentille. Puisque la lentille couvre à peine le film 8x10, il a été d'une grande importance que l'axe central de la lentille soit au centre du film, et que cet axe soit le plus perpendiculaire possible avec le plan film, sans quoi, on s'expose à des flous dûs aux faibles profondeurs de foyer ou à des désaxements non-voulus. Avec la lentille montée sur une structure d'ajustement temporaire, j'ai fait le focus à l'infini, puis j'ai mesuré la distance entre la monture hélicoïdale et le verre dépoli.

L'étanchéité lumineuse est assuré par du ruban gommé d'aluminium, et les réflexions internes sont grandement réduites par un ruban gommé spécial appelé "gaffer", un genre de "duct tape" au fini mat utilisé abondamment dans le domaine cinématographique.

Quelques adjonctions furent ajoutées au fil du temps :

- Une vis de blocage sur la monture hélicoïdale permet d'immobiliser la lentille lorsque le focus est fait.

- Un viseur Voïgtlander 15mm permet de composer rapidement, sans avoir à regarder dans le verre dépoli. Ce viseur permet aussi la prise de photo à main levée.

- Deux plaques de trépied Manfrotto RC-4 sont fixées en permanence sur l'appareil, afin de pouvoir prendre facilement des photos aussi bien en orientation paysage qu'en orientation portrait.

- Un niveau à bulle est ajouté sur le dos, afin d'avoir des horizons parfaitement droits.

Utilisation

Il est clair que Dorothea a ses avantage, et ses inconvénients.

Dorothea fonctionne comme n'importe-quel appareil grand format, volumineux et laborieux :  la patience est de mise. Bien que le viseur permette un cadrage rapide, le trépied et le verre dépoli permettent les ajustements de précision. Le spotmètre et le Zone System d'Ansel Adams sont un must pour maximiser la quantité d'information à capturer sur le film. C'est un peu comme faire de l'imagerie HDR avec de l'argentique.

Avec cet appareil, les gens posent des questions et le côté social de la photo entre en jeu. J'ai toujours eu à cœur la vulgarisation et la promotion de la photographier. Montrer aux gens ce qu'on peut arriver à faire quand on est passionné peut être une source d'inspiration et inciter les gens à faire de la photo.

L'envergure d'un tel projet

Dorothea utilise du film 8x10. Alors j'ai acheté à prix d'or une panoplie de films noir&blanc, couleur négatifs et positifs.

Avec le prix que le laboratoire demande pour développer du 8x10 (10$ la feuille), j'ai rapidement compris l'importance de développer son film soi-même, y compris les procédés couleur C-41 et E-6. Le développement couleur 8x10 en grand volume se fait dans des cuves et nécessite l'obscurité totale. Ceci a nécessité la fabrication d'une chambre noire.

 

Comme la chimie couleur peut être toxique, j'ai ajouté un bon système de ventilation et un masque à gaz. Tout se passe dans le noir, alors pour savoir avec exactitude où je me situe dans le temps, je me suis enregistré à compter les secondes et je réécoute l'enregistrement lors du développement.

 

Le flux de travail (workflow) que j'utilise me permet de retoucher les photos avant de les imprimer. Une chance, car plus le format du film est grand et plus il y a de poussières !

Numériser du grand format en haute résolution est synonyme de système informatique hors-norme. Des disques durs géants, des processeurs puissants, de la mémoire en quantité démesurée, et un système de sauvegarde sophistiqué sont de mise.

 

 


Une photographie prise avec la chambre Dorothea - © Eric Constantineau

     

Interview d'Eric Constantineau

G-P : Eric, comment vous est-venu cette passion pour la photographie ?

À plusieurs moment dans ma vie, la photographie a pris diverses significations, au fil du temps elle a gagné en importance. Je me souviens encore du son de plastique que faisait l'obturateur du Kodak Instamatic de ma jeunesse. À l'époque, la photo était déjà magique dans mon esprit. Durant mon adolescence, un Pentax K1000 et un Zenith E m'accompagnait dans mes nuits d'astrophotographie. Durant la vingtaine, un voyage en Europe m'a incité à acheter mon premier appareil numérique, payé à prix d'or ; j'ai rapporté beaucoup de souvenirs. C'est en France que la réelle piqûre est arrivée : j'ai commencé à me passionner pour la photo d'architecture. Autodidacte, je me nourrissais de livres sur la photo pour apprendre la base. J'aurais dû suivre un cours pour apprendre plus vite.

Depuis 2001, j'ai accumulé les expériences photographiques, mariage, studio, événements... puis j'ai défini mon style. En fait j'ai plusieurs styles que j'exploite selon l'idée que je veux faire passer ou le sentiment que je veux laisser transparaître dans mes photos.

Pourquoi construire des appareils photographiques et pourquoi particulièrement des chambres ?

Depuis quelques années, j'entreprends un projet photographique majeur par an. En 2009, j'ai fait un "365 analogue", je devais prendre au moins une photo par jour avec un appareil à pellicule. J'ai profité de ce projet énorme pour explorer la photographie dans son ensemble. Tout y est passé cette année-là. Tous les types de photographie, tous les types de film, chimie, marques d'appareils photo, tous les formats depuis l'appareil espion jusqu'au 20x24 pouces, faites le calcul, c'est beaucoup... bref, pour moi, 2009 a été une extraordinaire année d'exploration.

Durant cette exploration, j'ai beaucoup apprécié le grand format. Le fait de passer beaucoup de temps à fabriquer une image et de pouvoir contrôler l'ensemble avec tant de précision m'a fasciné. En plus de ça, j'ai été abasourdi par la quantité de détails que contient un grand format. C'est pourquoi en 2010, j'ai débuté un projet "52 grand format". J'ai pris au moins une photo par semaine avec des appareils photo grand format. Comme je ne disposais pas de fonds faramineux, et comme j'avais certains besoins photographiques spéciaux, j'ai débuté la construction de divers appareils photo.

Donc, les raisons pour lesquelles je fabrique des appareils photos sont :
- parce que j'ai des besoins très spécifiques, je n'ai pas eu d'autre choix que de construire mes propres appareils.
- parce que c'est moins cher que d'en acheter un déjà fait
- parce que les résultats sont presque tous sûrs de comporter une grande originalité

Et pourquoi des chambres en particulier ? Pour le format. Plus précisément, pour la quantité de détails que comporte le grand format. Que ce soit avec des objectifs ou des sténopés, le grand format contient énormément de détails.

Après avoir utilisé plus d'une centaine d'appareils photo, je me suis rendu compte de plusieurs choses :
- il n'est pas nécessaire de posséder un appareil dispendieux ou sophistiqué pour faire de la photographie "intéressante"
- pour certains besoins photographiques, il n'existe tout simplement pas d'appareil photo

Ca serait à refaire de A à Z, referiez-vous la Dorothea exactement de la même façon ?

Oui, Dorothea est excellente. Il faut dire que la fabrication d'un appareil photo se fait en plusieurs étapes : conception, fabrication, test sur le terrain, modifications. A ce jour, Dorothea est parfaite pour mes besoins spécifiques. Au départ, elle n'avait pas toutes les options qu'elle comporte aujourd'hui. Par exemple, je lui ai ajouté le viseur 15mm plus tard, question de ne pas toujours utiliser le verre dépoli pour prendre une photo. Puis la poignée amovible est arrivée plus tard également, ça me permet de photographier à main levée !

Quels sont vos projets à venir ?

J'ai plusieurs projets en cours et à venir. En ce moment mon projet "legos 52" utilise beaucoup de mon temps. Je recrée des scènes connues mondialement avec des legos et je les joins à quelques articles dénonçant certaines situations dans le monde, comme la guerre, les déversements de pétrole, le Titanic, les tremblements de terre, Tchernobyl...

Puis je fais beaucoup d'exploration urbaine, une série d'autoportraits nu parmi des décors en décrépitude, un autre projet pour mettre en contraste la douceur et la vulnérabilité du corps humain face à son environnement. Des sentiments de désolation et d'espoir sont véhiculés en même temps... intéressant.

Sans compter les divers projets de portraits en grand format, ou en 3 dimensions, je me nourris avec divers projets autant artistiques que techniques.

Je passe beaucoup de temps à développer des affaires en photographie. J'ai commencé à donner des conférences dans des clubs photo à propos du cheminement du photographe et de la fabrication d'appareils photo. Puis j'organise des journées thématiques pour les photographes amateurs. Par exemple, si des voyageurs viennent à Montréal, ils peuvent communiquer avec moi et disposer d'un guide touristique et photographique en même temps !

 

dernière modification de cet article : 2011

 

     
     

 

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