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l'auteur

François Besson

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Collodion, Ô mon beau collodion !

Drame de l'amour en deux actes - dénouement heureux...

 

par François Besson

 

Premier acte: une passion contrariée

L'été approche et j'en ai assez ! Assez de tout, du travail, de la courlischromie(1) bien sûr, mais plus que tout de ne pas avoir fait d'images depuis longtemps. Ma chambre noire s'est peu à peu transformée en laboratoire de chimie et de mécanique : il n'est plus possible d'y faire le moindre pas, moins encore d'y effectuer le moindre tirage.

Heureusement, j'ai un projet qui me tient à cœur ; je vais profiter de mes deux semaines de congé annuel pour faire des natures mortes au collodion dans l'esprit des petites choses de Chardin que l'on voit au Louvre(2).

Pour la technique, pas de problème, j'assure car j'ai suivi le fameux stage merveilleux et pratique d'une demi journée « le collodion sans peine » du sieur de Franqueville(3). Sans parler des vidéos(4) que j'ai vues et revues. Ce bagage fera bien l'affaire.

Partant en train avec tout le petit matériel, il me faut une chambre légère. J'en trouve une sans marque mais d'un âge vénérable sur Ebay. Le vendeur indique qu'elle est bien fatiguée, mais fonctionne toujours ; cet homme disait vrai, plus que vrai même. Les mouvements sont un peu gourds, l'ensemble d'une stabilité très relative. Difficile d'exiger plus d'une machine vendue pour cent cinquante euros. Un peu de bricolage me permet d'y adapter un apogerogon(5) trouvé dans mes tiroirs et cette merveille cacochyme fera son boulot.

 

Un sac de marque et un protège dépoli permettront de la transporter commodément sans peine ni danger.

Les quelques produits indispensables en poche nous nous mettons en route. Les enfants râlent fort contre le bric-à-brac indispensable à mes projets. Je proteste tout aussi fort contre leur bric-à-brac. Sur place, la grande voiture louée en ligne se révèle bien étroite pour nous loger avec armes et bagages - à vrai dire je n'y connais absolument rien en automobiles et il n'est pas exclu que je me sois trompé quelque part - heureusement, un des invités s'est désisté au dernier moment et nous arrivons finalement à rentrer dans notre carrosse.

Dans la maison que nous occupons, je découvre des planches superbes, ultimes vestiges d'une vielle cabane désormais effondrée. Mon projet change, je vais photographier des petits bouquets sur fond de planches délavées. Notre jardin, celui des voisins et les montagnes environnantes me fourniront les sujets.

Les petits ennuis commencent : la plaque de verre s'obstine à quitter le châssis pour verser dans la chambre, il se met à pleuvoir des trombes quand je suis en train de sensibiliser la plaque, ma montre s'arrête en cours d'exposition, le vent menace d'emporter la chambre. Celle ci est animée de mouvements spontanés inattendus... rien ne m'arrêtera et j'ai bientôt quelques plaques.

Les premiers contacts sont réalisés avec les moyens du bord: papier RC périmé, ampoule au plafond, planéité approximative. Néanmoins les résultats me comblent de bonheur : la lumière est magique, l'image floue et nette à la fois. Bref, je tombe amoureux d'un procédé qui me rappelle la magie du polaroid.


© François Besson

Mal m'en prend car les vrais ennuis vont commencer. Brusquement, plus rien ne fonctionne : les plaques se couvrent d'un réseau laiteux rendant tout tirage impossible. La ligne d'urgence Sos collodion(6) ne répond plus ou donne des réponses lénifiantes. Il me faudra presque une semaine pour comprendre - après avoir modifié tous les paramètres - que ce réseau laiteux vient d'un défaut de fixage. Entre temps, toutes les plaques ont été recyclées plusieurs fois, les modèles ne veulent plus poser, le collodion est épuisé et moi aussi.

 Quand enfin je maitrise à nouveau à peu près la chose, rien ne va plus du côté de la météo. Soit il pleut et je ne peux rien faire ; soit il fait beau mais d'un beau temps stupide qui rend la lumière insipide. Et c'est tristement que je remballe mes petites affaires, ravi des quelques images réussies, malheureux de toutes celles qui ont été perdues.

Deuxième acte : drame dans les sous-sol parisiens

De retour chez moi, je me précipite dans ma chambre noire pour tirer les quelques plaques rescapées.

Las, c'est une catastrophe, la magie du collodion semble avoir disparu au cours du voyage de retour ; les images agrandies sont sèches, sans nuances, d'une indigence de lumière qui donne mal à la tête.




(détail)

Un mois durant, je cherche à reconstituer les conditions du tirage contact initial pour retrouver la lumière enchantée...

J'essaye le tirage contact éclairé en diagonale selon des angles variables, sur des papiers RC ou barytés ou sur du film... J'introduis un film mince entre la plaque de verre et le support sensible, puis des défauts locaux de planéité... j'essaye de contretyper sur des plans-films préalablement débarrassés de leur couche antihalo. Je fais des solarisations partielles, des prévoilages du film. Je mixe tout ceci dans des proportions variables sans obtenir le moindre résultat consistant... Je deviens fou et je ne trouve pas de solution. L'insomnie aidant, des idées de plus en plus farfelues me gagnent ; en désespoir de cause, je tente une dernière chose : sous l'agrandisseur, je dépose en cours de tirage une de ces feuilles de papier irrégulièrement texturée dont les bouchers se servent pour vous offrir leur marchandise. Et le miracle s'accomplit, je retrouve ce qui faisait le charme de mes petits bouquets : leur lumière surnaturelle, ce flou parfaitement net qui enchante mon cœur et cette impression que l'image est à la fois en train de se faire et de disparaître.


© François Besson


(Détail)


© François Besson


(détail)

 

Que vont devenir ces images ? Un petit livre naturellement, à paraître aux éditions du courlis déchaîné... « cinq petits bouquets pour ma bien-aimée »(7)

 

 

Notes

(1)

sur la courlischromie...

(2)

un exemple de nature morte de Chardin

(3)

Edouard de Franqueville, organisateur de stages sur la technique du collodion humide ; ses stages allient pratique et théorie et permettent de passer à l'acte sans s'égarer dans une littérature surabondante. (efranqueville@free.fr et http://efranqueville.free.fr/).

(4)

The Wet Plate Collodion Process de Quinn Jacobson ; Sally Mann à l'œuvre 
A voir parmi les vidéos de Robb Kendrick.

(5)

Objectif de banc de reproduction sans obturateur. Se trouve très bon marché sur Ebay.

(6)

efranqueville@free.fr

(7)

Je remercie Jean-Marie Solichon qui a identifié les végétaux du livre.

 

Voir aussi, sur le collodion humide, l'article d'Edouard Franqueville sur galerie-photo

Pages du site sur les procédés alternatifs :
atelier fresson
boîte à lumière UV à la manière d'une photocopieuse
carlos barrentes tireur
collodion humide
collodion, Ô mon beau collodion
construire une insoleuse photo  20x25
construire une insoleuse photo  pour le 4x5"
contre-histoire de la photographie, par camille bonnefoi
cyanotypie
danger de la chimie photographique
denis baudier
Hacer tirajes en el siglo XXI
heliochromie au charbon
heliochromie au charbon
héliogravure d'art
Interview de Lionel Turban, fondateur de Disactis
j'ai reçu mon kit platine !
justine montmarché et sébastien bergeron : photo de rue
kallitypie
l'orotone pour tous
la trichromie pose la bonne question
le plus grand van dyke
le procédé Rawlins à l'huile, interview de Philippe Berger
michel graniou : palladium
montage simple de tubes uv pour une insoleuse
oléotypie
palladium : un livre en téléchargement gratuit
palladium : un livre en téléchargement gratuit (version 2007)
procédé Van Dyke
sel de der : fabriquer son oxalate ferrique
street box camera
technique du charbon
technique du papier albuminé
technique du papier salé
tirage au bichromate par teinture directe
tirage au charbon direct
tirage platine - palladium
tirage à l'oeuf entier
tirage à la gomme bi-chromatée
trichromie à la gomme bichromatee
ziatype : une recette du palladium par jean-claude mougin
élargir le trou d'une planchette porte-objectif

 

 

 

dernière modification de cet article : 2008

 

 

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